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PRÉFACE

DU TRADUCTEUR.

LA première fois que j'ai lu les Ouvrages de

M. Hales, je me fuis apperçu qu'ils valoient bien la peine d'être relus. Comme je voulois le faire avec toute l'attention qu'ils méritent, je pensai qu'il ne m'en coûteroit guère plus de les traduire ; & l'envie de faire plaifir au public, a achevé de m'y déterminer. Ma traduction eft littérale, fur-tout celle des endroits où l'Auteur fait le détail de fes expériences. Je me fuis donné un peu plus de liberté dans ceux qui font moins importans; mais, en général, je me fuis attaché à bien rendre le fens, & à éclaircir ce qui m'a paru obf cur; j'ai même ajouté aux figures, pour mieux faire entendre quelques endroits intéressans, qui ne m'ont pas paru affez développés dans l'original.

La nouveauté des découvertes & de la plupart des idées qui compofent cet Ouvrage, furprendra fans doute les Phyficiens. Je ne connois rien de mieux dans fon genre, & le genre par lui-même eft excellent; car ce n'eft qu'expérience & obfer. vation. Mais ce n'eft point à moi à faire l'éloge de cet Ouvrage; le mérite d'un Auteur ne doit

pas

se mesurer par les louanges du Traducteur; le public s'en défie, & ce n'eft pas fans raison : ainfi je prie M. Hales de ne pas trouver mauvais fi je ne m'étends pas fur celle de fon Livre : les foins que je me fuis donnés pour le traduire, témoignent affez le cas que j'en fais; mais il me femble qu'on ne doit jamais décider du goût du public par le fien, & que quand on foumet un ouvrage à fon jugement, c'eft être trop hardi que de prétendre lui donner le ton. En faveur des longs éloges que je fupprime, je ne demande qu'une grace, c'eft de lire ce Livre avec quelque confiance; les ouvrages fondés fur l'expérience, en méritent plus que les autres ; je puis même dire, qu'en fait de Phyfique, l'on doit rechercher autant les expériences, que l'on doit craindre les fyftêmes. J'avoue que rien ne feroit fi beau, que 'd'établir d'abord un feul principe, pour enfuite expliquer l'univers ; & je conviens que fi l'on étoit affez heureux pour deviner, toute la peine que l'on fe donne à faire des expériences, feroit bien inutile; mais les gens fenfés voient affez combien cette idée est vaine & chimérique : le systême de la Nature dépend peut-être de plufieurs principes; ces principes nous font inconnus, leur combinaison ne l'eft pas moins; comment ofe-t-on fe flatter de dévoiler ces myftères, fans autre guide que fon imagination? & comment fait-on pour oublier que l'effet eft le feul moyen de connoître la caufe? C'eft par des expériences fines,

taifonnées & fuivies, que l'on force la Nature a découvrir fon fecret; toutes les autres méthodes n'ont jamais réuffi, & les vrais Phyficiens ne peuvent s'empêcher de regarder les anciens systêmes comme d'anciennes rêveries, & font réduits à lire la plupart des nouveaux, comme on lit les Romans. Les recueils d'expériences & d'obfervations font donc les feuls livres qui puiffent augmenter nos connoiffances. Il ne s'agit pas, pour être Phyficien, de favoir ce qui arriveroit dans telle ou telle hypothèse, en fuppofant, par exemple, une matière fubtile, des tourbillons, une attraction, &c. Il s'agit de bien favoir ce qui arrive, & de bien connoître ce qui se présente à nos yeux; la connoiffance des effets nous conduira infenfiblement à celle des causes, & l'on ne tombera plus dans les abfurdités qui femblent caractérifer tous les fyftêmes. En effet, l'expérience ne les a-t-elle pas détruits fucceffivement? Ne nous a-t-elle pas montré que ces élémens que l'on croyoit autrefois fi fimples, font auffi compofés que les autres corps? Ne nous a-t-elle pas appris ce que l'on doit penfer du chaud, du froid, du fec & de l'humide, de la pefanteur & de la légéreté abfolue, de l'horreur du vide, des lois du mouvement autrefois établies, de l'unité des couleurs, du repos & de la fphéricité de la terre, &, fi je l'ofe dire, des tourbillons? Amaffons donc toujours des expériences, & éloignons-nous, s'il eft poffible, de tout efprit de fyftême, dư

moins jufqu'à ce que nous foyons inftruits: nous trouverons affurément à placer un jour ces matériaux ; & quand même nous ne ferions pas assez heureux pour en bâtir l'édifice tout entier, ils nous ferviront certainement à le fonder, & peutêtre à l'avancer au-delà même de nos espérances. C'eft cette méthode que mon Auteur a suivie; c'est celle du grand Newton; c'eft celle que meffieurs de Verulam, Galilée, Boyle, Stahl, ont recom mandée & embraffée ; c'eft celle que l'Académie des Sciences s'eft fait une loi d'adopter, & que fes illuftres membres meffieurs Huygens, de Reaumur, Boerhaave, &c. ont fi bien fait & font tous les jours fi bien valoir; en un mot, c'eft la voie qui a conduit de tout temps, & qui conduit encore aujourd'hui les grands hommes. L'exemple feul doit fuffire pour nous y faire entrer, & doit prévenir le public en faveur de l'Ouvrage qu'on lui préfente aujourd'hui : j'ofe même dire que, pour peu que l'on foit connoiffeur, l'on verra facilement que l'Angleterre elle-même produit rarement d'auffi bonnes chofes, & que, malgré tant de brillantes découvertes que nous devons aux génies fupérieurs de cette favante Nation, celles-ci ne laifferont pas que de se faire diftinguer, & peut-être par des lumières plus vives que la plupart de celles qui les ont précédées. Mais il faut tout dire: ces découvertes auroient encore brillé davantage, fi M. Hales les eût autrement présentées; fon livre n'eft pas fait pour

être lu, mais pour être étudié : c'est un recueil d'une infinité de faits utiles & curieux, dont l'enchaînement ne se voit pas du premier coup-d'œil: il a négligé certaines liaisons néceffaires pour certains efprits; il n'eft point entré dans de certains détails; enfin, il n'a fait fon livre que pour les amateurs de la vérité la plus nue, & il fuppofe dans fes Lecteurs beaucoup de connoiffances, & encore plus de pénétration. Le commencement de l'Analyse de l'Air eft le plus be! endroit de fon livre, & l'un de ceux qu'il a le moins développés. J'ai tâché d'y fuppléer, en ajoutant à la figure. Tout eft neuf dans cette partie de fon Ouvrage ; c'eft une idée féconde, dont découle une infinité de découvertes fur la nature des différens corps qu'il foumet à un nouveau génre d'épreuve : ce font des faits furprenans, qu'à peine daigne-t-il annoncer. Auroit-on imaginé que l'air pût devenir un corps folide? Auroit-on cru qu'on pouvoit lui ôter & lui rendre fa vertu de reffort? Aurions-nous pu penfer que certains corps, comme la pierre de la veffie & le tartre, ne sont, pour plus de deux tiers, que de l'air folide & métamor phofé? M. Hales fait lui rendre fon premier être: il nous apprend jusqu'à quel point la flamme, la respiration des animaux & la foudre, détruifent le reffort de l'air : il mesure la force de la respiration, & il en imite le mouvement, jufqu'au point de faire refpirer & vivre un chien plus d'une heure après avoir coupé la trachée-artère ; il trouve le

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