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puifque cela étoit ainfi, je n'avois qu'à verfer jufqu'à deux onces ; mais malgré toute ma précaution, il s'en trouva cinq dragmes de plus que les deux onces : & comme il vit que je travaillois à les ôter, & que cela employoit du tems, il me dit de laiffer dans la balance ce qui y étoit, parceque cela ne finiroit pas. Je mis donc, fuivant fon ordre, le creufet avec cette quantité de mercure, dans un vieux fourneau qui s'étoit trouvé dans cette chambre enfuite il me donna le poids d'un peu plus que demi-grain de poudre rouge, telle que les Philofophes la décrivent, qu'il me fir en.velopper dans un morceau de cire proportionné à la quantité de poudre. Quand il jugea que le mercure étoit chaud, il me fit jetter cette petite boule dedans. Enfin, après deux heures de bon

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feu, je retirai le creufet, dans le quel, au lieu de vif-argent, il fe trouva la même quantité d'or, ou à peu près, lequel foutenoit toutes les épreuves que l'on fait à l'or le plus pur; & en calculant le poids de la poudre & celui du mercure, je jugeai qu'un grain pefant de cette poudre en devoit tranfmuer environ quatre mille en or. Je remarquai auffi que dans cette fixation de vif-argent, & dans toutes les autres que nous avons faites depuis, le mercure n'a jamais fait ce bruit ou détonnement que le Gentilhomme Guyennois, je veux dire Zachaire, & quelquesautres Philofophes ont dit qu'il faifoit en se fixant ; mais qu'auffitôt que la poudre s'eft mêlée avec lui, il demeure très-paifiblement dans le feu, & comme dans fon élement. Il faut obferver que la fixation qu'il a plu

feurs fois faite en ma préfence, du mercure en argent, fe faifoit en un quart-d'heure, & que la poudre dont il-fe fervoit pour cette fixation étoit blanche;mais que pour celle de l'or, il falloit au moins deux heures, & que le feu fût très-fort: ce qui n'étoit pas néceffaire pour l'argent.. Je lui demandai la raison de cette différence : Vous devez comprendre, me dit-il,que pour forcer le mercure à mettre audehors toute fa teinture, & pour lui faire acquerir la fixité de l'or, il faut néceffairement un feu & plus grand & plus long; & au contraire pour le fixer en argent, il ne faut fimplement que l'épaiffir: il n'eft donc pas nécef faire de lui donner un feu ni fi grand ni fi violent ; il faut feulement l'échaufer un peu fort. En effet,les fixations de mercure en argent, comme je l'ai vû plu

fieurs fois,fe faifoient avec plus de facilité & plus promptement que la prefure ne fait épaiffir le lait en un tems très-chaud. Je remarquai enfin que l'argent qui provenoit de la fixation du mercure, étoit plus pondereux que l'argent ordinaire, & que l'eauforte n'y faifoit aucune impreffion, ou du-moins fort peu ; mais elle n'y faifoit rien du tout, quand il y avoit un peu plus de poudre qu'il n'en étoit befoin. C'étoit donc une vraie lune fixe, & telle que je ne crois pas qu'on en puiffe faire autrement. Je veux bien dire ceci, pour détromper ceux qui fe laiffent aller aux fauffes recettes que ces milérables foufleurs leur apportent tous les jours pour les engager dans de groffes dépenfes,n'ayant pour vûe que de tirer, ou la nourriture pendant les opérations qu'ils font durer le plus

long tems qu'ils peuvent, aufquelles ils font arriver quelque accident fans qu'on s'en apperçoive, afin de recommencer. affurant que fans cet accident,

ils étoient fûrs de la réuffite; & pour y exciter davantage, ils ju rent & font des fermens que ceux defquels ils ont eu cette recette, l'ont fait vingt fois devant eux, qu'ils n'avoient autre bien pour vivre, & toutes leurs familles. Ils font un nombre infini d'hiftoires fur leurs dépenfes, toutes auffi fauffes les unes que les autres ; & enfin tâchent de perfuader qu'ils l'ont fait auffi eux mêmes plufieurs fois. Et comme ils fçavent bien que l'on connoît leur mauvais état, tant par le grenier fans meubles où ils font logés, que par les guenilles dont ils font couverts, n'ayant. pas même la plupart de chemifes ; ce que j'ai vu dans plufieurs

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