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Sans favoir qu'ils fuffent de Mr. Godeau Evêque de Vence; car ils font originaire ment de Mr. Godeau ; qui les avoit faits dans fon Ode au Cardinal de Richelieu, quinze ans avant que Mr. Corneille les út faits dans fon Polyeucte. Il est affez ordinaire de fe rencontrer ainfi dans la pensée & dans l'expreffion des autres. Porphyre dans un Fragment de fon Livre de la Philologie, rapporté par Eusébe au chapitre 3. du X. Livre de la Préparation Evangelique, fait mention d'un certain Arétades qui avoit fait un Traité tout entier de ces fortes de rencontres. Et à ce propos, je ne pais m'empêcher de faire part à mes Lecteurs d'une petite Hiftoire très agréable, que raconte St. Jerome fur ces paroles de PEcclefiafte, Nihil fub fole novum. Il dit que fon Maître Donat expliquant ce mot de Terence, Nihil eft dictum, quod non fit dictum priùs, peftoit contre les Anciens qui lui avoient pris fes pensées. Pereant qui ante nos noftra dixerunt. Il eft, dis-je, affez ordinaire de concourir ainfi & dans la même pensée dans la même expreffion des autres : & particuliérement quand on a vú autrefois cette même pensée & cette même expreffion : comme Mr. d'Andilly, Mr. Chapelain, & Mr. Fure

tiere

Sonnets. L'Auteur qui a pris foin de publier cette conformité ne fe nomme point, mais il y a grande apparence que c'eft un Monfieur R. G. de St. Jory fous le nom duquel il y a un petit Dlalogue en vers imprimé à la fuite. Du Verdier pag. 957. & 958. de fa Bibliothéque marque auffi quelques-unes de ces imitations de Defportes.

tiere avoient vû fans doute ces vers de Malberbe, & Mr. Corneille ces deux de Mr.. Godean. Car il arrive fouvent qu'une cho-. Je nous demeure dans l'efprit, & que l'Auteur de cette chofe s'efface de nôtre memoire. Mais ce qui eft arrivé à Mr. de Racan eft tout-à-fait extraordinaire. En l'année 1608. étant en garnison à Calais, agé de 19. ans, il fit ces quatre vers,

Eftime qui voudra la mort épouvantable,
Et la faffe l'horreur de tous les animaux,
Quant à moi je la tiens pour le point defi-
rable,

Où commencent nos biens & finiffent nos

maux.

Quelque tans après étant à Paris, & récitant ces vers comme étant de lui à fon ami Iurante, fon ami lui dit qu'il ne donnoit point dans ce panneau: qu'il favoit fort bien que ces vers étoient de Mathieu : &que c'étoit le prémier quatrain de fon Livre intitulé Les Tablettes de la Vie & de la Mort. Mr. de Racan qui n'avoit jamais vu ce Livre, contefta long-tems, & opiniatrément, que Mathieu ne pouvoit avoir fait ces vers : & il ne fe rendit làdeffus que lors qu'Ivrante les lui fit lire dans ce Livre de Mathieu, avec le plus grand étonnement du monde. Je ne doute point de cette Hiftoire: étant très-perfuadé que Mr. de Racan, qui me l'a fouvent racontée, & en présence de plufieurs perfonnes; eft un homme très-véritable: mais je doute furt de ce que dit Leonardo Salviati

