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fous leurs yeux, le monde ancien & le monde nouveau : leur efprit en les rapprochant, formoit de nouvelles combinaisons d'idées qui répandues dans la masse de la fociété, obligeoient les auteurs à s'inftruire eux-mêmes, avant de prétendre à l'honneur d'inftruire les autres.

D'ailleurs c'eft une chofe connue que l'éducation eft meilleure en Angleterre que par-tout ailleurs. Les univerfités font affez éloignées de la capitale pour n'en pas refpirer l'air contagieux & mortel pour les études férieuses. Les jeunes gens à l'abri de la diffipation, renfermés dans le cercle de leurs devoirs, animés par l'efpérance d'être un jour quelque chofe dans leur nation, fe livrent aux travaux les plus pénibles, & s'y livrent avec délices. L'ardeur du premier âge eft confacrée à la paffion de l'étude : le jeune homme d'une condition inférieure voit les plus grands noms à côté de lui, les plus hautes deflinées fubir la même loi, lui donner l'exemple de l'affiduité au travail & de toutes les vertus. Dans ces

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académies vraiment utiles & fi justement célèbres, il se forme fouvent entre une jeunefle d'états fort difproportionnés, des liaifons qui durent autant que la vie un intérêt d'amitié qui fupplée dans le befoin aux largeffes que les favans reçoivent des princes dans d'autres pays de l'Europe. Si d'autres encouragemens fe joignent à ceux-là, les Anglois conferveront leur poids dans la balance littéraire. Cela leur eft d'autant plus facile qu'ils ne font point affujettis à l'empire de la routine, & qu'ils peuvent varier à l'infini la forme de leurs productions. Mais il est des principes de goût dont il ne faut point s'écarter. La route eft frayée par les bons modèles. Les anciens qu'on étudie tous les jours, n'ont eu pour but que d'attacher l'efprit à des idées intéressantes & utiles. Toutes les fois qu'on en présentera de telles aux hommes, on fera sûr de leur plaire, parce qu'ils tiennent à leurs intérêts. C'est d'après des principes d'utilité bien entendue, qu'il faudroit diriger tous les travaux de l'efprit humain.

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CHAPITRE VIII.

DE L'ALLEMAGN E.

LES lettres ne pénétrèrent point en Germanie avec les Romains qui eux-mêmés ne poufsèrent pas bien avant leurs conquêtes dans cette vafte région. Les Germains défendus par des marais & des bois impraticables, laifsèrent leurs ennemis retranchés fur les bords du Rhin & du Danube, franchirent ces barrières, quand ils en eurent le pouvoir, & renversèrent enfin cet Empire qui les avoit menacés d'une deftruction totale. Livrés aux foins de leurs troupeaux & occupés de leurs guerres, les Germains avoient des chanfons militaires où ils célébroient les exploits de leurs capitaines, & s'entr'exhortoient à les imiter. C'étoit leur feule littérature, car il eft douteux qu'ils fiffent ufage de livres, & qu'ils connuffent l'art de tracer des caractères. Ce qui le prouve, c'est la peine qu'ils eurent à vouloir apprendre quelque

quelque chofe, quand la conquête les eut établis dans des pays où l'on favoit lire & écrire. Ils regardoient ces occupations comme le partage des efclaves ; ils ne vou loient que la guerre, & ce préjugé barbare fe perpétua long-tems dans la nobleffe européenne issue dès nations germaniques.

Nous pafferons légèrement far les fiècles d'ignorance qui furent le tems où la Germanie fut convertie à la religion chrétienne. Le culte n'y fut jamais bien éclairé, auffi les novateurs du feizième fiècle trouvèrent-ils plus de facilité à féduire les Allemands que d'autres nations de l'Europe. A la renaiffance des lettres, les Germains fe livrèrent avec une ardeur infatigable aux travaux des commentateurs. Ils firent des vers latins un peu moins bien que les Italiens & les François; ils dédaignoient leur langue comme trop dure & trop groffière. Ils étoient d'ailleurs agités par des divifions inteftines, des guerres continuelles qui ne leur laiffoient point le loifir de fe polir & de cultiver leur langage.

S

Le fiècle de Louis XIV contribua encore à retarder les progrès de la littérature allemande. Comme le pays eft partagé en un grand nombre de petits états qui ont chacun leur cour, la fortune prodigieuse de la langue françoise la fit adopter de tous ces princes. L'allemand fut laiffé au peuple & à quelques gens de lettres qui eurent le courage d'écrire dans leur langue malgré le discrédit où elle étoit tombée. Mais ces travaux, faute d'émulation & de récompenfe, n'étoient point pouffés avec beaucoup d'activité. Quelques poéfies communes & quelques livres d'ufages compofoient la littérature de cette grande nation. Ce fut feulement vers le milieu de ce fiècle que les Allemands commencèrent à regarder autour d'eux, & qu'environnés de nations qui avoient chacune des chefd'œuvres dans leur langue, ils fe demandèrent à eux-mêmes fi la leur ne pourroit point en avoir auffi. Ils avoient la connoiffance des anciens & un dictionnaire très-riche, une manière de former leurs mots, qui tenoit du génie de la langue

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