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liarité. Aucun de fes fucceffeurs ne peut paffer pour avoir négligé les lettres, bien loin de les avoir haïes; les encouragemens qu'on leur donne femblent dès-lors faire partie des foins du Gouvernement. Charles V jette les fondemens de la bibliothéque royale de loin en loin on apperçoit toujours quelque distinction pour les lettres; enfin, François premier en eft proclamé le père par la voix du peuple, & le royaume va toujours en augmentant de profpérité.

On doit croire que les lettres ont fingulièrement influé fur cette profpérité conftante. Ce font elles qui ont donné, dans les temps difficiles, des adminiftrateurs éclai rés, des négociateurs habiles, dans tous les temps, ce mouvement rapide qui est devenu l'efprit françois, qui a poli les mœurs, animé le goût; développé les talens en tout genre d'une nation auffi vive que fpirituelle. Les François ne font pas d'aujourd'hui en poffeffion de donner le ton à l'Europe pour les arts & la politeffe des mœurs. Il a fallu des fiècles pour ré

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menoit avec lui des philofophes, des hif*toriens, des médecins, des jurifconfultes, des favans de tout genre. On fixoit dans des mémoires les chofes qui frappoient le plus dans les pays où l'on paffoit ; le globe s'étendoit aux yeux des Grecs, à mesure qu'ils apprenoient à le mieux connoître; tous les détails étoient faifis par différentes perfonnes qui s'étoient occupées d'une fcience particulière, & qui y rapportoient les nouvelles chofes qu'elles voyoient. Mais les proconfuls Romains, quelquefois gens d'efprit, plus fouvent hommes faftueux & livrés à leurs plaifirs, dédaignoient de s'enquérir des peuples qu'ils dépouilloient; s'ils parcouroient leurs provinces, c'étoit pour les ravager, & non pour s'inftruire. Ils avoient pour les nations ce mépris que donne l'orgueil d'une puiffance irréfiftible, & l'ignorance étoit chez eux le fruit de l'autorité. Pour un Pliné l'ancien, qui élevoit le monument fublime de l'hiftoire naturelle, que d'Othons voluptueux, que de Vitellius appefantis par la bonne chère & par la débauche !

Les lettres, les fciences ne gagnoient point à de tels gouverneurs. Les lumières lointaines ne pénétrèrent point jufqu'à Rome; ainfi, les voyages, les dépenfes des proconfuls, leur féjour dans les provinces étoient perdus pour le genre humain.

Il eft à préfumer que s'il étoit venu dans l'efprit des empereurs ou de leurs favoris, d'établir des compagnies favantes, semblables à celles qui font aujourd'hui en Europe, l'empire auroit été mieux connu, l'autorité fe feroit adoucie dans les provinces, & les lumières auroient corrigé jufqu'à certain point les vices d'un mauvais gouvernement. Mais il n'entroit point dans le génie des Romains de voir autre chose que le grand art de la guerre qui leur avoit foumis les peuples, & les maintenoit dans l'obéiffance. Les empereurs, livrés à leurs affranchis, qui étoient les miniftres de ce temps-là, ne portoient point leurs vues aux chofes grandes & utiles; l'intérêt du moment déterminoit leur inflinct, qui n'avoit d'activité que pour l'oppression & pour les plaifirs. Quand Augufte auroit fondé des

pandre dans le royaume cette civilisation générale, pour y établir cette facilité, ce liant de caractère, qui rend le François concitoyen de tous les peuples, tolérant pour leurs préjugés, acceffible à leurs mœurs, capable de fe plier à toutes les formes de la vie humaine, de ne fe trouver étranger nulle part, pas même chez les peuples fauvages, qui ne croient pas pouvoir faire un plus bel éloge du François, que de dire qu'il eft un homme comme eux. Les Grecs étoient peut-être trop enthousiastes de leur pays; .les Romains portoient par-tout leur fierté prefque infolente. Il n'étoit pas encore arrivé qu'une grande nation toute entière, fans fe trop eftimer, fût rendre juftice à fes voifins, adopter leurs ufages, même dans des chofes indifférentes, lorfqu'elle s'apperçoit qu'ils valent mieux que les fiens; fe dépouiller de ce préjugé, fi fouvent funefte à l'humanité, de ne rien voir de bien que dans fa patrie, de n'apprécier les chofes que par les vues baffes de l'intérêt de nation, & de se laiffer dicter fes

jugemens par la prévention plutôt que par la raison.

Tel a été l'effet des lettres pour civilifer la France. Ce font elles qui ont formé l'esprit nationnal, & répandu même parmi le bas-peuple une foule d'idées raifonnables & de fentimens juftes des chofes qui, dans d'autres pays, ne fe trouvent que dans les livres. L'étranger étonné se demande fouvent, pourquoi cette douceur universelle, cette compatibilité d'humeur qui règne dans toute la fociété d'un grand peuple. C'eft que la morale de l'homme vivant avec fes femblables, ayant befoin de fupport, & destiné à en servir à autrui cette morale qui a fondé les premières fociétés, a été plus cultivée en France que par-tout ailleurs. Les livres les théâtres, l'exemple, ne difent point autre chofe; tout femble avoir concouru à établir ce règne des mœurs bien différentes des mœurs pures, qui font du reffort d'une morale plus relevée.

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Si les lettres ont influé fur la prospérité de l'Etat, la profpérité de l'Etat à fon

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