an

موع

au Livre prémier de fes Avertiffemens de la Langue Italienne, qu'un Poëte de Jon tems qui n'avoit jamais vu les Sonnets du Cardinal Bembo, en avoit fait de tous Semblables. Quoi qu'il en foit, il n'y a guére de Poëte à qui il n'arrive de faire quelques vers qui fe trouvent dans d'autres Poëtes, & par là on peut juger, combien font injuftes ridicules ceux qui décrient aujourd'hui les Poemes les plus achevez pour y avoir rencontré quelques hemiftiches des Anciens: qui à proprement parler, ne font que des phrafes du langage Poetique. Et en cela ils font d'autant plus injustes, d'autant plus ridicules, qu'il eft permis aux Poëtes de prendre des Anciens des vers entiers. Les Grecs & les Latins, & les Italiens qui ne cedent de guére aux Grecs &aux Latins, en ont tous ufé de la forte. Et c'eft auffi de la forte qu'il en faut user: comme je le ferai voir dans ma Differtation du larcin & de l'imitation des Poëtes. Cependant, voyez ce que dit là deffus Vida dans fon admirable Poetique. Mais quoi qu'il foit permis à tout le monde, il n'est pas donné à tout le monde de prendre des anciens Poëtes célébres. Il faut que les vers parmi lesquels on mêle ceux de ces grands hommes, ne leur foient point inferieurs: Car il ne faut pas coudre de la pourpre avec de la bure: & comme difoit Virgile, il eft plus aisé d'ôter la maffuë à Hercule, que de prendre un vers à Homere.

Defcendons maintenant dans le particulier: & voyons les vers que j'ai pris des Anciens, CXXIX.

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CXXIX.

Examen des vers & des demi vers des Anciens inférez dans mes Poëfies.

JA

'Ai dit dans mon Epigramme à Mr. Heinfius; qui eft la 50. de mes Epigrammes Latines; Heinfi, Caftalidum decus fororum. Et Martial a dit dans l'Epigramme 14. de fon Livre IV. Sili, Castalidum decus fororum. On crie là-deffus contre moi au voleur. Un homme de lettres, au nom duquel je pardonne, m'aiant traité de plagiaire au fujet de ce vers Heinfi, Caftalidum decus fororum, & de cet autre, Pereri, Aonidum decus immortale fororum, de mon Elégie à Mr. du Périer & à Mr. Santeuil, qui étoit, difoitil, de quelqu'autre Poëte ancien; il me vint prier quelque tans après de lui corriger une Epitre Dédicatoire qu'il avoit faite. Après lui en avoir corrigé plufieurs endroits, je lui dis qu'il en avoit pris le commencement & la fin d'une Lettre de Balzac Il me fit de grands ferments qu'il n'avoit pris de Balzac ni cette fin, ni ce commencement: & qu'il falloit qu'il ût concouru avec lui. Je fis apporter un volume des Lettres de Balzac: où je lui fis voir qu'une de ces Lettres commençoit par le mot de Monfieur, qui étoit le premier mot de fon Epitre Dedicatoire, & qu'elle finiffoit par ces mots, Votre trèshumble & très obéiffant Serviteur, qui étoit la fin de la même Epitre. Étje lui

dis, que de m'accufer d'avoir pris de Martial, Caftalidum decus fororum, & de cet autre Poëte, Aonidum decus immortale fororum c'étoit m'accufer d'avoir pris le mot de Monfieur d'une Lettre de Balzac. Il en eft de même de ce vers Difertiffime quot fuere, vel funt, de mon Epigramme

Mr. Pucelle Avocat au Parlement: qu'on prétant qui eft dérobé de Catulle. J'ai dit dans mon Elégie à Mr. Bachot,

Ne mihi, ne pigeat, fido veterique Sodali,
Ne pigeat medicas applicuisse manus.

Et dans l'Epicedium de Mr. Corneille, en parlant à Apollon Auteur de la Médecine, j'ai dit,

Divino nonne Poëta

Debueras medicas applicuiffe manus.

On m'accufe d'avoir pris ces endroits de ces vers de Tibulle, qui font de fon Elégie à Phœbus:

Crede mihi, propera: nec te jam Phœbe, pigebit

Formofa medicas applicuiffe manus.

Je répons à cette accufation que medicas applicare manus n'eft pas une pensée; que ce n'est qu'une phrafe, qui fignifie guérir; & que de m'accufer d'avoir pris cette expreffion de Tibulle c'eft m'accufer d'avoir pris de Tibulle le mot de guérir; maA 7

nus

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