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mença par les foins de M. l'Abbé Bignon à fortir d'une espèce de langueur où elle étoit tombée, ce fut M. l'Abbé Gallois qui mit en ordre les Mémoires qui parurent de cette Académie en 1692 &93; & qui eut le foin d'en épurer le ftyle. Mais da grande variété de fes études interrom pit quelquefois ce travail qui avoit des temps prefcrits, & le fit enfin ceffer. L'A cadémie ayant pris une nouvelle forme en 1699, il y remplit une place de Géomètre, & entreprit de travailler fur la Géométrie des Anciens, & principalement fur le Recueil de Pappus, dont il vouloit imprimer le Texte Grec qui ne l'a jamais été, & corriger la Traduction Latine fort défectueufe. Rien n'étoit plus convenable à fes inclinations & à fes talens, qu'un projet qui demandoit de l'amour pour l'Antiquité, une profonde intelligence du Grec, la connoiffance des Mathématiques; & il eft fâcheux pour les Lettres que ce n'ait été qu'un projet. Une des plus agréables Hiftoires, & fans doute la plus philofophique, eft celle des progrès de l'efprit humain.

Le même goût de l'Antiquité qui avoit porté M. l'Abbé Gallois à cette entrepri fe, ce goût fi difficile à contenir dans de juftes bornes, le rendit peu favorable à la

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Géométrie de l'Infini, embraffée par tours les Modernes. On ne peut même diffimuler, puifque nos Hiftoires l'ont dit, qu'il L'attaqua ouvertement. En général, il n'étoit pas ami du Nouveau; & de plus, il s'élevoit par une efpèce d'Oftracifme contre tout ce qui étoit trop éclatant dans un état libre, tel que celui des Lettres. La Géométrie de l'Infini avoit ces deux dé fauts, fur tout le dernier : car au fond elle n'eft pas tout-à-fait fi nouvelle; & les Partifans zélés de l'Antiquité, s'il en eft encore à cet égard, trouveroient bien mieux leur compte à foutenir que les anciens Géomètres en ont connu & mis en œuvre les premiers fondemens, qu'à la combattre, parce qu'elle leur étoit inconnue.

Comme toutes les objections faites contre les Infiniment Petits avoient été fuivies d'une folution démonftrative, M. l'Abbé Gallois commençoit à en propofer fous la forme d'éclairciffemens qu'il demandoit, & peut-être les différentes reffources que T'efprit peut fournir n'auroient - elles pas été fi-tôt épuisées; mais d'une fanté parfaite & vigoureufe dont il jouiffoit, il tomba tout d'un coup au commencement de cette année dans une maladie, dont il mourut le 19 Avril.

Il étoit d'un tempérament vif, agiffant

& fort gai; l'efprit courageux, prompt à imaginer ce qui lui étoit néceffaire, fertile en expédiens, capable d'aller loin par des engagemens d'honneur. Il n'avoit d'autre occupation que les Livres, ni d'autre divertiffement que d'en acheter. Il avoit mis ensemble plus de 12000 Volumes, & en augmentoit encore le nombre tous les jours. Si une auffi nombreuse Bibliothèque peut être néceffaire, elle l'étoit à un homme d'une auffi vafte Littérature, & dont la curiofité fe portoit à mille objets différens, & vouloit fe contenter fur-le-champ. Ses mœurs, & fur-tout fon défintéressement, ont paru dans toute fa conduite auprès de M. Colbert. La charité chrétienne donnoit à fon défintéreffement naturel la dernière perfection; il ne s'étoit réservé fur l'Abbaye de Saint-Martin de Cores qu'il avoit poffédée, qu'une penfion de 600 livres, & il les laiffoit à fon Succeffeur pour être diftribuées aux Pau vres du Pays.

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ÉLOGE

DE MONSIEUR

DODAR T.

DENIS DODART, Confeiller- Médecin du Roi, de S. A. S. Madame la Princeffe de Conti la Douairière, & de S. A. S. Monseigneur le Prince de Conti, Docteur-Régent en la Faculté de Médecine de Paris, naquit en 1634 de Jean Dodart, Bourgeois de Paris, & de Marie du Bois, fille d'un Avocat. Jean Dodart, quoique fans Lettres, avoit beaucoup d'ef prit, &, ce qui eft préférable, un bon efprit. Il s'étoit fait même un Cabinet de Livres, & favoit affez pour un homme qui ne pouvoit guère favoir. Marie du Bois. étoit une femme aimable par un caractère fort doux, & par un cœur fort élevé audeffus de fa fortune. Nous ne faisons ici ce petit portrait du père & de la mère,. qu'à caufe du rapport qu'il peut avoir à celui du fils. Il eft jufte de leur tenir compte de la part qu'ils ont eue à fon mérite naturel, & d'en faire honneur à leur mémoire,

Ils ne fe contentèrent pas de faire apprendre à leur fils le Lazin & le Grec, ils y joignirent le Deffin, la Mufique, les Inftrumens, qui n'entrent , qui n'entrent que dans les éducations les plus fomptueufes, & qu'on ne regarde que trop comme des fuperfluités agréables. Il réuffit à tout de manière à donner les plus grandes efpérances; & il eut achevé les études de fi bonne heure, qu'il eut le temps de s'appliquer également au Droit & à la Médecine, pour se déterminer mieux fur la profeffion qu'il embrafferoit. Il eft peut-être le feul qui ait voulu choifir avec tant de connoiffance de caufe; il eft vrai qu'il fatisfaifoit auffi fon ́extrême avidité de savoir.

Il prit enfin parti pour la Médecine; fon inclination naturelle l'y portoit : mais ce qui le détermina le plus puiffamment c'eft qu'il n'y vit aucun danger pour la juftice, & une infinité d'occafions pour la charité; car il étoit touché dès-lors de ces mêmes fentimens de Religion, dans lefquels il a fini fa vie.

On imagine aifément avec quelle ardeur & quelle perfévérance s'attache à une étude un homme d'efprit, dont elle eft le plus grand plaifir; & un homme de bien, dont elle eft devenue le devoir effentiel. I fe diftingua fort fur les banés

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