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cité quelques-uns. On dit qu'ils font propres à bien écrire l'hiftoire. Cependant ils n'ont pas encore fourni dans ce genre un modèle avoué de toute l'Europe. Ce ne font pas les événemens qui leur ont manqué; c'est peut-être la liberté. Mariana, tout bon écrivain qu'il eft, ne réunit pas les principales qualités de l'historien; d'ailleurs fon ftyle n'a pas ce caractère de grandeur qu'il lui eût été fi facile de prendre, & fa pensée manque de cette profondeur de vues qu'on exige dans un modèle.

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La littérature efpagnole a fouffert une éclipse avec la décadence de cette vaste monarchie qui, pendant un fiècle, donna le ton à l'Europe. Le fceptre des lettres palla dans d'autres mains au commencement du règne de Louis XIV. On fait aujourd'hui des efforts pour ranimer les bonnes études dans ce beau pays. Un ouvrage qui parut il y a quelque tems, & où l'on trouve le fel & la raison de l'auteur de Dom Quichotte, fembloit bien propre à dégoûter de la mauvaise mé

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thode que l'on fuivoit dans les études. Le gouvernement s'en eft mêlé depuis. On propose des prix pour les meilleurs ouvrages de théâtre & les autres parties de la littérature qui font négligées. Nous avons vu récemment fortir des preffes de Madrid, un poëme fur la mufique où la connoiffance de l'art eft accompagnée de toutes les graces du ftyle & des charmes de l'harmonie. Puiffent des efforts de ce genre fe multiplier pour la gloire des lettres & leur renouvellement dans cette contrée! Le génie y eft échauffé de plus près par les rayons du foleil; & la nature en y prodiguant fes richeffes, n'a point négligé les hommes.

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CHAPITRE V.

DU PORTUGAL.

LE Portugal connu dans l'antiquité sous

le nom de Lufitanie, fut redevable à l'infant Dom Henri, du renouvellement des lettres jufques-là cette nation ne s'étoit occupée que de fes guerres avec les Maures. Elle parloit la langue espagnole, mais dans un dialecte particulier qui fut enrichi de beaucoup de mots empruntés d'autres idiômes européens, parce que des aventuriers de toutes les nations arrivèrent en Portugal à l'époque des découvertes.

Ces découvertes fameufes donnèrent - du mouvement aux efprits. Elles ramenèrent la néceflité d'écrire dans fa propre langue, au lieu de la langue latine, la feule en ufage dans les univerfités; car il y avoit auffi des umiverfités en Portugal.

Quelques extraits de voyageurs contemporains des découvertes, prouvent que la langue portugaife prenoit déjà de la

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confiftance, de l'harmonie & de la grace. On n'avoit pas encore des poëtes & des hiftoriens; mais on touchoit au moment d'en avoir; le luxe qui s'introduifoit dans l'état avec les richeffes de l'Inde, faifoit fentir le befoin des arts de l'efprit. La fociété fe perfectionnoit en Portugal; la cour étoit nombreuse & brillante. Les agrémens feuls que donne l'opulence ne fuffifoient plus. Le goût de la converfation & celui des fpectacles, un certain orgueil, enfant des richeffes & des exploits glorieux qui les avoient acquifes à la nation, tout réveilloit le génie des Portugais, & enflammoit l'imagination de ceux qui fe fentoient du talent. Auffi viton paroître une génération d'hommes trèspolis & très-éclairés. De bonnes études faites dans les livres des anciens, le défir de les imiter, une certaine hardieffe de pensées & de style, voilà ce qu'on apper çut dans les auteurs qui font encore aujourd'hui la gloire de la littérature portu gaife. C'étoit environ vers le milieu du feizième fiècle que l'on vit paroître les

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Freires d'Andrade, les Fereiras, les Diogo
Bernardès & le Camoëns.

Ces hommes de lettres étoient unis entr'eux par les liens d'une véritable & douce amitié. Il ne faut que lire leurs ouvrages pour s'en convaincre. Ils avoient des relations intimes avec les grands du royaume qui fe mêloient de littérature, & le nombre n'en étoit pas petit. Les Hens formés dans l'univerfité de Coïmbre entre des efprits défireux d'apprendre, fubfistoient encore après qu'on en étoit forti, & que chacun avoit pris fa place dans la fociété. Le fimple homme de lettres continuoit d'être l'ami des Meneses, des Soufa, de Soeiras, grands noms qui ne dédaignoient point les lettres, & qui les cultivoient même avec autant de fuccès que ceux qui en faifoient profeffion.

Il est curieux de voir dans les poéfies de ce tems-là, les épanchemens de cœur de ces hommes vraiment eftimables & remplis de zèle pour la gloire de leur patrie. Ils fentoient que les lettres feules pouvoient lui affurer les avantages dont

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