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P.

188. il dit en general que notre ame n'aperçoit point les objets qui font hors de nous par eux-mêmes: mais que l'OBJET IMMEDIAT de notre esprit, lorsqu'il voit le foleil, parexemple, n'eft pas le foleil, mais quelque chofe qui eft intimement uni à notre ame. Et dans la P. 199. où il entreprend de prouver que nous voions toutes chofes en Dieu, il détermine que ce quelque chofe intimement uni à notre ame, qui doit être l'objet immediat de notre efprit, lorfqu'il aperçoit les chofes qui font hors de nous ne peut être que Dieu;parce qu'il n'y a que lui qui poffede les deux conditions qui font neceffaires pour cela. L'une, qu'il a en lui les idées de tous les êtres qu'il a créez, & qu'il les voit tous en confiderant les perfections qu'il enferme, aufquelles ils ont raport. L'autre, qu'il est très-étroitement uni à nos ames pár fa prefence. D'où il conclut que l'esprit peut voir ce qu'il y a dans Dieu qui reprefente les êtres créez, puifque cela eft très-fpirituel, trèsintelligible,& très-present à l'esprit.Il est donc clair qu'il aplique à Dieu en particulier dans ce ch. 6. ce qu'il avoit dit generalement dans le ch.1.que quand nous voions le foleil,ce n'est pas le foleil qui eft l'OBJET IMMEDIAT de notre esprit, mais quelque chofe qui eft intimement uni à notre ame: donc dans cette nouvelPhilofophie des idées, quand nous voïons les le créatures en Dieu,c'eft Dieu qui eft l'objet

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immediat de notre efprit: donc on ne peut point dire,felon cette Philofophie, que quand nous voïons les créatures, ce n'eft pas Dieu proprement que nous voïons,mais feulement les creatures.Et fi on l'a dit, ce n'a été que pour éluder une objection à la quelle on avoit peine de répondre.

En voici une autre preuve, qui n'eft pas moins forte. Il fupofe par-tout qu'il y a deux fortes de monde, de foleil, d'espaces, & ainfi des autres chofes corporelles: un monde materiel, & un monde intelligible: le foleil materiel & le foleil intelligible: des efpaces materiels, & des espaces intelligibles. Et ce qu'il entend par cemot d'intelligible eft que toutes ces chofes, entant qu'intelligibles font en Dieu, & font Dieu même; parce que ce font des idées, ou des perfections de Dieu qui reprefentent ces êtres créez. C'est ce qui lui fait dire, p. 498. que Dieu ne voit le monde materiel, que dans le monde intelligible qu'il enferme. Or il dit partout que Dieu ne voit rien que dans lui-même: il eft donc clair que felon lui lemonde intelligible eft Dieu même. Et il en eft de même du foleil intelligible & des efpaces intelligibles. Car il dit au même lieu que Dieu ne voit ni les corps ni les efpaces qu'il a crééz par euxmêmes, mais feulement par des corps & par des efpaces intelligibles..

Oril foûtient au même lieu (comme nous

avons déja dit ailleurs) que le corps materiel i que nous animons, n'eft pas celui que nous woions, lorfque nous le regardons ; c'est à dire, lorfque nous tournons nos jeux vers lui, mais que c'eft un corps intelligible:& que ce n'eft auffi que le foleil intelligible que nous voïons, & non pas le foleil materiel.Et ce qu'il repete encore en la p.546.Le foleil que l'on voit n'est pas celui que l'on regarde: l'ame ne peut voir que le foleib auquel elle eft immediatement unie, c'est à dire, de foleil intelligible, qui eft Dieu même, felon cet Auteur.

Tant s'en faut donc que l'on puiffe dire, felon la nouvelle Phifophie des idées, que quand nous voïons les créatures en Dieu, ce n'eft pas Dieu, que nous voïons, mais feulement les créatures, qu'il faut dire absolument tout le contraire: que quand nous voïons les créatures en Dieu, c'est Dieu uniquement que nous voïons, & nullement les créatures. Car, fi celui qui voit le foleil en Dieu ne voïoit pas Dieu, mais le foleil que Dieu a creé, ce feroit le foleil materiel qu'il verroit ; puifque c'eft le foleil materiel que Dieu a creé. Or, felon cet Auteur, celui qui regarde le foleil ne voit point le foleil materiel, mais feulement le foleil intelligible ; il ne voit donc que Dieu, & non pas le foleil que Dieu a creé.

CHA

CHAPITRE XVIII.

De trois préjugez, qui pouroient empéchev qu'on ne fe rende fi facilement à ce qui a été dit contre la nouvelle Philofophie des Idées : dont le 1. eft l'estime que l'on fait de celui qui en est l'Auteur.

J

E me perfuade que l'on verra maintenans que j'ai eu raifon de ne me pas amufer à répondre aux preuves, dont cet Auteur fi ingenieux & fi fubtil a cru avoir bien apuïé le fen timent qu'il a que nous voïons toutes chofes em Dieu. Cela auroit été necessaire, fi on n'avoit eu à lui opofer que des raifons vraisemblables, car on ne peut juger alors qui font celles qui le font le plus, qu'en les comparant les unes aux autres Mais cette comparaifon eft inutile, quand on peut faire voir démonstrativement la fauffeté d'une opinion que l'on combat. Et je ne croi point me tromper, quand j'ofe efperer que toutes les perfonnes trouveront que je l'ai fait ici.

Je veux bien neanmoins éclaircir trois chofes, qui font les feules, ce me femble, qui pouront empêcher que l'on ne fe rende fi facilement à ce qui a été dit jufques ici contre cette nouvelle Philophie des idées.

La premiere eft un prejugé, que je prevois qui poura embaraffer plufieurs perfonnes.

L'Au

L'Auteur de la Recherche de la Verité s'est acquis une fi grande reputation dans le monde, & avec raison, ( car il y a dans ce livre un grand nombre de très-belles choses) qu'il y aura bien des gens qui auront de la peine à croire qu'un fi grand efprit, & fi penetrant, puiffe être repris avec juftice d'avoir avancé tant de chofes fi peu raifonnables. Et c'eft ce qui poura leur faire avoir pour fufpectes les preuves que j'en aporte.

Je pourois me contenter d'oposer à ce prejugé l'infirmité commune de la nature humaine, qui fait que les plus grands hommes peuvent quelque fois tomber en de fort grandes erreurs car cela fuffit pour nous empêcher de mettre jamais en balance l'autorité d'un homme purement homme, contre l'évidence de la verité. Qu'on examine donc avec tout le foln poffible, fi je ne me fuis point trompé en prenant de fimples vrai-femblances pour des démonftrations. Mais qu'on l'examine independemment de l'eftime que l'on fait, & que je fais auffi, de l'Auteur que je refute; puifque cela ne peut rien contribuer à la foibleffe ou à la force de mes preuves.

C

J'ajoûterai feulement qu'il n'y a pas un fi grand fujet de s'étonner, que l'on pouroit croire, que j'aïe pu trouver tant de choses, qui paroiffent peu raisonnables dans fa Philo. phie des idées; car fa plus grande faute en cela

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