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l'air libre: ces 6 grains en trois minutes font à peu près 6 onces & demie en vingt-quatre heures, ce qui revient affez jufte à la quantité d'humidité que j'eus en refpirant dans un grand réci pient plein d'éponges. Mais ces 6 grains tirés par les quatre diaphragmes en trois minutes, ne faifoient pas, à beaucoup près, le poids de toutes les vapeurs qui étoient contenues dans cet air renfermé; car après les trois minutes, cet air qui avoit été fouvent refpiré, étoit fi chargé de vapeurs, qu'elles pouvoient aifément, par leur attraction mutuelle, former des particules trop grofses pour entrer dans les plus petites véhicules du poumon, & dès-lors de venir très-peu propres à la refpiration; auffi n'eft-il point du tout aifé de déterminer précisément combien il fort d'humidité par la voie de la respiration, fur-tout fi nous confidérons que l'air qui a perdu fon élasticité dans les poumons, fe trouve mêlé avec elle.

Mais en fuppofant qu'il n'en fort que 6 onces & demie en vingt-quatre heures, & en nous fouve nant que la furface intérieure des poumons eft de 41635 pouces quarrés, nous verrons qu'il ne s'évapore dans ce temps que partie d'un pouce de hauteur d'humidité de deffus cette furface intérieure, ce qui ne revient qu'à la foixante-quin zième partie de celle qui s'évapore à la furface du corps humain par la transpiration.

Si donc quatre pintes de Paris, pleines d'air, fuffifent pour notre refpiration pendant cinq minutes avec quatre diaphragmes, il eft sûr qu'avec huit pintes d'air & huit diaphragmes, on pourra refpirer pendant dix minutes. Il y avoit même du défavantage à fe fervir des veffies, qu'il falloit fouvent mouiller & fécher; car l'odeur & les va

peurs défagréables qui s'en élevoient, devoient rendre l'air bien moins propre pour la refpiration. Mais dans cette expérience l'on eft obligé de fe fervir de veffies ou de cuir, car on ne pourroit refpirer l'air contenu dans un vaiffeau dont les parois ne pourroient fe dilater & fe contracter, à moins qu'il ne fût très-grand, & toujours trop pour être portatif.

Je trouvai, en bouchant bien les ouies d'un grand foufflet de cuifine qui étoit plein d'air, que je pouvois refpirer cet air par le tuyau pendant plus de trois minutes, fans une grande incommodité; car les parois du foufflet hauffoient & baiffoient avec facilité pour fuivre le jeu de la respiration. On pourroit fe fervir de cet inftrument, ou de quelque autre femblable, dans des cas où il eft néceffaire d'entrer dans des lieux remplis de vapeurs fuffocantes, comme pour en tirer quelqu'un ou quelque chofe : par exemple, dans le commencement d'un incendie, dans les laboratoires des chimiftes, dans les mines, dans les endroits des navires où l'on auroit jeté des pots pleins de ces fortes de puanteurs, &c. Je crois mê ine que cela pourroit fervir aux plongeurs.

Il faut avoir foin, dans l'expérience ci-deffus, de faire tous les paffages d'une bonne largeur, & de faire auffi des foupapes qui jouent aisément, afin que les infpirations fe faffent avec toute la liberté poffible; car, quoiqu'on puiffe, en fuçant, élever le mercure jufqu'à 22 pouces, & que même quelques gens puiffent l'élever jufqu'à 27 & 28, c'eft par une action particulière de la bouche que cela fe fait; car j'ai trouvé par expérience, que la feule action du diaphragme & du thorax dans l'inspiration, est à peine suffisante pour éle

ver le mercure à 2 pouces ; le diaphragme doit même alors agir avec une force égale au poids d'un cylindre de mercure de 2 pouces de hauteur, & dont la base eft proportionnelle à l'aire du diaphragme, ce qui équivaut à un poids de plufieurs livres or les muscles qui réagiffent contre cette preffion, non plus que ceux de l'abdo men, ne peuvent exercer une force plus grande que celle-ci. Ainfi le moindre petit obftacle fuffi. ra pour hâter la fuffocation; elle confifte principalement dans l'applatiffement des poumons, occafionné par la groffeur des particules d'un air épais & chargé de vapeurs, qui contiennent des parties fulfureufes, falines, non élastiques, & douées d'une attraction qui les oblige à s'approcher & fe joindre, comme l'on a vu, dans les expériences précédentes, que fejoignent les particules de l'air aux particules du foufre: mais ces atômes ne font pas plutôt raffemblés, qu'ils forment des corps trop groffiers pour pouvoir entrer dans les petites véficules du poumon, déja contractées par les pointes acides & falines de ces particules, & affaiffées par la perte de l'élafticité de l'air qu'elles contenoient; & c'eft fans doute pour les empêcher d'entrer dans ces véficules, que la nature a eu foin de les travailler avec tant d'art & de leur donner une fi grande petiteffe.

