Imágenes de páginas
PDF
EPUB

IV. REFLEXIO N.

Je ne fai comment il n'a pas pris garde que, fi les principes qu'il a établis dans fon Traité de la Nature & de la Grace, étoient véritables, il faudroit qu'il retractât ce qu'il a dit fi pofitivement dans la Recherche de la Verité:qu'avant la foi je ne puis être entierement affuré qu'il y ait autre chofe que Dieu & mon efprit. Car il n'a point prétendu avoir tiré ces principes de la révelation divine, mais de l'idée de l'Eftre parfait ; & néanmoins j'en puis conclure évidemment qu'il eft impoffible qu'il n'y ait que moi & mon efprit : donc s'ils étoient vrais & néceffaires,comme le doivent être des principes, on peut être affuré de la fauffeté de cette fupofition, fans avoir recours à la foi: Je me contenterai d'en raporter deux ou trois exemples.

1. Si Dieu veut agir au dehors, c'est qu'il veut fe procurer un homme digne de lui. Or d'une part je fuis affuré qu'il a voulu agir au dehors, puifque je ne puis douter que je ne fois fon ouvrage: & de l'autre je fens bien que je ne fuis pas capable de lui rendre un honneur digne de lui.

Donc il faut qu'en agiffant au dehors il ait eu en vûë quelqu'autre chofe que moi, qui lui ait pu rendre un honneur digne de lui: donc je ne puis croire qu'il y ait feulement Dieu & mon efprit.

2. 16

2. Il n'eft pas digne de l'Eftre parfait d'agir ordinairement par des volontez particulieres: mais il eft plus digne de lui d'agir comme cauSe univerfelle, dont les volontez font déterminées à des effets particuliers par des caufes gcafionnelles.

Or fi je n'avois point de corps, & que mon efprit fût fa feule créature, comme Dieu m'auroit créé par une volonté particuliere, il feroit auffi mille & mille chofes en moi par des volontez particulieres, fans avoir de caufes ocafionnelles, fur-tout dans tout ce qui me paroit regarder un corps que je n'aurois point, & 'd'autres corps qui ne feroient point auffi.

Donc il n'eft pas vrai que je n'aïe point de corps, & que mon efprit foit la feule créature de Dieu.

3. Dieu agit par les voies les plus fimples,& felon les loix génerales: or ce ne feroit pas fi je n'avois point de corps, & qu'il n'agit qu'envers moi feul: donc il n'eft pas vrai, &c.

Je ne demeure pas d'acord de ces démonftrations; parce que je ne demeure pas d'acord que les principes, dont on les tire,foient affez géneraux & affez néceffaires, pour démontrer une propofition qui pouroit être conteftée. Mais il me femble que la conclufion en eft bien tirée: & par conféquent il faut qu'il reconnoiffe,ou que ces maximes ne font

pas

[ocr errors]

pas telles qu'il les a cruës, ou qu'il a eu tort de dire qu'il n'y a que la foi qui puiffe nous affurer qu'il y a des corps.

CONCLUSION.

VOILA, Monfieur, mes premieres difficultez fur les fentimens particuliers de notre Ami. Cela ne regarde pas encore ceux du Traité de la Nature & de la Graçe : mais il a cru lui-même qu'ils y avoient bien du raport, puifqu'il a fouhaité qu'on les étudiât avant que d'examiner ceux de fon Traité, & qu'il y renvoïe expreffément dans le 1 ch. de fon 3. Difcours. Je ne pouvois donc mieux faire, pour bien entrer dans les nouvelles penfées de fon dernier ouvrage, que de commencer par-là,

I.

J'y ai trouvé de plus de l'avantage pour lui & pour moi. C'eft que je n'ai point eu besoin de lui opofer l'autorité de celui-ci, ou de celui là, ce qui jetre fouvent dans des questions de fait affez ennuïeufes, ni de le combattre par les vieilles regles & les vieux principes d'une Philofophie qu'il n'auroit pas aprou vée. Je n'ai eu le plus fouvent qu'à l'opofer à lui-même, qu'à le prier de prendre plus garde à ce qui le paffe dans fon efprit, qu'à l'avertir, comme il a fait fi fouvent les autres,de plus écouter la raifon que les préjugez, & de le faire fouvenir des maximes qu'il a établies

pour

pour fe bien conduire dans la recherche de la verité.

Si j'y ai bien réüffi, je ne prétens point en tirer de gloire car je ne faurois dire comment tout cela m'eft venu dans l'efprit, ne m'étant jamais formé jusqu'alors aucun fentiment sur cette matieres de forte que fi l'on trouve que j'y aïe donné quelque jour, j'avouerai fans peine qu'il faut qu'il y ait eu plus de bonheur que d'adreffe.

Que fi, au contraire, je m'étois trompé, & que je me fuffe ébloui moi-même, lorfque je me fuis imaginé avoir découvert l'éblouiffement des autres, il feroit jufte que j'en portaffe la confufion.Et il me femble, autant que je puis fonder le fond de mon cœur, que je n'en apellerois point, & que je ne trouverois point mauvais que l'on me traitât comme je l'aurois mérité, fi j'avois été affez imprudent pour parler avec tant de confiance, n'ayant pas raison. Car c'eft une faute humaine & pardonnable de tomber innocemment dans quelque erreur, qui n'a point de mauvaise fuite mais en quelque matiere que ce foit, on a de la peine à excufer un homme, qui ne fe contente pas de combattre ce qu'il auroit dû aprouver,mais qui le fait avec tant de prefomption, qu'il entreprend de faire paffer les égaremens de fon efprit pour de véritables démonftrations.

Mais je dis plus, Monfieur, quand il n'y auroit rien que de folide dans tout ce que j'ai écrit fur ce fujet des idées (comme je vous avouë de bonne foi qu'il m'eft impoffible de croire autre chofe, tant que je n'aurai point d'autre lumiere que celle que j'ai maintenant) je ferai très-aife que, fi notre Ami n'en eft pas perfuadé, & qu'il demeure toujours dans fes premiers fentimens, il les défende du mieux qu'il poura, fans m'épargner, & en fe fervant des termes qu'il jugera les plus propres à faire voir qu'il n'a point tort; mais que c'eft moi qui ai combattu mal à propos cette belle maxime fi digne de Dieu que c'eft en Dieu que nous voïons toutes choses.

FIN

« AnteriorContinuar »