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des choses materielles, mais qu'il faut que ce foit Dieu qui l'éclaire, s'il y enfeigne que nous ne pouvons nous donner à nous-mêmes les perceptions des chofes materielles.

Or l'on ne peut pas l'enfeigner plus clairement qu'il faitspuifqu'il y établit comme une chose certaine ( je n'examine pas ici fi elle l'eft autant qu'il le dit, aïant déclaré que mon deffein étoit feulement de le combatre par lui-même) que notre entendement, ou la faculté qui eft en nous de recevoir plufieurs idées, c'eft a-dire, d'apercevoir plufieurs chofes, eft entierement paffive, & ne renferme aucune

action.

Donc il avoit fuffisamment enseigné dans ce chapitre, où il ne prend point les idées pour des étres reprefentatifs, & où il n'avoit point encore fupofé que nous viffions les chofes en Dieu, & que notre notre efprit n'étoit point capable de s'éclairer lui-même au regard des choses materielles, ni d'être à lui-même sa pre lumiere.

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Donc il n'a point eu befoin pour établir cela de pouffer plus loin fa Philofophie des idées,& d'avancer ce paradoxe : Que nous ne faurions voir le moindre corps que nous ne le voïons en Dieu, ou plutôt que nous ne voïons Dieu, lorfque nous nous imaginons voir ce corps.

Donc le zéle qu'il témoigne avoir d'empêcher

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cher que l'on ne croïe que nous fommes à nous-mêmes notre propre lumiere,ne lui doit point fervir de prejugé, pour faire recevoir favorablemcent des opinions fi étranges.

CHAPITRE XX.

Du 3. Préjugé: Qu'en n'admettant point cette Philofophie des idées on eft réduit à dire que notre ame pense, parce que c'eft fa nature, & que Dieu en la créant lui a donné la faculté de penser.

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E qui m'a fait croire que je devois reprefenter comme un prejugé, pour cette Philofophie des Idées, de ce qu'en ne l'admettant point on eft réduit à dire que notre ame penfe, parce que c'eft fa nature,& que Dieu en la créant lui a donné la faculté de penser, eft la maniere dont notre ami traite ceux qui parlent de la forte ; parce qu'il y a des gens, à qui cette confiance pouroit faire croire qu'il a raison. C'est dans la réponse à la 1. Objection qu'il fe propose dans fes Eclairciffemens, 543. contre ce qu'il avoit dit qu'il n'y a que Dieu qui nous éclaire, & que nous voïons toutes cofes en lui.

P.

Mais faifant profeffion d'écrire pour des gens, qui fe piquent d'une grande jufteffe, & d'une exactitude rigoureuse, il eût été bon qu'il n'eût point mêlé ensemble deux choses

très

très-differentes : l'une qu'il n'y a que Dien qui nous éelaire : l'autre que nous voïons toutes chofes en lui. Car nous venons de faire voir que felon fes principes mêmes, on pouroit très bien dire qu'il n'y a que Dieu qui nous éclaire, fans qu'on fût obligé d'ajoûter (ce qui eft vifiblement faux) que nous voïons toutes chofes en lui, en la maniere qu'il l'entend. C'eft pourquoi il donne vifiblement le change dans fa réponse à cette objection, parce qu'il s'attache uniquement à la premiere de ces deux choses: Qu'il n'y a que Dieu qui nous éclaire, & laiffe là la 2. en quoi confifte toute la difficulté: Que nous voions toutes chofes en

Dieu.

Ce n'eft pas néanmoins à quoi je m'arrête. Je prétens feulement juftifier cette propofition en elle-même : Notre ame penfe, parce que c'eft fa nature, & que Dieu en la créant lui a donné la faculté de penfer: & faire voir qu'il y a plufieurs rencontres où c'eft la meilleure réponse que l'on puiffe faire, & que c'eft pour ne s'en être pas contenté que l'on s'eft jetté dans des embarras, d'où on n'a pu se tirer que par la fauffe Philofophie des êtres reprefentatifs ; & qu'ainfi notre ami n'a point raifon d'en parler dans les termes qu'il fait.

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,, Je m'étonne, dit-il, que Meffieurs les " Cartefiens, qui ont avec raifon tant d'aver- " fion pour les termes generaux de nature & «

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de faculté, s'en fervent fi volontiers en cette ocafion. Ils trouvent mauvais que l'on dife ,, que le feu brûle par la nature, & qu'il change certains corps en verre par une fa,, culté naturelle : & quelques uns d'entr'eux ,, ne craignent point de dire que l'efprit de l'homme produit en lui-même les idées de ,, toutes chofes par fa nature, & parce qu'il a la faculté de penfer. Mais ne leur en déplaife, ces termes ne font pas plus fignifica,, tifs dans leur bouche que dans celle des Péripateticiens,

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J'ai déja dit que je ne foûtenois cette propofition qu'en elle-même. Or elle n'a point en elle-même le fens que lui donne l'Auteur de la réponse à l'objection; car penser à un objet ne fignifie point produire en foi-même la perception de cet objet, mais feulement en avoir la perception, de qui que ce foit qu'on l'ait, ou de Dieu ou de foi-même : il n'eft donc point neceffaire, ni pour la verité de cette propofition: Notre ame pense parce que c'est fa nature,& parce que Dieu en la créant lui a donné la faculté de penfer; ni pour l'ufage qu'on en peut faire, en philofophant raifonnablement que notre efprit produife en lui-même les idées de toutes chofes par fa nature (car le mot de penfer n'enferme point cela ) mais il fuffit qu'en plufieurs rencontres cette réponfe foit très-bonne, & qu'on s'en doive conten

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ter. Or cela eft ainfi, comme on l'a fait voir dans le chapitre fecond. Car, fi on demande, par exemple, pourquoi notre ame peut voir les chofes materielles, fon propre corps, & ceux qui l'environnent, lors même qu'ils en font fort éloignez, c'est fort bien répondre que de dire qu'elle les peut voir parce que c'eft fànature, &que Dieu lui a donné la faculté de penfer. Je foutiens encore une fois que cette réponse eft très-bonne, & que c'eft pour ne s'en être pas contenté qu'on eft allé s'imaginer que notre ame ne pouvoit voir les chofes materielles que par des êtres reprefentatifs, qui, étant intimement unis à notre ame, les mettoit en état d'être connues d'elle: ce qui a enfanté tant de bizarres opinions que l'Auteur de la Recherche dé la Verité n'a refutées, que pour leur en substituer une autre, qui ne vaut pas mieux, & qui eft même encore plus étrange.

Mais pourquoi donc, dit-il, Meffieurs les Cartefien's ont-ils tant d'averfion pour les termes generaux de nature & de faculté, quand les Peripateticiens s'en fervent ? Pourquoi trou vent-ils mauvais que l'on dife que le feu brûle ; parce que c'eft fa nature, & qu'il change cer tains corps en verre par une faculté naturelle,

La réponse n'eft pas difficile: c'eft que ce font des mots dont on fe peut bien & mal fervir ; & qu'ainfi les mêmes perfonnes peuvent avec raifon trouver mauvais qu'on s'en ferve mal, & Ee

trou

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