Cette grande qualité, qu'ont les fels, d'attirer fortement les particules acides & fulfureuses, & les vapeurs nuifibles, peuvent nous les rendre trèsutiles à bien des égards & en bien des occafions: par exemple, on peut bien s'en fervir dans quelques métiers mal-fains & dangereux : les plombiers, les fondeurs, les faifeurs de cérufe, éviteroient par leur moyen le mauvais effet des va

les

peurs qui s'élèvent des matières qu'ils travaillent, & qui s'uniffent avec l'air élastique entrant dans poumons, comme on l'a vu par les expériences précédentes; ils préviendroient donc cet inconvénient, en faifant ufage d'une large mufelière, dans laquelle on mettroit deux, quatre, & même un plus grand nombre de diaphragmes de flanelle ou de drap, trempés dans une forte folution de fel de tartre, de potaffe ou de fel marin, & enfuite bien féchés.

Ces mufelières ferviroient auffi dans les occafions où l'on eft obligé d'aller pour un petit temps dans un air infecté ; elles pourroient même être tellement faites, qu'on tireroit l'air à travers les diaphragmes, & qu'on le rendroit ailleurs. Mais je ne fais fi ces mêmes mufelières pourroient fervir dans les mines; il me femble qu'il ne feroit pas trop prudent d'y compter, car elles ne me paroiffent pas être un affez bon écran pour parer les poumons des vapeurs mortelles mortelles qui s'en élè

vent.

EXPÉRIENCE

CXVII.

VOICI encore quelques idées que l'expérience suivante m'a fournies fur l'utilité que nous pouvons tirer de ces fels.

Je mis une chandelle allumée fous un grand récipient (PL. XV. fig. 35.) qui contenoit seize pintes de Paris; elle continua d'éclairer pendant trois minutes & demie, & pendant ce temps elle absorba environ une pinte d'air. Je nettoyai bien le récipient, que j'avois pour cela d'abord rempli d'eau, & enfuite vidé pour le frotter jusqu'à le rendre bien fec; après quoi je doublai tout le dedans avec un morceau de flanelle plongé dans

une leffive de fel de tartre, enfuite bien féché & que j'avois étendu fur de petits cerceaux faits de rameaux d'un bois pliant. Après cette préparation, la chandelle continua d'éclairer fous le récipient pendant trois minutes & demie, & cependant elle n'abforba que les deux tiers de la quantité de l'air qu'elle avoit abforbé la première fois.

On doit attribuer la raifon de cette différence à la moindre capacité du vaiffeau; car, outre l'efpace que la doublure de flanelle occupoit, elle ne joignait pas affez jufte pour qu'il ne fe trouvât pas, entr'elle & le récipient, environ un tiers de la capacité totale du récipient: ainfi la chandelle brûla, pour ainfi dire, dans un récipient moindre d'un tiers que le premier, & c'est ce qui fit que l'air fut abforbé en plus petite quantité. Voyez Expérience CIV.

Mais ce qu'il faut obferver, c'eft que la chandelle continua de brûler autant de temps dans un espace plus petit d'un tiers; ce qui ne peut être que l'effet du fel de tartre dont étoit imprégnée la flanelle, qui par conféquent abforba un tiers. des vapeurs fuligineufes que produit la flamme d'une chandelle. Nous pouvons donc raisonnablement conclure, que la qualité pernicieuse des vapeurs peut fouvent être diminuée, & même changée, par la grande puiffance d'attraction que les fels exercent à leur égard.

C'eft maintenant à l'expérience à nous apprendre fi leur effet fera général pour tous les cas, & conftant dans toutes les occafions: mais affurément les expériences précédentes nous découvrent un fondement affez certain pour nous inviter à faire quelques effais; peut-être même ceux

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