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Il n'eft pas moins certain qu'il voit le mouvement par l'idée qu'il en a en lui-même.Car, comme nous l'avons déja montré il n'a rien fait dont il n'eût l'idée : or il a créé la matiere en mouvement, fans quoi elle n'auroit été qu'une maffe informe, dont il n'auroit pu faire aucun de fes ouvrages: il a donc néceffairement l'idée de la matiere en mouvement, non-feulement parce qu'il l'a créée dans cet état, mais encore parce qu'il la conserve toûjours dans le même état; puifque c'eft immédiatement par lui-même qu'il conferve la même quantité de mouvement dans le monde, en le faisant paffer continuellement d'un corps dans un autre. Il eft donc impoffible qu'il n'ait en lui-même l'idée du mouvement, puifqu'il ne fait rien dont il n'ait l'idée comme je l'ai montré ci-dessus par S. Auguftin & par S. Thomas.

pas

Il n'eft pas vrai, felon cet Auteur même,que Dieu ne connoiffe les mouvemens que par la connoiffance de ses volontez, qui les produifent. Car il fupofe,dans fon traité de la nature & de la Grace 1. Difcours §. 13. que Dieu découvrant dans les trefors infinis de fa fageffe une infinité de mondes poffibles, comme des fuites néceffaires des loix des mouvemens qu'il pouvoit établir,s'eft déterminé à créer celui,qui auroit pu Se produire & fe conferver par les voies les plus fimples. Il a donc connu les loix

des mouvemens dans les trefors infinis de fa fageffe, avant que de les connoître dans fes volontez, puifque c'étoit avant qu'il fe fut déterminé à créer le monde. Or il ne pouvoit connoître les loix des mouvemens, pas fans connoître les mouvemens. Il n'eft donc pas vrai que ce n'eft que dans la volonté, qu'il a euë de produire les mouvemens, qu'il connoît les mouvemens.

que

Eft

Je ne puis auffi deviner pourquoi il dit les volontez de Dieu ne changent rien dans fa fubftance, & qu'elles ne la meuvent pas. ce que fi Dieu connoiffoit les mouvemens par fon effence ou fubftance, & non-feulement par fes volontez, il feroit à craindre que fa fubftance n'en fut changée:Et pourquoi donc ne penfe-t-on pas auffi que, fi Dieu connoît l'étendue par fon effence, & non-feulement par fa volonté, il foit à craindre que fon effence ne foit étendue, ce qui n'eft pas moins con traire à la nature de l'être infiniment parfait, que fi elle étoit en mouvement. Je ne voi donc pas pourquoi l'étendue en repos & immobile lui paroît plus digne d'être admise en Dieu quel'étendue en mouvement ou mobile. C'est affurément qu'il n'a pas affez confulté la vafte & immenfe idée de l'être infiniment parfait, quand il en a eu ces pensées.

Mais ce qui me femble plus confidérable, c'eft qu'il paroit par-là qu'il veut que, pour

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vu que fon étenduë intelligible infinie foit immobile, elle puiffe être en Dieu d'une maniere en laquelle l'étenduë mobile & en mouve→ ment n'y peut pas être non plus que les corps fenfibles qu'il dit auffi n'être pas en Dieu. Or il ne peut avoir nié que l'étenduë mobile & en mouvement, auffi-bien que les corps fenfibles, ne foient en Dieu éminemment, c'està-dire, de cette maniere toute fpirituelle, & dégagée de toutes les imperfections, qui ne peuvent manquer de fe trouver dans les créatures, felon laquelle il avouë en un autre endroit que les chofes les plus materielles & les plus terreftres font en Dieu. Il faut donc ou qu'il fe foit contredit, ou qu'il ait prétendu que l'étendue intelligible infinie n'étoit pas feulement en Dieu éminemment, mais qu'elle y étoit auffi formellement: ou bien qu'il ait mis hors de Dieu cette étenduë intelligible infinie, comme Ariftote a cru que Platon y avoit mis fes idées, n'aïant pas affez pris garde que c'étoit en Dieu, & non pas hors de Dieu, qu'il la devoit mettre, puifqu'il n'y avoit eu recours que faute d'autre meilleur moïen de nous faire voir toutes chofes en Dieu. Quoi-qu'il en foit, on ne peut gueres faire concevoir plus groffierement une étendue formelle en ce qui eft de l'étenduë, qu'il fait celle-là quoiqu'il la nomme intelligible. Il est seulement vrai qu'il en a voulu âter, je ne fai pourquoi, une

des

des principales propriétez de l'étenduë que Dieu a créée, qui eft la mobilité, & qu'il lui a plu la confiderer comme l'espace de Gaffendiftes qu'ils veulent auffi qui foit immobile. Mais je ne vois pas, comme je le viens de montrer,que cela la rende plus capable d'être admife en Dieu; & je m'en vas faire voir dans le chapitre fuivant que cela la rend beaucoup plus incapable de nous fervir d'étre reprefentatif pour y voir tous les corps & tous les nom

· bres.

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Que l'étendue intelligible infinie ne nous Sauroit être un moïen de voir les chofes que nous ne connoiffons pas,

connoître.

Oa

من

que nous voudrions

N vient de voir dans l'article précedent que rien n'eft plus intelligible que cette étendue intelligible infinie, que cet Auteur a inventée pour nous donner moïen de voir les chofes en Dieu, s'étant perfuadé fur de faux principes, que nous ne pouvions voir autrement aucun des objets qui font hors de

nous.

Mais ce qui n'eft pas moins étrange eft qu'il ait fimal rencontré dans ce prétendu moïen de voir les chofes en Dieu, qu'en lui accordant tout ce qu'il fupofe. Il eft impoffible que

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cette étenduë intelligible infinie, dans laquelle il prétend que nous devons voir toutes chofes, nous foit un moïen d'en voir aucune de toutes celles que nous ne connoîtrions pas, & que nous voudrions connoître.

Je commence par les nombres ; car il les met entre les trois chofes que nous ne voïons qu'en Dieu, parce que nous les voïons par lumiere, & par une idée claire. Je voudrois bien favoir quel eft le nombre, qui étant divifé par 28, il refte 5.& étant divifé par 19.il refte 6.& étant divifé par 15. il refte 7.c'est-à-dire que je voudrois bien favoir l'année de la Periode Julienne, qui a ces 3. caracteres, 5. du Cycle folaire, 6. du Nombre d'or, & 7. de l'Indiction. A quoi, je vous prie, me pouroit fervir, pour connoître ce nombre, l'étenduë intelligible infinie entierement unic à mon ame. Me dira-t-on que tous les nombres y font, parce qu'on la peut diftinguer par l'efprit en une infinité de parties. Cela veut dire que tous les nombres y feront, quand mon efprit les y aura mis. Mais, quand ils y feroient, comme dans un livre où tous les nombres feroient comptez depuis un jufqu'à cent millions (car je fuis certain que le nombre que je cherche ne va pas jufques-là) me feroit-ce un grand avantage pour le trouver?Non certainement. Car,quand je me réfoudrois à parcourir tous ces nombres, jufqu'à ce que je l'euffe rencon

tré,

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