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qui eft la plus douce récompenfe du génie, & qui contribue plus qu'on ne croit à la célébrité des peuples.

296.

CHAPITRE X.

DE LA LITTÉRATURE

DES ARABES.

Nous parlerons dans ce chapitre de

la littérature des Arabes, à caufe du rapport qu'elle a eu avec celle de l'Europe, dans le tems que nos lettres ont commencé à fe former. Les Arabes avoient des poëtes & des orateurs avant Mahomet. Cette nation fpirituelle à qui fes occupations donnoient beaucoup de loifir, étoit fort fenfible aux beautés d'imagination, aimoit les fables & les contes, faifoit des vers rimés, & c'eft d'elle peut-être que nous avons reçu la rime. Appliqués à la vie paftorale, les Arabes avoient le tems de penfer, de rêver, de méditer. Ils chantoient les troupeaux, le calme d'une vie paisible qui n'étoit troublée que par les douces inquiétudes de l'amour. Nés fous un ciel brûlant, leurs imaginations étoient

enflammées, leur style exagéré, véhément comme leurs fenfations, leurs images fouvent gigantefques. Commerçans autant que pasteurs (car l'Arabie est le premier pays de la terre où il y ait eu du commerce); ils connoiffoient beaucoup de contrées & favoient les décrire; cela donnoit plus d'étendue à leur efprit & à leurs ouvrages. Les comparaifons prifes du négoce & des animaux qui y fervent, font auffi fréquentes chez eux, que celles des troupeaux, de la gazelle, des autres quadrupèdes & des oifeaux les plus communs dans leur pays.

Quelques défauts du génie des Arabes ont paffé dans la littérature des nations européennes qui avoient plus de rapport avec eux, dans le tems de la renaiffance des lettres. Ces défauts feront peut-être des fiècles à fe déraciner, tandis qu'il n'a fallu qu'un inftant pour les introduire dans ces langues.

La grande révolution de la littérature arabe fe fit fous Mahomet & les califes fes fucceffeurs. Mahomet avoit beaucoup d'éloquence; il y paroît par fon Alcoran,

ouvrage découfu, mais plein de verve & de génie. Les califes prédicateurs & fouverains, n'étoient pas moins jaloux de la gloire de l'éloquence que de leur autorité; le même goût règnoit chez leurs lieutenans, & c'étoit à qui fe fignaleroit davantage dans l'art de parler & d'écrire. D'un autre côté, les poëtes naiffoient en grand nombre. Avec une langue extrêmement riche & qui ne gênoit pas beaucoup ceux qui fe mettoient à composer, il étoit facile de faire des vers, & l'Arabie en fut inondée ainfi que les autres régions où les Arabes s'établirent. Comme ils fondèrent des collèges dans toute l'étandue de leur empire, en Syrie, en Afrique, en Espagne, en Perfe & par-tout où ils dominoient, il y eut une multitude d'auteurs, hiftoriens, romanciers, conteurs philofophes, médecins, mathématiciens, aftrologues (car ils eurent toujours beaucoup de prédilection pour l'aftrologie); leurs fauffes fciences leur corrompirent le goût vers le dixième fiècle; ils auroient été plus loin, s'ils s'en étoient tenus à

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leurs lumières naturelles & à la fenfibilité qu'ils avoient apportée de leur pays. Mais Ariftote tomba par malheur entre leurs mains. Ils en traduifirent les livres, non pas les meilleurs, mais ceux qui avoient rapport à la métaphysique & aux principes de fa philosophie, aujourd'hui univerfellement décriés. Les Arabes abandonnèrent alors cette littérature brillante & récréative qui nous charme encore dans quelques-uns de leurs poëtes & de leurs

conteurs.

La doctrine des génies, des fées, étoit par-tout mêlée dans leurs livres. C'est d'eux que l'Europe l'a reçue; c'est faire trop d'honneur à d'autres nations que de la leur attribuer.

Ils eurent des hiftoriens qui attachèrent par la naïveté des récits, mais à qui leur imagination a fouvent groffi les objets. Accoutumés à un refpect approchant de l'adoration pour les dépofitaires du pouvoir, les épithètes d'invincible, de formidable ne leur coûtent rien. Il paroît qu'ils ont fouvent altéré la vérité à dessein,

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