Hipparque & Prolomée eux-mêmes au roient encore pu apprendre. La Théorie & la Pratique, toujours fi différentes, le font peut-être plus en fait d'Aftronomie qu'en toute autre matière & le plus habile Aftronome qui ne le seroit que par les Livres, feroit tout étonné quand il viendroit à manier la lunette qu'il ne verroit presque rien. Les Obfervations font une manoeuvre très - fine & très délicate. M. de Chazelles étudia cet Art à fond, & en même temps il embrassa toute cette vafte Science dont il eft le fondement. Il travailla fous M. Caffini à la grande Carte Géographique en forme de planifphère, qui eft fur le pavé de la Tour Occidentale de l'Obfervatoire, & qui a 27 pieds de diamètre. Elle avoit été dreffée fur les Obfervations que l'Académie avoit déja faites par ordre du Roi en différens endroits de la terre ; & ce qui en est le plus remarquable, c'eft qu'elle fut en quelque forte prophétique. Elle contenoit fur de certaines conjectures de M. Caffini des corrections anticipées & fort importantes, qui ont été juftifiées depuis par des Obfer vations inconteftables. En 1683, l'Académie continua vers le Septentrion & vers le Midi le grand Ouvrage de la Méridienne, commencé en 1670; 1670; & M. Caffini, à qui le côté du Midi étoit tombé en partage, affocia à ce travail M. de Chazelles. Ils poufsèrent cette ligne jufqu'à la campagne de Bourges. Après avoir pris des leçons de M. Caffini à l'Obfervatoire pendant cinq ans, M. de Chazelles devoit être devenu un excellent Maître. Feu M. le Duc de Mortemart le prit pour lui enfeigner les Mathématiques, & le mena avec lui à la campagne de Gènes en 1684. Il lui fit avoir l'année fuivante une nouvelle place' de Profeffeur d'Hydrographie pour les Galères à Marfeille; car il y en avoit depuis longtemps une ancienne remplie par un Père Jéfuite, à qui il falloit donner du fecours, parce que la Marine de France s'étoit confidérablement fortifiée. Ces Ecoles font des efpèces de petits Etats affez difficiles à gouverner. Tous les Sujets qui les compofent font dans la force de leur jeuneffe, impétueux, indociles, amoureux de l'indépendance avec fureur, ennemis prefque irréconciliables de toute application; & ce qui eft encore pis, ils font tous gens de Guerre, & leur Maître n'a fur eux aucune autorité militaire. Cependant on rend ce témoignage à M. de Chazelles, qu'il fut toujours ref Tome Ier. X pecté, & même aimé de fes redoutables Sujets. Il avoit cette douceur ferme & courageufe qui fait gagner les cœurs avec dignité. Le fuccès qu'il avoit eu l'encouragea à fe charger encore. d'une nouvelle Ecole de jeunes Pilotes deftinés à fervir fur les Galères. Elle a fourni & fournit encore tous les jours un grand nombre de bons Navigateurs. Pendant l'été de 86 les Galères firent quatre petites campagnes, ou plutôt quatre promenades, où elles ne fe propofoient que de faire de l'exercice. M. de Chazelles s'embarqua toutes les quatre fois, & alla tenir fes Ecoles fur la Mer. Il montroit aux Officiers la pratique de ce qu'il leur avoit enfeigné. Il fit auffi plufieurs Obfervations géométriques & aftronomiques, par le moyen defquelles il donna enfuite une nouvelle Carte de la Côte de Provence. Nous paffons fous filence deux campagnes, quoique plus longues & plus confidérables, qu'il fit en 87 & 88. Elles produifitent toutes deux un grand nombre de Plans qu'il leva, foit des Ports & des Rades où il aborda, foit des Places qu'il put voir. On fait affez que ces Plans ne font pas de fimples curiofités; & qu'étant dépofés entre les mains des Miniftres la Etat, ils deviennent en certain temps matière des plus importantes délibérations, & les règlent d'autant plus sûrement, qu'ils ont été faits de meilleure main. Il y a long-temps que l'Expérience, maîtreffe fouveraine de tous les Arts, a fait entre les deux efpèces des grands bâtimens de Mer, un partage où tous les Peuples de l'Europe ont foufcrit. Elle a donné l'Océan aux Vaiffeaux, & la Méditerranée aux Galères. Elles ont trop peu de bord pour foutenir des vagues aufli hautes que celles de l'Océan. Mais aufli les Vaiffeaux ont ce défaut effentiel, qu'ils ne peuvent rien fans le vent; ce font de grands corps abfolument dépendans de cette ame étrangère, inconftante, & qui les abandonne quelquefois entièrement. Âu commencement de la dernière guerre, quelques Officiers de Marine, & M. de Chazelles avec eux, imaginèrent qu'on pourroit avoir des Galères fur l'Océan qu'elles y ferviroient à remorquer les Vaiffeaux, quand le vent leur feroit contraire, ou leur manqueroit; qu'enfin elles les rendroient indépendans du vent, & par conféquent beaucoup plus agiffans que ceux des Ennemis. Elles devoient auffi affurer & garantir les Côtes du Ponant. Ces fortes d'idées hardies, pourvu qu'elles le foient dans certaines bornes, partent d'un courage d'efprit rare, même parmi ceux qui ont le courage du cœur. Sans cette audace, un faux impoffible s'étendroit prefque à tout. Comme M. de Chazelles avoit beaucoup de part à la propofition, il fut envoyé en Ponant au mois de Juillet 1689, pour vifiter les Côtes par rapport à la navigation des Galères. Enfin en 90, quinze Galères nouvellement conftruites pattirent de Rochefort prefque entièrement fur fa parole, & donnèrent un nouveau fpectacle à l'Océan. Elles allèrent jufqu'à Torbay en Angleterre, & fervirent à la defcente de Tingmouth. M. de Chazelles y fit les fonctions d'Ingénieur, fort différentes de celles de Profeffeur d'Hydrographie. Quoiqu'il ne fe fût point destiné à la guerre, & qu'il ne foit guère naturel qu'un Soldat ait été élevé à l'Obfervatoire, il marqua en cette occafion & en plufieurs autres pareilles, toute l'intrépidité demande le métier des armes. Les Officiers généraux fous qui il a fervi, atteftent que quand ils l'avoient envoyé vifiter quelque pofte ennemi, ils pouvoient compter parfaitement fur fon rapport. II neft que trop établi que ceux qui font chargés de ces fortes de commiffions, n'y que |