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pre. En fait d'ouvrages d'efprit, la copie ne plaît guère, quand elle eft trop exactement calquée fur l'original.

Les Allemands n'ont point encore dans leur langue d'hiftorien qu'on puiffe citer auprès d'Hume, de Robertson, de Vertot & de Voltaire. Leur littérature eft peutêtre trop récente. Souvenons-nous que la Grèce avoit depuis long-tems des poëtes avant d'avoir un feul hiftorien.

La critique a fait des progrès en Allemagne. On cite avec éloge les ouvrages de Bodmer. Il y a quelques romans qui font eftimés, des écrits de morale & de philofophie qui ont mérité d'être traduits dans les autres langues de l'Europe. Les Allemands eux-mêmes ont fait des traductions de tous les ouvrages dont la réputation est établie. Plufieurs de ces traductions paffent pour être bien faites, & doivent fervir à avancer le règne du goût.

Nous avons parlé d'après nos vues & fans partialité, d'une littérature qui n'exifte que depuis quarante ans. Nous ne prétendons point donner nos opinions

pour un jugement irréfragable. Nous les foumettons en ceci comme en tout le refte, à l'examen des gens éclairés. Les préventions nationales font grandes & chatouilleufes: on craint toujours d'avoir manqué de ménagement, lors même qu'on eft fans préjugé, & qu'on ne cherche que la vérité. Mais il y a du courage à la dire telle qu'on la fent, & c'eft la loi que nous nous fommes prefcrite dans cet ouvrage. Si l'on nous accufe avec aigreur, nous nous retrancherons dans un filence modefte. Si l'on nous fait appercevoir que nous nous fommes trompés, nous aurons la bonne foi d'en convenir, & de réformer nos jugemens.

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CHAPITRE IX.

DES AUTRES NATIONS

DE L'EUrope.

IL y a deux langues en Europe qui n'ont

encore rien produit de bien remarquable en littérature, la langue esclavonne & celle des Grecs modernes. La raison en eft que l'une eft parlée par des peuples civilifes depuis peu de tems, ou trop occupés de leurs guerres, ou diftraits par les langues des autres nations qu'ils ont préférées à la leur. L'autre gémit fous le joug de l'esclavage, ainfi que le peuple qui s'en fert. Il n'eft donc point étonnant qu'elle ne rappelle point à nos efprits les charmes d'Anacréon & d'Homère. Il feroit poffible qu'une révolution lui rendît quelque chofe de fon premier éclat. La langue grecque moderne eft douce, harmonieufe, riche & moins détournée du grec antique;

que l'italien ne l'eft du latin. Les peuples qui parlent cette langue, ont confervé beaucoup de chofes de leurs formes primitives. C'eft prefque la même fimplicité, le même goût pour la nature, cette fenfibilité exquife de coeur & d'organes, qui prêtoit tant de charmes aux productions des anciens Grecs. Dans le plaifir, dans la douleur, on croit encore entendre la douce voix de Sapho ou les plaintes fi bien exprimées par les choeurs des tragédies d'Euripide. C'est une observation que M. Guis a faite dans fon voyage de la Grèce, & qui fe trouve juftifiée par le témoignage d'autres voyageurs.

Les Grecs modernes privés du fecours de l'instruction, ne connoiffant guère les richeffes de leur ancienne littérature, ne peuvent pas faire un grand ufage de leurs talens naturels. Cependant il y a d'eux des chanfons pleines de graces & d'élégance : j'en ai vu une entre les mains d'un homme de lettres qui avoir été long-tems dans ce pays-là: je croyois lire une ode d'Anacréon, tant il avoit de diffé

y

peu

rence!

rence pour le langage & la manière de rendre les fentimens.

Il est vrai que le mêlange des vainqueurs avec les vaincus a altéré jusqu'à un certain point le caractère primitif. Les Grecs frappés fans ceffe du spectacle des mœurs turques, ont pris quelque chofe du goût de la nation dominante qui a auffi fes poëtes, fes conteurs & fes chanfonniers. Les Turcs ont imité la littérature des Arabes, le langage trop figuré des peuples orientaux; & ces défauts ont un peu altéré le génie naturel des Grecs. Mais ces taches difparoîtrcient, s'ils avoient enfin commerce avec les anciens & les nations éclairées de l'Europe. Cet inftin&t du bon goût inné dans un pays qui a créé les arts de l'efprit, fe remontreroit dans toute sa force avec la liberté & l'aisance qui en eft la fuite. Peut-être on verroit des poëfies & des écrits dignes des plus beaux tems de la Grèce, une raison égale à celle des peuples du Nord, & une fenfibilité plus exquife que la leur.

Quoique la langue grecque ait perdu

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