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CHAPITRE PREMIER.

DE LA GRÈCE.

EN écrivant les révolutions de la littéra

ture ancienne & moderne, il faut d'abord prendre les lettres dans leur berceau. Ceux qui les confondent avec les sciences, placent leur origine en Egypte, pays qui eut, avant tous les autres de l'antiquité, une civilisation, des moeurs, des arts, des richeffes & des favans. Mais les fciences de P'Egypte ne lui donnèrent point les lettres; du moins il ne nous en reste aucun monument. Il faut donc les chercher en Grèce, c'est leur véritable patrie; c'est de là que nous font venus nos maîtres en l'art d'écrire. Dans la Grèce même il faut diftinguer l'Ionie, contrée de l'Afie mineure, peuplée par les colonies grecques d'Europe, & qui eut des poëtes, des philosophes & des historiens, avant que l'on s'occupât à Athènes de ces divers genres de littérature.

Les

&

Les Ioniens, nés fous le plus beau ciel de l'univers, jouiffant des bienfaits d'une nature prefque prodigue dans fa libéralité, heureusement organisés pour les arts, doués d'une fenfibilité exquife, augmentée, encore par la fimplicité de leurs mœurs, n'ouvrirent les yeux fur les fcènes de la nature, que pour les peindre avec transport. Ils eurent des poëtes du moment que leur langue eut été formée, époque fort reculée, & dont il eft impoffible de marquer le temps précis. Le premier auteur connu de cette contrée, c'est Homère, qui vivoit environ mille ans avant l'ére chrétienne. Il n'eft point néceffaire de parler de Mufée, que l'on cite comme plus ancien que lui, mais dont il ne nous refte rien. Ce Mufée eft bien différent du Grammairien d'Alexandrie, dont nous avons un joli poëme de Léandre & d'Héro.

On fait que plufieurs villes grecques d'Europe & d'Afie fe font difputé l'honneur d'avoir donné le jour à Homère, L'incertitude fur le lieu de fa naiffance, a été l'occafion d'un grand procès dans

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l'antiquité. Cependant l'opinion commune le fait naître fur la côte de l'Afie mineure, où étoit l'lonie & l'Eolie, ou dans quelqu'une des îles adjacentes. La fable s'eft occupée à embellir le berceau de ce prince des poëtes; l'antiquité lui décerna des autels, & il eut un culte dans plufieurs villes. Depuis près de trois mille ans, toutes les bouches favantes retentiffent de fes louanges. Dans des temps reculés, les plus favans hommes de la Grèce, & les plus fages légiflateurs s'appliquèrent à recueillir & à rédiger fes ouvrages, pour les faire fervir à l'éducation des peuples, & à l'embelliffement de la vie humaine. Il échauffa le courage des Grecs par le récit des combats & des victoires de leurs ancêtres; il leur traça dans la conduite d'Ulyffe le plus parfait modèle de la vie civile dans les voyages, dans les périls, dans l'adminiftration des affaires domeftiques; il ébaucha un plan que l'immortel Fénélon perfectionna dans le dernier fiècle, en s'emparant des fables des Grecs, qu'il accompagna d'une morale

plus douce, plus pure & plus lumi

neuse.

Le charme des vers d'Homère, la richeffe de fes defcriptions, la vérité de fes peintures, la hauteur de fes idées & l'élévation de fes fentimens, jointes à ces mouvemens vifs & paffionnés, qui dominent dans fes ouvrages, en firent aisément le premier des poëtes & le modèle de tous. L'impulfion qu'il avoit donnée aux efprits, fut la caufe d'une grande révolution dans un pays où les lettres n'avoient pas pris encore une affiette affez folide. L'impreffion fe fit fentir à toutes les villes de l'Ionie, petites à la vérité, mais fi remarquables dans l'histoire des lettres, par les grands hommes qu'elles ont produits. La moindre bourgade de cette heureuse contrée peut citer quelque nom célèbre : les îles femées dans l'Archipel, partagerent cette gloire. Un rocher, dédaigné aujourd'hui par les voyageurs, fut la trie d'un grand homme. Les îles, plus confidérables, telles que Scio & Lesbos, en eurent plufieurs, fur-tout Lesbos, où

pa

le génie de la poéfie fembloit avoir fixé fa demeure.

Mais le centre des lettres étoit à Milet, ville célèbre dans l'antiquité, par fa gloire & par fes malheurs. C'est une chose prodigieufe que le nombre d'hommes illuftres qui virent le jour dans cette capitale de l'Ionie. Elle en fut redevable à fa population, à la fertilité de fon fol, au génie de fes habitans, plus raffemblés, plus exercés dans le commerce & les arts. Là fleuriffoit ce Thalès, le père de la philofophie ancienne, homme univerfel, qui fut tout-à-la-fois aftronome, phyficien, ingénieur, politique, & homme de fociété, auffi cher à fes compatriotes par fes talens & par fes vertus, que recherché à la cour des princes par fes connoiffances & fes qualités aimables.

Ce fut lui qui ouvrit cette école fameuse, où les plus grands noms de la Grèce tinrent à honneur de devenir fes difciples. La lifte en feroit fort longue, on peut la voir dans Diogène-Laërce. Celui qui brilla le plus dans le nombre, c'est Pythagore

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