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mière habitude & le premier pli du vrai. Elles nous apprendroient à opérer fur les vérités, à en prendre le fil fouvent très-délié & prefque impercep tible, à le fuivre auffi loin qu'il peut s'étendre; enfin elles nous rendroient le vrai fi familier, que nous pourrions en d'autres rencontres le reconnoître au premier coup d'oeil, & prefque par inftinct.

L'efprit géométrique n'eft pas fi attaché à la Géométrie, qu'il n'en puisse être tiré, & tranfporté à d'autres connoiffances. Un Ouvrage de Morale de Politique, de Critique, peut-être même d'Eloquence, en fera plus beau, toutes chofes d'ailleurs égales, s'il eft fait de main de Géomètre. L'ordre, la netteté, la précifion, l'exactitude qui règnent dans les bons Livres de- · puis un certain temps, pourroient bien avoir leur première fource dans cet efprit géométrique, qui fe répand plus que jamais, & qui en quelque façon fe communique de proche en proche à ceux mêmes qui ne connoiffent pas la Géométrie. Quelquefois un grand Homme donne le ton à tout son siècle; celui à qui on pourroit le plus légitimement accorder la gloire d'avoir établi

hafard découvre leur ufage. Il y en aura qui, prifes féparément, feront ftériles, & ne cefferont de l'être que quand on s'avifera de les rapprocher. Enfin, au pis aller, il y en aura qui feront éternellement inutiles.

J'entends inutiles, par rapport aux ufages fenfibles, &, pour ainfi dire, groffiers; car du refte elles ne le feront pas. Un objet vers lequel on tourne uniquement les yeux, en eft plus clair & plus éclatant, quand les objets voifins, qu'on ne regarde pourtant pas, font éclairés auffi-bien que lui. C'est qu'il profite de la lumière qu'ils lui communiquent par réflexion. Ainfi les découvertes fenfiblement utiles, & qui peuvent mériter notre attention principale, font en quelque forte éclairées par celles qu'on peut traiter d'inutiles. Toutes les vérités deviennent plus lumineuses les unes par les autres.

Il est toujours utile de penfer jufte; même fur des fujets inutiles. Quand les Nombres & les Lignes ne conduiroient abfolument à rien, ce feroient toujours les feules connoiffances certaines qui aient été accordées à nos lumières naturelles, & elles ferviroient à donner plus fûrement à notre raison la pre

mière habitude & le premier pli dụ vrai. Elles nous apprendroient à opérer fur les vérités, à en prendre le fil fouvent très-délié & prefque imperceptible, à le fuivre auffi loin qu'il peut s'étendre; enfin elles nous rendroient le vrai fi familier, que nous pourrions en d'autres rencontres le reconnoître au premier coup d'oeil, & prefque par inftinct.

L'efprit géométrique n'eft pas fi attaché à la Géométrie, qu'il n'en puisse être tiré, & tranfporté à d'autres connoiffances. Un Ouvrage de Morale de Politique, de Critique, peut-être même d'Eloquence, en fera plus beau toutes chofes d'ailleurs égales, s'il eft fait de main de Géomètre. L'ordre la netteté, la précifion, l'exactitude qui règnent dans les bons Livres de-. puis un certain temps, pourroient bien avoir leur première fource dans cet efprit géométrique, qui fe répand plus que jamais, & qui en quelque façon fe communique de proche en proche à ceux mêmes qui ne connoiffent pas la Géométrie. Quelquefois un grand Homme donné le ton à tout fon fiècle; celui à qui on pourroit le plus légitimement accorder la gloire d'avoir établi

un nouvel Art de raisonner, étoit un excellent Géomètre.

Enfin tout ce qui nous élève à des réflexions, qui, quoique purement fpéculatives, font grandes & nobles, eft d'une utilité qu'on peut appeler fpirituelle & philofophique. L'Esprit a fes befoins, & peut-être auffi étendus que ceux du Corps. Il veut favoir; tout ce qui peut être connu lui eft néceffaire; & rien ne marque mieux combien il est destiné à la vérité: rien n'est peut-être plus glorieux pour lui, que le charme que l'on éprouve, & quelquefois malgré foi, dans les plus fèches & les plus épineuses recherches de l'Algèbre.

communes,

Mais fans vouloir changer les idées & fans avoir recours à des utilités qui peuvent paroître trop fubtiles & trop raffinées, on peut convenir nettement que les Mathématiques. & la Physique ont des endroits qui ne font que curieux; & cela leur eft commun avec les connoiffances les plus généralement reconnues pour utiles telle qu'eft l'Hiftoire.

L'Hiftoire ne fournit pas dans toute fon étendue des exemples de vertu, ni des règles de conduite. Hors de là, co

n'eft qu'un fpectacle de révolutions perpétuelles dans les affaires humaines, de naiffances, de chûtes d'Empire, de moeurs, de coutumes, d'opinions qui fe fuccèdent inceffamment; enfin de tout ce mouvement rapide, quoiqu'infenfible, qui emporte tout, & change continuellement la face de la terre.

Si nous voulons oppofer curiofité à curiofité, nous trouverons qu'au lieu de ce mouvement qui agite les Nations, qui fait naître & qui renverse des Etats, la Phyfique confidère ce grand & univerfel mouvement qui a arrangé toute la Nature, qui a fufpendu les Corps céleftes en différentes Sphères, qui allume & qui éteint des Etoiles, & qui, en fuivant toujours des loix invariables, diverfifie à l'infini fes effets. Si la différence étonnante des moeurs & des opinions des Peuples eft fi agréable à confidérer, on étudie auffi avec un extrême plaifir la prodigieufe diverfité de la ftructure des différentes espèces d'Animaux, par rapport à leurs différentes fonctions, aux, élémens où ils vivent, aux climats qu'ils habitent, aux alimens qu'ils doivent prendre, &c. Les traits d'Histoire les plus curieux auront peine à l'être,

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