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que la connoiffance qu'un païfan, ou qu'un enfant a du foleil, ne foit fans comparaifon plus imparfaite que celle qu'un Philofophe a de fon ame.

On n'a pas même befoin de s'arrêter à des païfans ou à des enfans, pour reconnoître que fi la majeure étoit vraïe, c'est-à-dire, que s'il étoit vrai que les chofes, que l'on connoit en Dieu & par leurs idées, fe doivent connoître très-parfaitement, il en faudroit conclure non pas feulement que nous ne voïons pas notre ame en Dieu, mais que la maniere ordinaire de voir les autres chofes, tant que nous sommes en cette vie, n'eft point de les voir en Dieu, & parce que Dieu nous découvre ce qu'il y a en lui qui les reprefente. Car, fi cela étoit, d'où vient que tous les Philofophes, avant M. Defcartes, n'ont point eu la même notion du foleil, des étoilles, du feu, de l'eau, du fel, des nuées, de la pluie, de la neige, de la grêle, des vents & de tant d'autres ouvrages de Dieu, qu'en a eu ce Philofophe. Si les autres les ont vus en Dieu, aussi bien que lui, ils les ont dû voir comme lui; puifque les idées des chofes qui font en Dieu renferment toutes leurs proprietez. Or ce font ces idées des êtres créez dont je viens de parler que Dieu a découvertes, felon cet Auteur, à tous les Philofophes qui fe font apli quez à les connoître d'où vient donc qu'ils

n'ont

n'ont pas vu dans ces idées toutes les proprietez du foleil, des étoilles, de l'eau, du feu, & le refte; puifque cet Auteur donne pour maxime que lorsqu'on voit les chofes comme elles font en Dieu, on les voit toûjours d'une maniere très-parfaite.

CHAPITRE XXIII.

Réponse aux raifons que cet Auteur aporte pour montrer que nous n'avons point d'idée claire. de notre ame, & que nous en avons de l'étenduë.

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E croi en avoir affez dit dans le chapitre precedent, pour perfuader à toutes les perfonnes raifonnables que fi on voïoit toutes les chofes en Dieu, en la maniere que cet Auteur l'entend, il'n'auroit eu aucune raison d'en excepter notre ame & qu'ainfi ce n'eft point de là qu'il a pu conclure que nous n'a-. vons point d'idée de notre ame; & que nous la connoiffons feulement par confcience, & par fentiment interieur.

Mais, parce qu'il fe fert encore d'un autre moïen, pour prouver la même chofe, qui eft que nous n'en avons point d'idée claire, comme nous en avons de l'étendue, j'ai cru devoir encore examiner fi ce moïen eft mieux fondé que l'autre.

Il avoit reconnu en un endroit que nous

avons des idées de l'une & de l'autre : je veux dire, de notre ame & de l'étenduë. C'est en lap. 42. où il en parle en ces termes:

On fupofe d'abord qu'on ait fait quelque réflexion fur deux idées, qui fe trouvent dans notre ame: l'une qui nous reprefente le corps, & l'antre qui nous reprefente l'efprit: qu'on les fache bien diftinguer par les attributs pofitifs,qu'elles enferment: en un mot,qu'on fe foit bien perfuadé que l'étendue eft differente de la pensée.

Il eft vrai qu'alors il prenoit le mot d'idée pour perception. Et il avoit raifon de le prendre ainfi ; car c'eft fa vraïe notion. Mais il lui a plu depuis de ne prendre ce mot que pour un certain genre d'être reprefentatifs diftingué des perceptions, lefquels il a voulu qu'on ne peut trouver qu'en Dieu, & qu'il a auffi diftingué des autres idées prifes generalement pour tout ce qui reprefente quelque objet à

efprit, foit clairement, loit confufément, en ce qu'il a declaré que celles à qui on devoit donner par preference le nom d'idées, étoient des idées claires, qui produisent la lumiere & l'évidence, & par lesquelles on a la comprehenhenfion de l'objet, fi on peut parler ainfi. Et c'eftenfuite de cette diftinction qu'il s'eft mis dans l'efprit que prenant le mot d'idée en cette derniere fignification, nous n'avions point d'idée de notre ame, & que nous en avions de l'étenduë.

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Or je pourois me contenter d'avoir montré deux choses. L'une que nous ne voïons point l'étenduë par un être representatif, non plus que notre ame. L'autre que quand l'idée, que nous avons de notre ame, feroit moins claire que celle que nous avons de l'étenduë, comme il ne s'enfuivroit point de là que ces deux idées fuffent d'un genre tout different, il ne s'enfuivroit pas auffi qu'on pût dire raifonnablement que nous n'avons point d'idée de notre ame, & que nous en avons de l'étenduë; car le plus ou le moins de clarté ne donneroit point lieu de ne laiffer le nom d'idée qu'à la perception que nous avons de l'étenduë, & de l'ôter à celle que nous avons de

notre ame.

Je pourois auffi l'arrêter tout court, en découvrant l'illufion qui fe trouve dans la comparaifon qu'il fait des idées de l'ame & de l'étendue en ce qu'il ne s'arrête qu'à celle de l'étenduë en general; au lieu qu'il faudroit, afin que fa preuve fût fuportable, qu'il eût montré que l'idée de notre ame eft moins claire, que celle que nous avons de quelque corps que ce foit. Car prétendant, comme il fait, que nous voïons en Dieu toutes les chofes materielles, & que nous voïons par des idées claires tout ce que nous voïons en Dieu,il fuffiroit que l'idée, que nous avons de notre ame, fut pour le moins auffi claire que c'elle d'une in

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finité

finité de chofes materielles, que felon lui nous voïons en Dieu, & par conféquent par des idées claires: cela fuffiroit, dis-je, pour empêcher qu'il ne pût dire raifonnablement que nous n'avons point d'idée de notre ame, quand il feroit vrai que l'idée de notre ame seroit moins claire que celle de l'étendue en general. Et s'il n'en vouloit pas convenir, on le lui pouroit prouver par cette démonstration.

Le défaut de clarté, dans l'idée que nous avons de notre ame, ne peut pas donner droit de dire que nous n'en avons point d'idée, fi elle eft pour le moins auffi claire que celle de beaucoup de chofes, que nous voïons felon cet Auteur par des idées affez claires, pour ne pouvoir pas dire que nous n'en avons point d'idée. Or cela eft ainfi, comme on l'a déja

montré.

Car les étoiles, le foleil, le feu, n'ont jamais pus felon cet Auteur, être vus qu'en Dieu : & felon lui tout ce que l'on voit en Dieu se voit par des idées claires.

Or les idées, que tous les Philofophes ont eues du foleil, des étoiles, du feu, avant M. Descartes, étoient moins claires, que celle que nous avons de notre ame: donc cet Auteur n'a point eu droit de pretendre que l'idée, que nous avons de notre ame eft fi peu claire, qu'on peut dire abfolument que nous n'en avons point d'idée :

Mais,

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