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trouver bon qu'on s'en ferve bien. On s'en fert mal, quand par le mot de faculté on entend une entité diftincte de la chofe à qui on attribuë cette faculté,comme lorsque l'on prend l'entendement & la volonté pour des facultez réellement diftinétes de notre ame. On s'en fert mal auffi quand on prétend avoir rendu raison d'un effet inconnu, ou connu très-confusément, par le mot general de faculté qu'on donne à la caufe, comme quand on dit que l'Aiman attire le fer parce qu'il a cette faculté, ou que le feu change certains corps en verre par une faculté naturelle; car l'abus qu'on fait alors de ces mots confifte principalement en ce qu'avant que de favoir ce que c'eft au regard du fer d'être attiré par l'Aiman, & au regard de la cendre d'être changée en verre par le feu, on s'en tire en difant que l'Aiman & le feu ont chacun cette faculté. Mais, fi après avoir expliqué, comme fait M. Defcartes, ce que c'est que la vitrification, & ce que le feu y contribue; & ce que c'eft auffi ce qu'on apelle l'atraction du fer par l'Aiman, & ce que l'Aiman y contribuë, on demandoit de nouveau d'où vient que le feu a ce mouvement violent, qui eft caufe que de certains corps fe changent en verre, & d'où vient que l'Aiman a des pores tournez en vis, ce feroit alors fort bien répondre que de dire que c'est telle eft la nature du parce que qu'on apelle feu, & telle de celui qu'on apelle Aiman.

corps

Voici

Voici encore un autre exemple du mauvais & du bon ufage de ces termes : Si on me demande pourquoi une pierre, étant fufpendue en l'air par un filet, tombe en bas fitôt que l'on coupe ce filet; c'eft mal répondre que de dire, que c'eft que Dieu lui a donné cette faculté en là créant de tendre au centre par fon mouvement, & que cette faculté s'apelle pefanteur: & pour bien répondre il faut voir ce qu'en a dit M. Defcartes, dans fes principes de Philofophie. Mais fi on demande en general, pourquoi la matiere eft capable de mouvement, on répond très-bien en difant que c'eft fa nature, & que Dieu en la créant a donné à fes parties cette faculté que l'une peut être éloignée ou aprochée fucceffivement de

l'autre.

Or cen'eft qu'en des cas tout femblables que je me fers, au regard de la penfée de mon ame, des mots de nature & de faculté. Car moi ame ja fai que je voi les corps, que je voi celui que j'anime, que je voi le foleil, quelque diftant qu'il foit de moi. Je fai de plus ce que c'est que de voir des corps; & quand je ne le pourois pas expliquer à d'autres, il me fuffit que j'en aïe en moi-même une fcience certaine. Je fai enfin qu'il n'y a point d'aparence que Dieu m'ait voulu joindre un corps fans vouloir que je le connuffe, & que par conféquent il a fallu qu'il m'ait d'onné la faculté de le connoître, auff bien que ceux qui lui pouroient fervir ou nuire E e 2 pour

pour la confervation. Pourquoi donc, fi on me demande d'où vient que n'étant pas corporelle je puis apercevoir les corps prefens ou abfens ? ne teroit-ce pas bien répondre que de dire de dire que c'eft parce que ma nature étant de penser,je fens par ma propre experience que les corps font du nombre des chofes aufquelles Dieu a voulu que je pufle penfer ; & que m'aïant créée & jointe à un corps il a été convenable qu'il m'ait donné la faculté de penfer aux choses materielles auffibien qu'aux fpirituelles? Quine fe contente pas de cela, & qui veut que paffant plus outre on lui rende raison de ce qui n'a point d'autre raifon que celle dont il ne lui plaît pas d'être fatisfait, ne fauroit que s'égarer; parce que, cherchant ce qui n'eft pas, il merite par fa temerité de ne trouver pas ce qui eft, comme dit excellemment S. Auguftin: Compefcat ergo fe humana temeritas, & id quod non eft non querat, ne id quod eft non inveniat. De Gen. cont. Man. lib. 1. c. 2.

Je prevoi que l'Auteur poura dire qu'il n'a point combattu la propofition que je défens, en la prenant dans le fens que je l'ai prife. Je le yeux. Mais je lui demande s'il l'aprouve, ou s'il ne l'aprouve pas, dans le fens que je la prens, qui ne touche point la queftion fi Dieu eft ou n'eft pas Auteur des perceptions que 'ai des choles materielles? S'il ne l'aprouvepas, demande la raifon? Car il eft clair que tout

j'en

ce

ce qu'il y répond dans les Eclairciffemens ne me regarde point. Et s'il l'aprouve, j'en conclus qu'il n'a donc qu'à retrancher de fon livre tout ce qu'il y dit de la nature des idées, en les prenant pour des êtres reprefentatifs diftinguez des perceptions, & toutes les conféquences qu'il en tire, pour nous faire croire que nous ne faurions voir les chofes materielles qu'en Dieu ou plutôt que nous pouvons tourner nos yeux vers les chofes materielles, ce qui s'apelle regarder, mais qu'en les regardant, ce n'eft que Dieu que nous yoïons.

CHAPITRE XXI.

Que quand cet Auteur dit qu'il y a des chofes que nous voions fans Idée, ce qu'il entend par là n'eft point assez démêlé, & cause tant de confufion, qu'on n'en peut avoir au

cune notion claire.

'Auteur de la Recherche de la Verité aïant

L'expliqué dans les 6. premiers chapitres de

de fon 3. Livre fa doctrine de la nature des idées, il diftingue dans le 7. quatre differentes manieres, par lefquelles il prétend que notre efprit connoît les chofes.

La première, dit-il, eft de connoître les choLes parelles-mêmes.

La 2. de les connoître par leurs idées, c'est-à-dire, comme je l'entends ici

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par guel

quelque chofe qui foit differant d'elles. La3. de les connoître par CONSCIENCE, on par fentiment interieur.

La 4. de les connoître par conjecture.

Il foûtient enfuite qu'il n'y a que Dieu, que nous connoiffions par lui-même.

Qu'il n'y a que les corps & les proprietez des corps, que nous connoissions par leurs idées. Que nous ne connoiffons point notre ame ni fes proprietez par fon idée, mais feulement par confcience, &par fentiment interieur.

Et que nous ne connoissons que par conjecture les ames des autres hommes.

Nous n'avons pas befoin de nous arrêter ici au premier & au dernier, nous en parlerons plus bas. Ecoutons feulement ce qu'il dit en particulier du 2. & du 3.

On ne peut douter, dit-il, que l'on ne voie les corps avec leurs proprietez par leurs idées ; parce que, n'étant pas intelligibles par eux mêmes, nous ne les pouvons voirque dans l'étre, qui les renferme d'une maniere intelligible. Ainfi c'est en Dieu,& par leurs idées que nous voions les carps avec leurs proprietez; & c'est pour cela que la connoiffance que nous en avons eft trèsparfaite je veux dire que l'idée que nous avons de l'étendue fuffit pour nous faire connoitre toutes les proprietez, dont l'étendue eft capable; & que nous ne pouvons defirer d'avoir une idée plus diftincte & plus feconde de l'éten

duë,

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