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l'élévation de leurs idées & l'énergie de leurs fentimens.

Gefner rempliffoit alors l'Allemagne de fon nom; fes idylles & fes poëmes étoient traduits dans toutes les lan. gues de l'Europe. Quelque facilité qu'il y eût dans la traduction françoise d'Hubert, elle ne nous fatisfaisoit pas, & malgré les travaux où nous allions nous engager pour sentir tout le prix de ces productions charmantes, nous poursuivîmes avec ardeur l'étude de l'allemand qui nous fervit enfuite à connoître d'autres ouvrages estimables de cette nation. Ces langues différentes ont donc rempli une partie de nos loisirs ; il nous feroit impoffible de rendre le plaifir que nous avons retiré de` cette instruction auffi amusante que folide.

Ce n'eft point pour faire un vain

étalage de nos études, que nous difons ceci : ce n'eft pas non plus un exemple que nous voulions proposer

nous n'avons point cette préfomption), mais nous allons au-devant du reproche qu'on fait quelquefois aux François de juger de ce qu'ils ne favent pas. Cette témérité dont les étrangers fe plaignent fi hautement, eft le tort de certains écrivains qui croient que de fimples traductions fuffifent pour trancher fur le mérite d'un ouvrage qui ne leur eft connu que par-là.

Mais il eft difficile, pour ne pas dire impoffible, de prononcer avec

connoiffance de caufe fur des auteurs dont on ne fait point la langue. Cependant que de livres ont été faits, que de jugemens ont été portés fur des notions imparfaites ou de méchantes traductions ! quelle foi peuton avoir à des compilations de cette

nature, & que doit penfer un homme éclairé, quand il voit l'ignorance s'arroger ainsi le droit de parler des autres nations fur des ouï-dire, fans avoir pris la peine d'étudier leurs langues qui feules auroient pu lui donner une vraie idée de leur caractère, de leurs moeurs & de leur génie.

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Quant à nous notre délicateffe à cet égard a été si grande, que nous avons mieux aimé ne point parler de la littérature hollandoise dont la langue nous étoit inconnue, que de répéter ce que des hommes très-yerfés dans cette littérature, nous en auroient dit; nous pouvions fans doute nous en rapporter à leur goût & à l'opinion qu'ils avoient des richeffes de leur pays. Mais nous n'aurions été que les échos de leurs jugemens, & nous aurions prononcé fur ce que nous

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n'étions point à portée de connoître ni de fentir.

Si l'on nous accufoit de quelque prédilection pour notre nation (tort bien pardonnable fans doute), que l'on confidère avec quelle réferve nous avons parlé de nos écrivains dans le corps de l'Ouvrage. Nous nous fommes même interdit en général de citer des auteurs vivans; cependant avec quel avantage ne pouvions-nous pas, fans craindre d'être taxés de Alagornerie littéraire ( défaut fi commun aujourd'hui), faire paroître avec éclat les noms illuftres qui de nos jours honorent les lettres françoifes? On auroit vu un grand qu'on peut appeller le Neftor de notre littérature, tenir le fceptre du goût, dans la profe comme dans les vers toujours élégant, naturel, facile & plein de fineffe, réuniffant le double caractère d'Horace & de

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Fontenelle, & fait pour fervir de modèle à son fiècle dans l'art fi délicat des bienséances du ftyle. L'auteur de l'Hiftoire de l'aftronomie auroit tenu un rang diftingué parmi nos meilleurs écrivains; & nous n'aurions point paffé fous filence la plume favante qui nous a donné l'excellent Dictionnaire des héréfies. L'auteur des Contes moraux & de tant d'articles de littérature si estimés, auroit figuré dans ce tableau: notre théâtre n'auroit point paru aussi dépourvu de talens qu'on voudroit nous le faire accroire, nous aurions placé avec honneur les tragédies de Warvick, d'Hypermneftre & d'Edipe chez Admète, à côté d'autres ouvrages qui entretiennent les espérances de la nation; & ce n'est pas le feul mérite que nous aurions eu à remarquer dans leurs

auteurs.

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