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les cinq ou fix dernières années de fa vie. Son eftomac faifoit fort mal fes fonctions; & l'on a vu par la nature de fon mal, que les acides très - corrofifs qui dominoient dans fa conftitution, la ruinoient abfolument. Iæcapable prefque de toute étude, & encore plus de tout emploi utile, il trouva une retraite chez M. Chauvin, Confeiller au Parlement, à qui j'ai refufé de fupprimer ici fon nom, malgré les inftances férieufes qu'il m'en a faites. La feule incommodité qu'il recevoit de fon Hôte, étoit la difficulté de lui faire ac cepter les fecours néceffaires, & l'art qu'il y falloit employer. Après une affez longue alternative de rechûtes & d'intervalles d'une très- foible fanté, enfin il tomba dans un état où il fut le premier à prononcer fon arrêt. Il dit à un Prêtre, qui, felon la pratique ordinaire, cherchoit des tours pour le préparer à la mort : Qu'il y avoit long-temps que la Philofophie & la Religion lui avoient appris à mourir. Il eut toute la fermeté que toutes deux enfemble peuvent donner, & qu'il eft encore étonnant qu'elles donnent toutes deux enfemble. Il comptoit tranquillement combien il lui reftoit encore de jours à vivre, & enfin au dernier jour, combien d'heures; car cette raifon qu'il avoit tant cultivée fut

refpectée par la maladie. Deux heures avant fa mort, il fit brûler en fa présence beaucoup de Lettres de femmes qu'il avoit.

On comprend affez fur quoi ces Lettres rouloient, & que fa difcrétion étoit fort différente de celle qu'ont eue en pareil cas quantité de gens d'une autre efpèce que lui. Il mourut le 11 Avril 1711.

Je n'ajouterai que quelques traits à tout ce qui a été dit fur fon caractère. Il ne demandoit jamais deux fois ce qui lui étoit dû pour les peines qu'il avoit prifes. On étoit libre d'en ufer mal avec lui, & pardeffus cela on étoit encore sûr du fecret. Il aimoit l'Académie des Sciences comme une feconde patrie, & il auroit fait pour elle des actions de Romain. Il eft vrai que je n'en ai point d'autres preuves que des. difcours qu'il m'a tenus en certaines occafions; mais ces difcours étoient d'une exacte vérité, & prouvoient autant que les actions d'un autre. Je fais encore que dans une des attaques dont il penfa mourir, il cherchoit des expédiens pour fe dérober à cet Eloge hiftorique que je dois à tous les Académiciens que nous perdons. Il falloit que fa modeftie fût bien délicate pour craindre un Eloge aufli fincère, aufli fimple, & où l'art de l'éloquence eft auffi peu employé.

Il a laiffé à l'Académie plufieurs Traités qu'il avoit faits fur différentes matières de Phyfique ou de Mathématique, & par ce moyen elle fe trouve fa Légataire univerfelle.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

BOURDELIN. CLAUDE BOURDELIN naquit le 20 Juin 1667 de Claude Bourdelin, Chymifte Penfionnaire de l'Académie, dont nous avons fait l'Eloge dans l'Hiftoire de 1699 (p. 122.). Il fut élevé avec beaucoup de foin dans la maifon de fon père. Feu M. du Hamel, Secrétaire de cette Académie, lui choifit tous fes Maîtres & préfida à fon éducation. A 16 ou 17 ans il avoit traduit tout Pindare & tout Lycophron, les plus difficiles des Poëtes Grecs; & d'un autre côté il entendoit fans fecours le grand Ouvrage de M. de la Hire fur les Sections Coniques, plus difficile par fa matière que Lycophron, & Pindare par le ftyle. Il y a loin des Poëtes Grecs aux Sections Coniques.

La diverfité de fes connoiffances le mettoit en état de choisir entre différentes occupations; mais fon inclination naturelle le détermina à la Médecine, pour laquelle il avoit déja de grands fecours domeftiques. Il étoit né au milieu de toute la matière médicale, dans le fein de la Botanique & de la Chymie. Il fe donna donc avec ardeur aux études néceffaires, & fut reçu Docteur en Médecine de la Faculté de Paris en 1692.

Il aimoit dans cette profeffion, & les connoiffances qu'elle demande, pour lefquelles il avoit une difpofition très-heureufe, & encore plus fans comparaison, l'utilité dont elle peut être aux hommes. Cette utilité, qui devroit toujours être l'objet principal du Médecin, étoit de plus l'unique objet de M. Bourdelin. Il est vrai qu'il étoit né avec un bien fort honnête & qu'il pouvoit vivre commodément, quoique tout le monde fût en parfaite fanté: mais fon défintéreffement ne venoit pas de fa fortune; il venoit de fon caractère, car il n'eft pas rare qu'un homme riche veuille s'enrichir. Les malades de M. Bourdelin lui étoient affez inutiles. fi ce n'eft qu'ils lui procuroient le plaifir de les affifter. Il voyoit autant de Pauvres qu'il pouvoit, & les voyoit par préférence:

payoit leurs remèdes, & même leur fourniffoit fouvent les autres fecours dont ils avoient befoin : & quant aux gens riches, il évitoit avec art de recevoir d'eux. ce qu'il lui étoit dû; il fouffroit visible-> ment en le recevant, & fans doute la plupart épargnoient volontiers fa pudeur, ou S'accommodoient à fa générofité..

Dès que la paix de Riswick fut faite, il en profita pour aller en Angleterre voir les Savans de ce Pays-là. La récompenfe de fon voyage fut une place dans la Société Royale de Londres. Il ne l'avoit point follicitée, & on crut qu'elle lui en étoit d'autant mieux due.

Il n'eut pas le malheur d'être traité moins favorablement dans fa Patrie, L'Académie des Sciences, à qui il appartenoit par plufieurs titres, le prit pour un de fes Affociés Anatomiftes au renouvellement qui fe fit en 1699. Il avoit en partage, non pas tant l'Anatomie elle-même, que fon Hiftoire, ou l'érudition anatomique qu'il poffédoit fort. On a vu par l'Hif toire de 1700(p. 29 & fuiv.), que dans une question affez épineufe qui partageoit les Anatomistes de la Compagnie, & où il entroit quelques points de fait, & des difficultés fur le choix des opérations né◄ ceffaires, on eut recours à M. Bourdelin, Tome Ier. Bb

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