Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

difficulté pour l'affirmative de cette Propofition. Cependant M. Bernoulli, qui poffédoit fort cette matière, affuroit que ce Problême étoit beaucoup plus difficile que celui de la Quadrature du Cercle, & certainement il feroit fans comparaifon plus utile. Il n'eft pas fi glorieux à l'efprit de Géométrie de régner dans la Phyfique, que dans les chofes morales, fi compliquées, fi cafuelles, fi changeantes; plus une matière lui eft oppofée & rebelle, plus il a d'honneur à la dompter.

M. Bernoulli étoit d'un tempérament bilieux & mélancolique, caractère qui donne plus que tout autre, & l'ardeur & la conftance néceffaires pour les grandes chofes. Il produit dans un Homme de Lettres une étude affidue & opiniâtre, & fe fortifie inceffamment par cette étude même, Dans toutes les recherches que faifoit M. Bernoulli, fa marche étoit lente, mais fûre; ni fon génie, ni l'habitude de réuffir ne lui avoient inspiré de confiance : il ne donnoit rien qu'il n'eût remanié bien des fois; & il n'avoit jamais ceffé de craindre ce même Public qui avoit tant de vénération pour lui.

Il s'étoit marié à l'âge de trente ans & a laiffé un fils & une fille.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

AMONTONS. GUILLAUME AMONTONS naquit

[ocr errors]

en 1663 fur le minuit du dernier jour d'Août. Il étoit fils d'un Avocat, qui ayant quitté la Normandie d'où il étoit originaire, étoit venu s'établir à Paris. II étudioit encore en Troisième, lorfqu'il lui refta d'une maladie une furdité affez confidérable, qui le fequeftra prefque entièrement du commerce des hommes du moins de tout commerce inutile. N'étant plus qu'à lui-même, & livré aux pensées qui fortoient du fond de la nature, il commença à fonger aux Machines. Il entreprit d'abord la plus difficile de toutes, qu plutôt la feule impoffible, je veux dire le Mouvement perpétuel, dont il ne connoiffoit ni l'impoffibilité ni la diffi culté. En y travaillant, il s'apperçut qu'il devoit y avoir des principes dans cette matière, & qu'à moins que de les favoir, on y perdroit fon temps & fa peine. Il fa mit donc dans la Géométrie, quoique

felon la coutume de toutes les familles la fienne s'y opposât, & fans doute avec affez de raison, fi on ne regarde les fciences que comme des moyens d'arriver à la fortune.

On affure qu'il ne voulut jamais faire de remèdes pour fa furdité, foit qu'il défefpérât d'en guérir, foit qu'il fe trouvât bien de ce redoublement d'attention & de recueillement qu'elle lui procuroit femblable en quelque chofe à cet Ancien, que l'on dit qui fe creva les yeux pour n'être pas diftrait dans fes méditations philofophiques.

M. Amontons apprit le Deffin, l'Arpentage, l'Architecture, & fut employé dans plufieurs Ouvrages publics : mais il ne fut pas long temps fans s'élever plus haut; & il joignit à cette Méchanique qui produit nos Arts, & n'eft occupée que de nos befoins, la connoiffance de la fublime Méchanique qui a difpofé l'Uni

vers.

Les Inftrumens, tels que les Baromètres, les Thermomètres, & les Hygromètres, destinés à mefurer des variations phyfiques, qui nous étoient, il y a peu de temps, ou absolument inconnues, ou connues feulement par le rapport confus & incertain de nos fens, font peut-être dé

toutes

toutes les inventions utiles de la Philofophie moderne, celles où l'application de la Méchanique à la Phyfique eft la plus délicate; & d'ailleurs, comme on s'étoit contenté du premier hafard, ou de la première idée qui avoit fait naître ces inventions affez heureusement, elles étoient demeurées ou défectueufes en elles-mêmes, ou d'un ufage peu commode. M. Amontons les étudia avec beaucoup de foin; & en 1687, n'ayant encore que vingt-quatre ans, il préfenta à l'Académie des Sciences un nouvel Hygromètre qui en fut fort approuvé. Il propofa auffi à M. Hubin, fameux Emailleur, & fort habile en ces matières, différentes idées qu'il avoit pour de nouveaux Baromètres & Thermomètres mais M. Hubin l'avoit prévenu dans quelques-unes de ces penfées; & il fit peu d'attention aux autres, jufqu'à ce qu'il eût fait un voyage en Angleterre, où elles lui furent propofées par quelques-uns des principaux Membres de la Société Royale.

Peut-être ne prendra-t-on que pour un jeu d'efprit, mais du moins très-ingénieux, un moyen qu'il inventa de faire favoir tout ce qu'on voudroit à une trèsgrande diftance, par exemple de Paris à Rome, en très-peu de temps, comme Tome Ier.

K

fut

en trois ou quatre heures, & même fans que la nouvelle fût fue dans tout l'efpace d'entre-deux. Cette propofition fi paradoxe & fi chimérique en apparence exécutée dans une petite étendue de pays, une fois en préfence de Monfeigneur, & une autre en préfence de Madame; car quoique M. Amontons n'entendît nullement l'art de fe produire dans le monde, il étoit déja connu des plus grands Princes, à force de mérite. Le fecret confiftoit à difpofer dans plufieurs poftes confécutifs, des gens qui, par des lunettes de longue vue, ayant apperçu certains fignaux du pofte précédent, les tranfmiffent au fuivant, & toujours ainfi de fuite; & ces différens fignaux étoient autant de Lettres d'un Alphabet dont on n'avoit le chiffre qu'à Paris & à Rome. La plus grande portée des lunettes faifoit la diftance des poftes, dont le nombre devoit être le moindre qu'il fût poffible; & comme le fecond pofte faifoit les fignaux au troisième, à mefure qu'il les voyoit faire au premier, la nouvelle fe trouvoit portée de Paris à Rome prefque en auffi de temps qu'il en falloit pour faire les fignaux à Paris.

peu

En 1695, M. Amontons donna le feul Livre imprimé qui ait paru de lui, & le

« AnteriorContinuar »