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M. du Ha

effet, c'eft-là la feule fois que mel ait forcé fon caractère jufqu'à prendre le perfonnage d'agreffeur; & il eft bon qu'il l'ait pris une fois pour laiffer un modèle de la modération & de l'honnêteté avec laquelle ces fortes de conteftations devroient être conduites.

Sa grande réputation fur la Latinité fut caufe encore quen la même année 1668, M. Colbert de Croiffy, Plénipotentiaire pour la Paix d'Aix-la-Chapelle, l'y meną avec lui. Il pouvoit l'employer fouvent pour tout ce qui fe devoit traiter en Latin avec les Miniftres Etrangers; & quoiqué la pureté de cette Langue puiffe paroître une circonftance peu importante par rap port à une négociation de Paix, les Poli tiques favent affez qu'il ne faut rien négliger de ce qui peut donner du relief à une Nation aux yeux de fes Voifins ou de fes Ennemis.

Après la Paix d'Aix-la-Chapelle, M. de Croiffy alla Ambaffadeur en Angleterre, & M. du Hamel l'y accompagna. Il fit ce voyage en Philofophe; fa principale curiofité fut de voir les Savans, fur-tout l'illuftre M. Boyle, qui lui ouvrit tous fes tréfors de Phylique expérimentale. De-là il paffa en Hollande avec le même efprit, & il rapporta de ces deux voyages des

richeffes dont il a enfuite orné fes Livres. Revenu en France, & occupant fa place de Secrétaire de l'Académie, il publia fon Traité De corporum affectionibus en 1670. Là il pouffe la Phyfique jufqu'à la Médedecine, dont il ne fe contente pas d'ef fleurer les principes. Deux ans après, il donna fon Traité De mente humana. C'est une Logique Métaphyfique, ou une Théorie de l'entendement humain & des idées, avec l'art de conduire fa raifon. Quoique les Expériences Phyfiques paroiffent étran→ gères à ce fujet, elles y entrent cependant en affez grande quantité; elles fourniffent tous les exemples dont l'Auteur a befoin; il en étoit fi plein, qu'elles femblent lui échapper à chaque moment.

Un an après, c'est-à-dire en 1673, parut fon Livre De corpore animato. On peut juger par le titre fi la Phyfique expérimentale y eft employée. Sur-tout l'Anatomie y règne. M. du Hamel en avoit acquis une grande connoiffance, & par des conférences de l'Académie, & par un commerce particulier avec Meffieurs Stenon & du Verney. Quand M. du Verney commença à s'établir à Paris, & qu'il y établit en même temps un nouveau goût pour l'Anatomie, M. du Hamel fut un des premiers qui fe faifit de lui & des découvertes qu'il

apportoit. Un tel Difciple excita encore le jeune Anatomifte à de plus grands progrès, & y contribua.

Dans ce Livre De corpore animate, il fait entendre qu'on lui reprochoit de ne point décider les Queftions, & d'être trop indéterminé entre les différens partis. Il promet de fe corriger, & il faut avouer cependant qu'il ne paroît pas trop avoir tenu parole; mais enfin il eft rare qu'un Philofophe foit accufé de n'être pas affez décifif.

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Au même endroit, il fe fait à lui-même un autre reproche, dont il eft beaucoup plus touché; c'eft d'être Eccléfiaftique & de donner tout fon temps à la Philofophie profane. Il eft aifé de voir quelle foule de raifons le juftifioient; mais l'extrême délicateffe de fa confcience ne s'en contentoit pas. Il protefte qu'il veut retourner à un Ouvrage de Théologie, dont le projet avoit été formé dès le temps qu'il publia fes premiers Livres, & dont Eexécution avoit toujours été interrompue.

Cependant il y furvint encore une nouvelle interruption. Un ordre fupérieur, & glorieux pour lui, l'engagea à compofer un Cours entier de Philofophie felon la forme ufitée dans les Colléges. Cet Ouvrage parut en 1678 fous le titre de Phi

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lofophia vetus & nova, ad ufum Scholæ ac commodata, in Regiá Burgundiâ pertractata; affemblage auffi judicieux & auffi heureux qu'il puiffe être des idées anciennes & des nouvelles, de la Philofophie des mots & de celle des chofes, de l'Ecole & de l'Académie. Pour en parler encore plus jufte, l'Ecole y eft ménagée, mais l'Académie y domine. M. du Hamel y a répandu tout ce qu'il avoit puifé dans les Conférences Académiques, expériences, découvertes, raisonnemens, conjectures. Le fuccès de l'Ouvrage a été grand; les nouveaux Syftêmes déguifés en quelque forte, ou alliés avec les anciens, fe font introduits plus facilement chez leurs Ennemis, & peut-être le vrai y a-t-il eu moins d'oppofitions à effuyer, parce qu'il a eu le fecours de quelques erreurs.

Plufieurs années après la publication de ce Livre, des Miffionnaires qui l'avoient porté aux Indes Orientales, écrivirent qu'ils y enfeignoient cette Philofophie avec beaucoup de fuccès, principalement la Phyfique, qui eft des quatre parties du Cours entier celle où l'Académie & les Modernes ont le plus de part. Des Peuples peu éclairés, & conduits par le feul goût naturel, n'ont pas beaucoup héfité entre deux efpèces de Philofophie,

dont l'une nous a fi long-temps occupés. Il-femble que M. du Hamel ait été deftiné à être le Philofophe de l'Orient. Le P. Bouvet, Jéfuite, & fameux Miffionnaire de la Chine, a écrit que quand fes Confrères & lui voulurent faire en Langue Tartare une Philofophie pour l'Empereur de ce grand Etat, & le difpofer par-là aux vérités de l'Evangile, une des principales fources où ils puisèrent fut la Philofophie ancienne & moderne de M. du Hamel. L'entrée qu'elle pouvoit procurer à la Religion dans ces Climats éloignés, a dû le confoler de l'application qu'il y avoit donnée.

A la fin il s'acquitta encore plus précifément du devoir dont il fe croyoit chargé En 1691, il imprima un Corps de Theologie en fept Tomes, fous ce titre : Theologia Speculatrix & Practica,juxta SS. Patrum dogmata pertractata, & ad ufum Scholæ accommodata. La Théologie a été long-temps remplie de fubtilités, fort ingénieufes à la vérité, utiles même jusqu'à un certain point, mais affez fouvent exceffives; & l'on négligeoit alors la connoiffance des Pères, des Conciles de l'Hiftoire de l'Eglife, enfin tout ce qu'on appelle aujourd'hui Théologie Pofitive. On alloit auffi loin que l'on pouvoit aller par

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