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*Je parle principalement ici des chofes materielles, qui certainement ne peuvent s'unir à notre ame, de la façon qui eft necessaire afin qu'elle les aperçoive; parce qu'étant étendues, & l'ame ne l'étant pas, il n'y a point de proportion entr'elles. Outre que nos ames ne fortent point du corps pour mesurer la grandeur des Cieux, & par conféquent elles ne peuvent voir les corps de dehors, que par des idées qui les reprefentent. C'eft de quoi tout le monde doit tomber d'accord. On ne pouroit parler avec plus de confiance, quand on n'auroit à propofer que des chofes auffi claires que des axiomes de Geometrie. Auffi pourfuit-il du même ton,

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Nous affurons donc qu'il eft abfolument neceffaire que les idées, que nous avons des corps, &de tous les autres objets que nous n'apercevons point par eux-mêmes, viennent de ces mêmes corps & de ces objets ou bien que notre ame ait la puissance de produire ces idées : ou que Dieu les ait produites avec elle en la créant, ou qu'il les produife toutes les fois qu'on penfe à quelque objet: ou que l'ame ait en elle-même toutes les perfections qu'elle voit dans ces corps: ou enfin qu'elle foit unie avec un étre tout parfait, & qui renferme generalement toutes les perfections des êtres créez.

E2

Si

*Liv. 3. part. 2. ch. 1. p. 150.

Si ces prétendus êtres reprefentatifs des corps n'étoient pas de pures chimeres, j'avouerois fans peine qu'il faudroit qu'ils fe trouvaffent dans notre ame par quelqu'une de ces 5. manieres. Mais, comme je fuis perfuadé qu'il n'y a rien de plus chimerique, j'ai le dernier étonnement de ce que notre ami, qui a détruit tant d'autres chimeres femblables, ait pu donner dans celle-ci.

La conclufion a le même air de confiance, mais accompagnée de quelques termes modeftes, dont ne laiffent pas de fe fervir ceux qui font le plus perfuadez qu'ils n'avancent rien qui ne foit de la derniere clarté.

Nous ne faurions voir les objets qu'en l'une de ces manieres. Examinons quelle eft celle qui femble la plus vrai-femblable de toutes fans préocupation, & fans nous effraier de la difficulté de cette question: peut-être que nous la refoudrons affez clairement; quoique nous ne prétendions pas donner ici des démonstrations inconteftables pour toutes fortes de perfonnes, mais feulement des preuves très-convaincantes pour ceux au moins qui les méditeront avec une attention ferieufe, car on pafferoit peut-être pour témeraire, fi l'on parloit autrement.

Et moi, Monfieur, je ne crains point de paffer pour témeraire en vous difant deux chofes. L'ane que ces idées, prifes pour des êtres reprefentatifs, diftinguez des percep

tions,

tions n'étant point néceffaires à notre ame pour voir les corps, il n'est par conséquent nullement neceffaire qu'elles foient en elle par aucune de ces cinq manieres. L'autre que la moins vrai-femblable de toutes ces manieres, & par laquelle on peut le moins expliquer comment notre ame voit les corps, eft celle que notre ami a préferée à toutes les au

tres.

CHAPITRE
I TRE V.

Que l'on peut prouver geometriquement la fauffeté des Idées, prifes pour des êtres réprefentatifs. Définitions, Axiomes, Demandes, pour fervir de principes à ces demonftrations.

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E croi, Monfieur, pouvoir démontrer à notre ami la faufseté de ces êtres representatifs, pourvu qu'il fe veuille rendre de bonne-foi à ce qu'il a lui-même dit tant de fois que l'on devoit obferver, pour trouver la verité de la Metaphyfique, auffi-bien que dans les autres fciences naturelles, qui eft de ne recevoir pour vrai que ce qui eft clair & évident, & de ne fe point fervir de prétenduës entitez, dont nous n'avons point d'idées claires, pour expliquer les effets de la nature, soit corporelle, foit fpirituelle. Je tenterai même de le prouver par la methode des geo

metres.

DE

DEFINITIONS.

1. J'apelle ame ou efprit la fubftance qui pense.

2. Penfer, connoître, apercevoir, font la

même chose.

3. Je prens auffi pour la même chose l'idée d'un objet & la perception d'un objet. Fe laiffe à part s'il y a d'autres chofes, à qui on puiffe donner le nom d'idée. Mais il eft certain qu'il y a des idées, prifes en ce fens, & que ces idées font, ou des attributs, ou des modifica tions' de notre ame.

4. Je dis qu'un objet eft prefent à notre efprit, quand notre efprit l'aperçoit & le connoît. Je laiffe encore à examiner s'il y a une autre prefence de l'objet préalable à la connoiffance, & qui foit néceffaire, afin qu'il foit en état d'être connu. Mais il eft certain que la maniere dont je dis qu'un objet eft prefent à l'efprit, quand il en eft connu,eft inconteftable, & que c'eft ce qui fait dire qu'une perfonne que nous aimons, nous eft fouvent prefente à l'efprit, parce que nous y penfons fouvent,

5. Je dis qu'une chofe eft objectivement dans mon efprit, quand je la conçois. Quand je conçois le foleil, un quarré, un fon : le foleil, le quarré, ce fon, font objectivement dans mon efprit, foit qu'ils foient ou qu'ils ne foient hors de mon efprit.

6. J'ai

6. J'ai dit que je prenois pour la même chofe la perception & l'Idée. Il faut néanmoins remarquer que cette chofe, quoique unique, a deux raports : l'un à l'ame qu'elle modifie: l'autre à la chofe aperçuë, entant qu'elle eft objectivement dans l'ame ; & que le mot de perception marque plus directement le premier raport, Ainfi la perception d'un quarré marque plus directement mon ame comme apercevant un quarré: & l'idée d'un quarré marque plus directement le quarré,entant qu'il eft objectivement dans mon efprit. Cette remarque eft trés-importante pour réfoudre beaucoup de difficultez, qui ne font fondées que fur ce qu'on ne comprend pas affez que ce ne font point deux entitez differentes, mais une même modification de notre ame, qui enferme effentiellement ces deux raports; puifque je ne puis avoir de perception, qui ne foit tout enfemble la perception de mon efprit comme apercevant, & la perception de quelque chofe comme aperçuë, & que rien auffi ne peut être objectivement dans mon efprit (qui eft ce que j'apelle Idée) que mon esprit ne l'aperçoive.

& celui d'Idée le dernier.

7. Ce que j'entens par les êtres reprefentatifs, entant que je les combats comme des entitez fuperfluës, ne font que ceux que l'on s'imagine être réellement diftinguez des idées

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