Imágenes de páginas
PDF
EPUB

avec évidence ce qui eft conforme à l'ordre: autrement il n'auroit pu conclure que comme on a une idée claire de l'ordre, finous en avions auffi une idée claire de notre ame,on tonnoitroit avec évidence fi elle eft conforme à l'ordre. Car fi je me puis tromper en croïant conforme à l'ordre ce qui n'y feroit pas conforme, je pou rois connoitre parfaitement l'état de mon ame, fans que je connuffe pour cela avec évidence si cela étoit conforme à l'ordre. C'est ce qu'on comprendra mieux par un exemple. Quand S. Paul perfecutoit les Chrétiens, il n'ignoroit pas quel étoit fur cela l'état de fon ame; car il connoiffoit fort bien le deffein qu'il avoit d'exterminer la Religion, que les difciples de Jefus de Nazareth vouloient établir. Il n'y avoit donc rien, au regard de la connoiffance de fon ame, qui le pût empêcher de connoitre avec évidence fi elle étoit ou fi elle n'étoit pas conforme à l'ordre. Et cependant il ne le favoit point, & il fe trompoit certainement en la Croïant conforme à l'ordre. Son erreur venoit donc, non de ne pas bien connoitre fon ame mais de ne pas bien connoitre ce qui eft conforme à l'ordre. Et par confequent on auroit autant de droit de conclure de là que nous n'avons pasune idée claire de l'ordre,que d'en conclure que nous n'avons pas une idée claire de notre

ame.

Il en eft de même de l'idée de l'étendue. Il y

M m

ha

a une infinité de chofes que nous n'aurions jamais fçu fi elles convenoient ou non à l'étendue, fi nous ne l'avions apris par experience. Qui fe feroit jamais imaginé tous les effets de la poudre à canon, fi on ne les avoit apris par fard. C'eft encore le hafard, qui a fait juger que les effets qu'on attribuoit à la fuite du vuide doivent être attribuez à la pefanteur de l'air. Il y a très-peu de gens qui puiffent croire que tout ce que font les autres animaux fe faffe fans connoiffance, par les feules modifications de l'é tendue. Mais fi des hommes étoient nez dans une Ife deferte, oùil n'y auroit aucun animal, il eft encore plus certain qu'ils ne trouveroient jamais dans l'idée de l'étendue qu'il pût y avoir de telles machines. Il en eft prefque de même des plantes. Si nous n'en avions jamais vu, la clarté de l'idée de l'étendue ne fuffiroit pas pour nous en faire avoir la moindre pensée. Cependant l'Auteur de la Recherche de la Verité ne laiffe pas de croire que nous avons une idée très-claire de l'étendue. Pourquoi veut-il donc que ce foit une preuve que nous n'avons pas d'idée claire de notre ame de ce que nous avons fouvent befoin d'experience, pour connoitre quelles font les difpofitions interieures touchant la vertu, ou quelles font les forces pour demeurer ferme dans fon devoir

X. RAISON. Il est neceffaire de faire de. grands raifonnemens pour s'empêcher de confondre

fondre l'ame avec le corps. Mais fi l'on avoit une idée claire de l'ame, comme l'on en a du corps, certainement on ne feroit point obligé de prendre tous ces détours pour la diftinguer de lui: cela fe découvriroit d'une fimple vuë, & avec autant de facilité que l'on reconnoit que le quarré n'est pas le cercle.

RESP. Cet endroit & beaucoup d'autres femblables font voir que eet Auteur croit qu'on ne connoit point par une idée claire ce qu'on ne découvre point d'une fimple vue; mais qu'on ne fauroit favoir que par raifonnement. Je trou ve une femblable penfée dans les troifiémes objections faites à M. Defcartes par un Anglois nommé Obbes. Car ce Philofophe pretendoit auffi que nous n'avions point d'idée de ce que nous ne connoiffions que par un raifonnement: Dans la 3. objection fur la 3. meditation: J'ai déja, dit-il, fouvent remarqué, que nous n'avons aucune idée ni de Dieu ni de l'ame. Fajoûte ici que nous n'en avons point aussi de la fubftances car nous ne la connoiffons que par le raifonnement: & ainfi nous ne la concevons point,& n'en avons point d'idée. A quoi M. Defcartes répond en deux mors: Fai aussi fouvent remarqué que j'apelle idée la perception que nous avons de tout ce que nous connoissons par raifonnement, auffi-bien que tout ce que nous connoiffons d'une autre maMm 2 Et

niere:

de

[ocr errors]

Et il en elt de même d'une idée claire, On doit apeller idée claire la perception de tout ce que nous connoiffons clairement par des rai fonnemens, quelques longs qu'ils puiffent être, pourvu qu'ils foient demonftratifs, auffi bien que de tout ce que nous connoiffons clairement d'une autre maniere.

Et il faut bien que cet Auteur en demeure d'accord, puifqu'il veut que nous reconnois, fions par des idées claires toutes les proprietez de l'étendue. Car niera-t'il qu'il y en ait une infinité qui ne s'aperçoivent point d'une fimple vuë, mais qu'on n'a pû découvrir que par de longs raisonnemens. Eft-ce que Pythagore n'a eu qu'à confulter l'idée du triangle rectangle & du quarré, pour découvrir d'une fimple vuë que le quarré de la base devoit être égal aux quarrez des deux côtez. Eft-ce qu'Archimede n'a eu qu'à confulter l'idée de la sphere pour découvrir d'une fimple vue que l'étendue de sa furface devoit être quadruple de l'aire de l'un de fes grands cercles? Toutes les proprietez des fections coniques fe découvrent-elles auffi d'une fimple vuë? Or il s'eft déclaré trop hautement le protecteur de l'idée claire de l'étendue, pour ne pas vouloir que tout cela fe voie par des idées claires. Il a donc deux poids & deux mefures, lorfque pour avoir plus de moïen de foutenir que nous n'avons point d'idée claire de notre ame, il s'avife de pretendre qu'on ne

voit

voit par une idée claire, que ce que l'on décou vre d'une fimple vuë, fans avoir befoin de rai

fonnement.

[blocks in formation]

Conclufions des raisons de cet Auteur, contre la clarté de l'idée de l'ame. D'où vient qu'il trouver dans lui- même.

ne l'a

pu

E croi n'avoir omis aucune des raisons de cet Auteur contre la clarté de l'idée de l'ame. e ne fai s'il fera fatisfait de ce que j'ai dit pour montrer qu'elles n'ont rien de folide. Car il paroît par la maniere dont il les conclut qu'il n'a point douté que tout le monde n'en dût être

entierement convaincu.

Je ne m'arrête pas, dit-il, à prouver plus au long que l'on ne connoit point l'ameni fes modifications par des idées claires. De quelque côté qu'on fe confidere foi-même, on le reconnoit fufifamment: & je n'ajoute ceci à ce que j'en avois déja dit dans la Recherche de la Verité, que parce que quelques Cartefiens y avoient trouvé à redire. Si cela ne les fatisfait pas, j'attendrai qu'ils me fassent reconnoitre cette idée claire que je n'ai pu trouver en moi, quel que effort que j'aie fait pour la découvrir.

Il n'eft pas furprenant qu'après avoir attaché la notion d'une idée claire à tant de conditions, comme nous avons vu dans tout l'article precedent

« AnteriorContinuar »