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bizarres & fans fondement ? N'y a-t-il qu'à l'affujetir aux vaines imaginations des Philofophes,pour l'obliger lui, qui agit toujours par les voies les plus fimples, à prendre un auffi étrange circuit que l'on voudroit qu'il prit, pour executer la volonté qu'il a de faire connoître à notre ame les choses materielles ? Je n'aurai donc qu'à dire auffi qu'on ne peut concevoir qu'un corps forte de fon repos, qu'on ne le pouffe ; & qu'il ne fauroit être pouffé que par quelque vertu, ni continuer fon mouvement que cette vertu ne continue de le pouffer, & que c'eft ce qui s'apelle vertu impreffe: & qu'ainfi, puifque l'on veut maintenant que ce foit Dieu, qui donne le mouvement à tous les corps particuliers, il faudra que ce foit aufli par une vertu impreffe, qui n'eft gueres moins univerfellement reconnue par les Philofophes de l'Ecole que ces êtres reprefentatifs des objets. Car quelle raifon poura-t-on avoir, pour rejeter cette derniere pensée, que je n'aïe auffi pour rejeter la pre

miere.

On dira que la neceffité de cette vertu impreffe, pour , pour faire continuer le mouvement aux corps que l'on jette, eft une imagination que l'on a fupofée fans l'avoir bien examinée, & qu'on ne fauroit apuïer d'aucune preuve valable. J'en dis autant de la pretenduë neceffité, que l'on a fupofé avec auffi peu de fon

dement

dement qu'avoient tous les objets de notre efprit d'être unis intimement à notre ame, afin d'être en état d'en pouvoir être connus. On dira que,laiffant-là cette vertu impreffe, 1l eft impoffible de concevoir que Dieu donnant le mouvement à un corps, ce corps ne fe mouve pas; & qu'ainfi, Dieu n'aïant pour but que de faire mouvoir ce corps,il feroit contre fa fageffe d'y emploïer cette vertu impresse, puifqu'il le peut faire fans cela.

Je dis de même qu'il eft impoffible de concevoir que Dieu donne à mon efprit la perception du corps A, & que je n'aperçoive pas le corps A ; & quainfi Dieu n'aïant pour but que de me faire apercevoir le corps A, parce que cela m'eft neceffaire pour la confervation du mien, il feroit contre fa fageffe d'y emploïer un être reprefentatif uni intimé ment à mon ame, quel qu'il puiffe être ; puis qu'il peut faire fans cela qu'elle connoiffe le corps 4, & qu'il ne fait jamais par des détours inutiles ce qu'il peut faire par des voïes plus fimples. Je ferai fort trompé, fi on me peut faire voir que ces dernieres inftances contre la neceffité des êtres reprefentatifs ne foient pas auffi bien fondées & auffi folides que les premieres, contre la neceffité d'une vertu impreffe.

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On peut voir ce que j'ai dit dans le chap.6. fur la maniere dont nous voïons les proprie

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tez des chofes dans leurs idées. Et je nedou te point qu'on n'en conclue, que ces étres reprefentatifs diftinguez des perceptions ne font bons à rien; puifque les laiffant-là pour ce qu'ils valent, je trouve fans peine de quoi expliquer tout ce qui fe paffe dans la connoiffance humaine. Et ceux mêmes, qui les fupofent, font obligez d'avouer qu'ils ne me fauroient fervir de rien, fi je ne les connois & que je ne connoiffe par eux les objets qu'ils reprefentent, c'est à dire, fi je n'ai par-là la perception d'un quarré, pour laquelle on s'eft, imaginé que j'avois befoin d'un étre representatifintimément uni à mon ame. Or dès que j'ai la perception d'un quarré, qui peut douter que fi je cherche les proprietés d'un quarré, ce ne foit dans cette perception que je les cherche. Et par confequent, comme j'ai dit dans le ch. 6. lorfqu'on dit ceci ou cela eft enfermé dans l'idée d'une telle chofe, le mot d'idée fignifie la perception que nous avons de cet objet, & non un prétendu être reprefentatif, que l'Ecole a inventé, croïant en avoir befoin, mais qui certainement n'eft bon à rien en la maniere qu'ils l'entendent.

R

CHAPITRE XI.

V. DEMONSTRATION.

len ne peut convaincre davantage un homme qui raisonne bien de la faufferé

d'un

d'un principe, que quand il le conduit dans des erreurs tout-à-fait abfurdes, & directement contraires à ce qu'il auroit fupofé pour indubitable,qui l'eft en effet,& qui eft la chole même qu'il avoit prétendu expliquér par ce principe.

Or-c'eft ce qui eft arrivé à l'Auteur de la Recherche de la Verité, dans l'emploi qu'il a fait de ce principe: Qu'afin qu'un objet puiffe étre en état d'être aperçu immédiatement par notre efprit, il faut qu'il foit uni intimement à

notre ame.

Car il n'a emploïé ce principe, qu'après avoir fupofé, comme une chose incontestable, que nous voïons une infinité de corps, & que notre efprit les aperçoit; mais que la difficulté eft d'expliquer comment il les aperçoit. C'est ce qui lui fait dire,dans le Titre du ch.1. de la 2. Part.du Livre 3.que les idées nous font néceffaires, pour apercevoir tous les objets matériels. Il fupofe donc qu'on les aperçoit. Et c'est comme fi je difois que les Lunettes d'aproche nous font néceffaires pour apercevoir les Satellites de Jupiter & de Saturne; car certainement il feroit ridicule de parler ainfi, fi même avec ces Lunettes nous n'apercevions point les Satellites de ces deux Planettes. Il dit encore dès le commencement de çe chap.comme nous avons déja vu: Nous voïons le foleil, les étoiles,& une infinité d'objets hors

de

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de nous. Et un peu plus bas : Toutes les chofes que l'ame aperçoit font de deux fortes : ou elles font dans l'ame, ou elles font hors de l'ame. Notre ame n'a pas befoin d'idée pour apercevoir les premieres. Mais, pour celles qui font hors de l'ame, nous ne pouvons les apercevoir que par le moien des idées, fupofé que ces chofes ne puif· fent pas lui être intimement unies.

Il est donc indubitable par tout cela que nous apercevons les chofes, qui font hors de l'ame, auffi-bien que celles qui font dans l'ame mais toute la difficulté eft de favoir fi nous avons befoin d'idées pour voir les unes plûtôt que les autres, & de quelle nature seront ces idées, dont on aura befoin pour voir celles qui font hors de nous.

Dans tout ce 3. Livre il demeure dans cette fupofition que nous apercevons les chofes matérielles; mais que ce ne peut être que par des idées. Et il dit même expreffement dans le ch. 6. p. 200. qu'on ne voit pas tant les idées des chofes, que les chofes mêmes que les idées reprefentent. Car, lors, dit-il, qu'on voit un quarré, on ne dit pas qu'on voit l'idée de ce quarré, qui eft unie à l'efprit, mais feulement le quarré, qui eft au dehors.

Cependant dans les Eclairciffemens, pouffant encore plus loin les conféquences naturelles de cette Philofophie des idées, il nous transporte tout d'un coup en des païs incon

nus,

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