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paix & de l'humanité fuccombât enfin aux vengeances du nord conjuré contre le midi. Les lettres respirèrent encore quelques momens dans les provinces romaines moins expofées aux invafions des barbares. Arles & Bordeaux eurent leurs poëtes & leurs orateurs. Mais tout fe fentoit du déclin du goût & des arts; tout finiffoit; bientôt il ne refta plus rien qu'une ignorance ftupide qui dévora tout, jufqu'aux monumens dégradés de l'ancienne majefté de l'empire.

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CHAPITRE III

DÉ L'ITALIE. APRÈS fept fiècles d'obscurciffement & de barbarie où les peuples de l'Occident n'avoient plus, pour ainfi dire, ni langue ni mœurs, & ne soupçonnoient pas même ce qu'ils pouvoient, où un latin groffier, mélangé de termes barbares, étoit le feul idiôme du peu qui reftoit de gens inftruits: un coin de l'Europe fe trouva tout-à-coup éclairé d'un foible jour, & montra des moeurs plus douces & plus polies. L'activité que les croifades avoient donnée aux efprits, amena infenfiblement quelqu'amour pour les lettres, & quelqu'apparence de goût. On en fut redevable à la connoiffance des Arabes qui avoient des poëtes, des romanciers & des hiftoriens. Il étoit impoffible que les Croifés n'ouvriffent les yeux fur les travaux de ces peuples qui mêloient aux arts de luxe, une galanterie ingénieuse, & de la recherche

dans les plaifirs. Ceux de l'efprit dont les Européens ne fe doutoient pas, les atti rèrent infenfiblement, & à leur retour des contrées de l'Orient, ils les introduisirent chez eux. On eut bientôt des Troubadours & des chansons, feule efpèce de poéfie qui convînt à une nobleffe guerrière, qui dans fes délaffemens paffagers, n'avoit guère le tems de s'adonner à de longs ouvrages. Le goût de ces nouveaux plaifirs accompagnés de gloire & de faveurs diftin guées, gagna bientôt de cour en cour; mais ce fut en Provence que la révolution commença. Rémond Bérenger, comte de Provence, aimoit les vers, & accueilloit les poëtes rien de fi célèbre dans les annales du moyen âge, que fa cour d'amour où l'on jugeoit les queftions délicates de la galanterie chevaleresque. Le goût des allégories, les enchantemens des fées, toute la mythologie de l'Orient prit faveur dans ce renouvellement des lettres. Mais on ne vit point fortir de ces écoles, des ouvrages qui aient mérité de conferver quelque réputation parmi nous.

Tout cela eft bien foible en comparaison de ce que nous avons eu depuis. Dans un nombre infini de chansons de ces Troubadours, à peine en trouve-t-on quelques-unes que l'on puiffe citer avec éloge à côté des bons ouvrages de ce genre. Les gens de de ce tems-là penguerre foient peu & favoient encore moins; & prefque tous nos Troubadours étoient gens de guerre. La difette de pensées introduifit les vaudevilles & les autres poéfies de ce genre où l'auteur content d'avoir trouvé quelque chofe d'ingénieux, revient fur fa penfée, ou fait un refrain auquel il adapte des images qui le ramenent. Voilà l'origine des ballades, des rondeaux, du virelai, du chant-royal & de toutes les espèces de poéfie qui plaifoient tant à nos pères. On aimoit un travail facile qui ne coûtât que peu d'efforts à l'efprit on n'avoit garde de méditer un fujet, de l'approfondir & de l'orner d'images & d'expreffions convenables.

Les travaux des Troubadours ne produifirent point ce qu'on avoit lieu d'en

attendre. Peut-être étoit-ce la faute des fujets fur lefquels ils s'exerçoient. Mais non; rien n'étoit plus capable de les infpirer, que la beauté accompagnée de toutes les grâces que lui prête une imagination exaltée. D'où vient donc la ftérilité de ces poëtes? De leur peu d'inftruction. Il eft facile de s'en affurer en lifant leurs vers. Point d'allufion à la fable, point de connoiffance de l'histoire on feroit tenté de penser que la plupart de ceux qui faifoient ces chanfons, ne favoient pas lire.

D'ailleurs leur imagination étoit fingu. lièrement ftérile. Quoique nés dans le midi de l'Europe où un foleil plus chaud est plus favorable au génie, rien ne sent l'infpiration dans leurs vers. Il y a de la naïveté dans leurs fabliaux, & même quelques grâces de ftyle. Mais combien ils font loin de ce charme qui fe' fait sentir dans Phèdre & dans la Fontaine ! Les expreffions groffières fe mêlent aux traits délicats. Un fujet peu plaifant est traité d'un ftyle qui voudroit l'être, & forme

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