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un quadrilatere de 4. côtez égaux qui ne fe roient pas à angles droits? Trouveroit-on cette explication fort raifonnable dans un livre dogmatique: & aprouveroit-on qu'il prit à partie ceux qui fe plaindroient de fon peu d'exactitude, comme des critiques injuftes, dont on ne devroit pas fe mettre en peine, parce qu'on ne pouroit faire que de méchans livres, fi on les vouloit contenter?

Je me trouve d'autant plus obligé de faire cette observation, que ce n'est pas feulement l'ambiguité du mot d'idée qui fait beaucoup de broüillerie dans le 1. ouvrage de cet Auteur, mais que c'eft un defaut répandu dans fon Traité de la nature & de la grace; ou de femblables mots qui fe prennent en differens fens, femblent donner lieu à de grands Mifteres, qui difparoîtront auffi-tôt qu'on en aura démêlé les équi

voques.

Néanmoins ce n'eft pas à quoi je trouve ici le plus à redire. Je lui pardonnerois qu'il ait pris le mot d'idée, dans fon livre de la Recherche de la Vérité dans des fens très-differens, pourvû au moins que dans les Avertiffemens, qu'il y a joints à la 4. Edition, il eût prïs foin de les bien marquer, & d'en donner des notions bien diftinctes. Mais, bien-loin de cela, il n'y fait que brouiller de nouveau la fignification de ce mot: & ce qu'il en dit ne s'acorde point avec ce qu'il en avoit dit dans fon 3. livre, où il traite à fond

cette

cette matiere. Car toute la difference qu'il met dans ce 3. Avertiffement, p. 489. entre les idées eft la clarté & l'obfcurité, ne donnant point d'autre folution à la contradiction qu'on lui avoit objectée, finon que quand il avoit dit que nous n'avions point d'idée de notre ame, il avoit parlé ainfi, parce que nous ne la voïons point par ces idées claires, qui produisent la lumiere & l'évidence, & par lesquelles on a la comprehenfion de l'objet, pour parler ainfi & que, quand il a dit qu'on avoit une idée de l'ame,il a pris ce mot plus generalement pour toute forte d'idée claire ou obfcure.

Mais cette explication eft très-defectueufe, & ne fait point bien entendre fon fentiment des idées. Car le mot d'idée ne feroit point équivoque, mais feulement generique, s'il ne fignifioit que des idées d'une même nature, dont les unes feroient obfcures & les autres claires. Et ce feroit alors très mal parler de nier le mot d'idée d'une des efpeces, quoique la moins noble. C'eft comme qui diroit qu'un trapeze n'eft pas un quadrilatere, parce qu'il en eft l'efpece la plus imparfaite, & qu'un cheval n'eft animal, parce qu'il n'eft pas un animal raisonnable. Il est vrai auffi qu'il n'eft pas tombé dans cette faute, & qu'il pouvoit le mieux défendre de la contradiction qu'on lui reprochoit qu'il n'a fait dans cet Avertiffement. Car il pouvoit & devoit dire; Le mot d'idée eft équivoque

pas un

parce

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parce qu'il fignifie deux chofes très diffrentes & qui n'ont point proprement de notion commune. Et, felon que je l'ai pris en une ou en l'autre de ces deux manieres, j'ai pu dire quelquefois que nous avons une idée de l'ame, & d'autre fois que nous n'en avons point. J'ai pris dans le 1. ch. de mon 1. Livre l'idée d'un objet pour la perception d'un objet, & en prenant le mot d'idée en ce fens j'ai dû dire que nous avons une idée de notre ames puifque nous ne la pourions connoître, comme nous faifons, fi nous n'en avions la perception. Mais dans la 2. part. du 3. Livre j'ai pris le mot d'idée pour un être reprefentatif des objets, diftingué des perceptions, lequel j'ai fait voir ne fe pouvoir trouver qu'en Dieu Et c'eft en prenant le mot d'idée en ce fens que j'ai dit en plufieurs endroits que nous n'avions point d'idée de notre ame, parce que mon fentiment eft que nous ne la voïons. point en Dieu, comme nous y voïons les chofes materielles, mais que nous la voïons feulement par confcience & par fentiment interieur. Et ce qui me fait croire que nous ne la voïons point en Dieu,eft que ce que l'on voit en Dieu, comme l'étendue, fe voit bien plus clairement & plus parfaitement que nous ne voïons notre

ame.

Cette folution auroit été bien plus raifonnable, & plus conforme à fa doctrine des idées, que ce qu'il dit d'une maniere fort confufe, dans

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Avertiffement. Mais de quelque maniere que l'on s'y prenne, pour acorder cette contradiction aparente, cela ne laiffera pas d'être embaraffé de difficultez infurmontables contre nous, comme nous l'allons faire voir dans les chapitres fuivans.

CHAPITRE XXII.

Que s'il étoit vrai que nous viffions les chofes materielles par des êtres reprefentatifs, (ce qui est la même chose à cet Auteur que de les voir en Dieu) il n'auroit en nulle raifon de prétendre que nous ne voïons pas notre

ame en cette maniere.

O

N peut bien croire, que prétendant avoir démontré l'inutilité de ces étres reprefentatifs diftinguez des perceptions & des objets, & le peu de raifon qu'on a eu de fonder fur cela cette misterieufe pensée: Que nous voïons en Dieu les chofes materielles, mon deffein n'eft pas de prouver que nous voïons notre ame en cette maniere. Mais, pour montrer de plus en plus combien cette Philofophie des idées s'entretient mal, il ne fera pas inutile de faire voir, que s'il étoit vrai que nous viffions les chofes materielles par des êtres reprefentatifs (ce qui eft la même chose à cet Auteur que de les voir en Dieu ) il n'auroit point dû prétendre que nous ne voïons point notre ame en cette maniere.

Je

Je n'ai pour cela qu'à apliquer à notre ame les raifons generales que cet Auteur aporte pour rendre probable cette nouvelle pensée: Que nous voïons toutes chofes en Dieu. C'eft le titre de fon 6. ch. de la 2. part du Livre 3.

1. Il fupofe, ce qui eft vrai, que Dieu a en lui les idées de toutes chofes: 2. que Dieu eft intimement uni à nos ames par fa presence. D'où il conclut que l'esprit peut voir ce qu'il y a dans Dieu,qui reprefente les êtres créez,puifque cela eft très-fpirituel, très-intelligible, & très-prefent à l'efprit: & qu'ainfi l'esprit peut voir en Dieu les ouvrages de Dieu, fupofé que Dieu veuille bien lui découvrir ce qu'il y a dans lui qui les reprefente.

que

Or l'idée de notre ame n'eft-elle pas en Dieu, auffi-bien celle de l'étendue? Et ce qu'il y a en Dieu, qui reprefente notre ame, n'eft-il pas auffi fpirituel, auffi intelligible, & auffi prefent à l'efprit, que ce qui reprefente les corps. Et il eft même fans difficulté que ce qu'il y a dans Dieu, qui reprefente notre ame, qui a été créée à son image & à fa reffemblance, parce qu'il a voulu qu'elle le fût comme lui une nature intelligente, eft plus propre à faire que notre ame fe puiffe voir en Dieu, que ce qu'il y a en lui qui reprefente les corps, qui ne pouvant être qu'eminemment & non pas formellement étendu, figuré, divifible, mobile, ne peut être propre à les faire voir à notre efprit, qui les doit

conce

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