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prifes pour des perceptions. Car je n'ai garde de combattre toutes fortes d'êtres ou de mo dalitez reprefentatives: puifque je foûtiens qu'il eft clair, à quiconque fait reflexion fur ce qui fe paffe dans fon efprit, que toutes nos perceptions font des modalitez effentiellement reprefentatives.

8. Quand on dit que nos idées & nos perceptions (car je prends cela pour la même chose) nous reprefentent les chofes que nous concevons, & en font les images, c'eft dans tout un autre fens, que lorsqu'on dit que les tableaux representent leurs originaux, & en font les images, où que les paroles prononcées où écrites font les images de nos penfées. Car, au regard des idées, cela veut dire que les chofes que nous concevons font objectivement dans notre efprit & dans notre . penfée. Or cette maniere d'être objectivement dans l'efprit eft fi particuliere à l'efprit & à la penfée, comme étant ce qui en fait particulierement la nature, qu'en vain on chercheroit rien de semblable en tout ce qui n'eft pas efprit & penfée. Et c'eft, comme j'ai déja remarqué ce qui a brouillé toute cette matiere des idées de ce qu'on a voulu expliquer par des comparaifons, prifes des choles.corporelles, la maniere dont les objets font reprefentez par nos idées, quoiqu'il ne puiffe y avoir fur cela aucun vrai raport entre les corps & les efprits. 9. Quand

9. Quand je dis que l'idée eft la même chofe que la perception, j'entens par la perception tout ce que mon efprit conçoit, foit par la premiere aprehenfion qu'il a des chofes, foit par les jugemens qu'il en fait, foit par ce qu'il en découvre en raisonnant. Et ainfi, quoiqu'il y ait une infinité de figures, dont je ne connois la nature que par de longs raisonnemens, je ne laiffe pas, lorfque je les ai faits, d'avoir une idée auffi veritable de ces figures, que j'en ai du cercle ou du triangle, que je puis concevoir d'abord. Et, quoique peut-être ce ne foit auffi que par raisonnement que je fuis entierement affuré qu'il y a veritablement hors de mon efprit une terre, un foleil & des étoiles,l'idée,qui me reprefente la terre, le soleil & les étoiles, comme étant vraiment existant hors de mon efprit, n'en merite pas moins le nom d'idée, que fi je l'a vois euë, fans avoir eu befoin de raifonner. 10. Il y a encore une autre équivoque à démêler. C'est qu'il ne faut pas confondre l'idée d'un objet, avec cet objet conçu, à moins qu'on on n'ajoûte entant qu'il eft objectivement dans l'efprit. Car être conçu, au regard du folezl qui eft dans le ciel, n'eft qu'une denomination extrinfeque, qui n'est qu'un raport à la perception que j'en ai. Or ce n'eft cela que l'on doit entendre, quand on dit que l'idée du Soleil eft le foleil même, entant

F

pas

qu'il

qu'il eft objectivement dans mon efpui. Et ce qu'on apelle être objectivement dans l'esprit n'eft pas feulement être l'objet, qui eft le terme de ma pensée, mais c'est être dans mon efprit intelligiblement, comme les objets ont accoutumé d'y être : & l'idée du foleil eft le foleil, entant qu'il eft dans mon efprit, non formellement comme il eft dans le ciel, mais objectivement, c'est-à-dire, en la maniere que les objets font dans notre pensée, ce quieft une maniere d'être beaucoup plus imparfaite, que n'eft celle par laquelle le soleil eft réellement existant, mais qu'on ne peut pas dire néanmoins n'être rien, & n'avoir pas befoin de caufe.

II.

11. Quand je dirai que l'ame fait ceci ou cela, & qu'elle a la faculté de faire ceci ou cela, j'entens, par le mot de faire, la perception qu'elle a des objets, qui eft une de fes modifications, fans me mettre en peine de la caufe efficiente de cette modification, c'eft-àdire, fi c'eft Dieu qui la lui donne, où fi elle fe la donne à elle même. Car cela ne regarde point la nature des idées, mais feulement leur origine, qui font des questions toutes differentes.

12. J'apelle faculté le pouvoir que je fai certainement qu'a une chofe ou fpirituelle ou corporelle, ou d'agir, ou de partir, ou d'être d'une telle ou telle maniere, c'est-à

dire

dire, d'avoir une telle ou telle modification. 13. Et, quard cette faculté eft certainement une proprieté de la nature de cette chofe, je dis alors qu'elle la tient de l'Auteur de fa nature, qui ne peut être que Dieu.

AXIOME S.

1. On ne doit recevoir pour vrai, quand on prétend favoir les chofes par science, que ce que l'on conçoit clairement.

2. Rien ne nous doit faire douter de ce que nous favons avec une entiere certitude, quelques difficultez qu'on nous puiffe propofer contre.

3. C'est un visible renversement d'efprit de vouloir expliquer ce qui eft clair & certain par des chofes obfcures & incertaines.

4. On doit rejetter comme imaginaire de certaines entitez, dont on n'a aucune idée claire, & qu'on voit bien qu'on n'a inventées que pour expliquer des chofes qu'on s'ima¬ ginoit ne pouvoir bien comprendre fans cela.

5. Et cela eft encore plus indubitable, quand on les peut fort bien expliquer fans ces entitez inventées par les nouveaux Philofophes.

6. Rien ne nous eft plus certain que la connoiffance que nous avons de ce qui fe paffe dans notre ame, quand nous nous ar rêtons-là. Il m'eft très certain, par exem

ple, que je conçois des corps quand je croi, concevoir des corps, quoi qu'il puisse n'être pas certain, que les corps que je conçois ou foient veritablement, ou foient tels que que je les conçois.

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7. Il eft certain, ou par la raison, en supofant que Dieu ne fauroit être trompeur, ou au moins par la foi, que j'ai un corps, & que la terre, le foleil, la lune, & beaucoup d'autres corps que je connois comme exiftans hors de mon efprit, exiftent veritablement hors de mon efprit.

8. La conféquence eft neceffaire de l'acte au pouvoir, c'eft à-dire, qu'il eft certain que qui fait une chofe (prenant largement le mot de faire felon la 11. définition) a le pouvoir de la faire, & par conféquent que l'on doit dire qu'il a cette faculté felon la 12. defini

tion.

DEMANDE S.

Je demande que chacun faffe une ferieufe reflexion fur ce qui fe paffe dans fon efprit, lorfqu'il connoît diverfes choses, en confiderant tout ce qu'il y remarquera par une fimple vuë, fans raifonner, ni chercher ailleurs des comparaisons prifes des chofes corporelles, & en ne s'arrêtant que fur ce qu'il verra être fi certain qu'il n'en puisse douter.

Et, fi quelqu'un ne le peut pas faire de

lui

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