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des Gaules; il fe rapprochoit par la clarté, du tour d'efprit de la nation qu'il avoit vaincue, & donnoit à sa narration la marche rapide de ses victoires. Quel homme. prodigieux que Céfar? Dans fa première jeuneffe, il fut l'imitateur de Sophocle & le rival de Ciceron; il lui auroit difputé la palme de l'éloquence. Il analyse la langue romaine, & lui ouvre une nouvelle fource de beautés; il paffe de la littérature aux sciences, il perfectionne le génie de la guerre, & Rome lui doit la réforme du calendrier. Toujours les armes à la main, toujours l'efprit en activité activité, cet homme extraordinaire n'eut point d'égal dans fon fiècle; il falloit qu'il fût le premier en tout; la nature, la réflexion, la grandeur d'ame, tout le deftinoit à devenir le maître du monde. *

Nous touchons au frècle d'Augufte, l'une des époques les plus mémorables des lettres. Les Romains avoient déjà Lucrèce, Catulle, & Térence heureux imitateur de Ménandre dont il retraçoit l'élégance & les grâces dans un style poli par

le commerce des Scipion & des Lélius. On avoit entendu Ciceron tonner du haut de la tribune, ou converfer à Tufcule avec d'illuftres amis, fur les fujets les plus intéreffans de la vie humaine. Tout à Rome fe mêloit de littérature; on y apprenoit la langue des Grecs comme aujourd'hui on apprend le françois dans notre Europe: Augufte étoit profondément verfé dans l'érudition grecque, & écrivoit dans fa langue avec beaucoup de pureté & de fineffe; fes principaux favoris faifoient des vers, & aimoient ceux qui y excelloient. On avoit dejà quelques hiftoriens les Varron & les Caton dans un teins plus reculé, avoient infpiré à leurs compatriotes quelque goût pour les belles connoiffances; mais leur règne fut fous Augufte. Dégoûtés de leurs diffentions civiles, encore effrayés de l'image des profcriptions, les Romains inclinoient vers l'amour de la paix, & ceux qui avoient du génie, mettoient à profit leurs heureux loifirs. Horace à qui Mécène avoit fait une petite fortune, chantoit dans fa maifon de Tibur,

les charmes d'une vie tranquille & philofophique, affaifonnée de goût & de vo lupté. Virgilé célébroit les douceurs de la vie paftorale fur les bords du Mincio; & toujours amant fidèle de la nature, il dictoit dans les belles campagnes de Naples, des préceptes fur l'art de féconder la terre, d'embellir ce féjour naturel de l'homme, & de forcer les champs à fervir les défirs du laboureur. Une foule de noms illuftres s'engagèrent dans les lettres, & les chofes en étoient au point qu'il n'étoit plus permis d'ignorer ce qu'on avoit fi long-tems dédaigné d'apprendre. Chez une nation. vive & fpirituelle comme la nation italienne, le goût de la poéfie étoit devenu une espèce de fureur; les colonnes des temples & des portiques étoient couvertes d'affiches d'Ouvrages nouveaux; les lieux publics, les bains retentiffoient de la voix des poètes, récitateurs fouvent importuns de leurs vers. Tous les genres furent effayés, quelques-uns traités avec un succès qui pouvoit donner de lá jaloufie aux Grecs mêmes,

Dans cette fermentation générale des efprits, le goût de la capitale fe répandit dans les provinces, fur-tout dans celles qui n'avoient point de langue formée, comme dans les Gaules, l'Efpagne & l'Afrique. Les Grecs continuèrent de fe fervir de la leur dans les pays où ils étoient établis. Ils connoiffoient trop bien la supériorité de leur langue pour en prendre une autre; ils y tenoient même fi fortement, que le féjour des empereurs romains à Conftantinople ne put la changer, & qu'elle s'eft maintenue fous le despotifme des Turcs. Mais dans les régions à demi-barbares que les Romains avoient conquifes, leur langue prévalut fans diffi culté, & devint le fond des idiômes qu'on y parle aujourd'hui.

C'est un beau spectacle que celui du fiè cle d'Augufte. On aime à voir les lumières s'étendre fur une grande portion du globe, que la nature & les circonftances politiques fembloient avoir condamnée à l'obfcurité. Rome étoit le centre de cette lumière dont les rayons fe répandoient dans les provinces

provinces. Cette ville étoit devenué comme un vaste magalin des arts. Les Grecs y accouroient en foule pour les exercer. Toutes les manières de faire fervir les richeffes à leur avancement ou à leur foutien, étoient mifes en ufage. Des édi fices auguftes décorés de tous les chefd'oeuvres des anciens & des artiftes mo-> dernes, s'élevoient pompeufement pour embellir la reine des villes : leur vue de voit enflammer l'ame des poëtes; auffi leurs plus beaux morceaux n'étoient-ils fouvent que la copie des tableaux & des ftatues qu'ils voyoient dans les temples & les portiques.

L'histoire prenoit un nouveau caractère de dignité, parce qu'elle avoit de grands objets à décrire. Rien n'étend davantage les idées, que de promener fes regards fur tout l'univers, de pouvoir en faifir les parties & l'ensemble; or tout l'univers étoit foumis aux Romains. Si nous trouvons que l'hiftoire de certains peuples n'a rien de bien intéreffant, c'eft qu'elle eft refferréé dans des bornes trop étroites, L'efprit s'in

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