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Cependant M. Lemery fit encore deux cours de Chymie, mais fous de puissantes protections l'un pour les deux plus jeunes frères de M. le Marquis de Seignelay, Secrétaire d'Etat, l'autre pour Milord Sa lisbury, qui n'avoit pas cru pouvoir trouver en Angleterre la même inftruction.

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Au milieu des traverfes & des malheurs qu'effuyoit M. Lemery, il vint enfin à craindre un plus grand mal, celui de fouffrir pour une mauvaife caufe, & en pure perte. Il s'appliqua davantage aux preuves de la Religion Catholique; & bientôt après, il fe réunit à l'Eglife avec toute fa famille au commencement de 1686.

Il reprit de plein droit l'exercice de la Médecine; mais pour les cours de Chymie & la vente de fes remèdes ou prépa→ rations, il eut befoin de Lettres du Roi, parce qu'il n'étoit plus Apothicaire. Il les obtint avec facilité: mais quand il fut queftion de les enregistrer au Parlement, M. de la Reynie, Lieutenant-Général de Police, la Faculté de Médecine & les Maîtres & Gardes Apothicaires s'y opposèrent, moins apparemment par un deffein fincère de le traverfer, que pour rendre de pareils établissemens rares & difficiles; car les Apothicaires les plus intéreffés de tous à l'oppofition, s'en défiftèrent prefque

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auffi-tôt, & cédèrent de bonne grace & au mérite perfonnel de M. Lemery, & à celui qu'il s'étoit fait par fa converfion. Les jours tranquilles revinrent, & avec eux les Ecoliers, les Malades, le grand débit des préparations chymiques, tout cela redoublé par l'interruption.

Les anciens Médecins, à commencer par Hypocrate, étoient Médecins, Apothicaires & Chirurgiens mais dans la fuite le Médecin a été partagé en trois, non qu'un Ancien vaille trois Modernes, mais parce que les trois fonctions & les connoiffances qui y font néceffaires fe font trop augmentées. Cependant M. Lemery les réuniffoit toutes trois, car il étoit auffi Chirurgien ; & dans fa jeuneffe il s'étoit attaché à faire des opérations de Chirurgie, qui lui avoient fort bien réuffi, furtout la faignée. Du moins, par fon grand favoir en Pharmacie, & par la pratique actuelle de cet Art, il étoit le double d'un Médecin ordinaire. Il le prouva par deux gros Ouvrages qui parurent en 1697, intitulés, l'un Pharmacopée univerfelle; Pautre Traité univerfel des Drogues fimples, pour lefquels il avoit demandé un Privilège de quinze ans, que M. le Chancelier jugea trop court, & qu'il étendit à vingt.

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La Pharmacopée univerfelle eft un recueil de toutes les compofitions de remèdes décrits dans tous les Livres de Pharmacie de toutes les Nations de l'Europe; de forte que ces différentes Nations, qui, foit par la différence des climats & des tempéramens, foit d'anciennes modes, ufent de différens remèdes, peuvent trouver dans ce Livre, comme dans une grande Apothicairerie, ceux qui leur conviendront. On y trouve même ces fecrets qu'on accuse tant les Médecins de ne pas vouloir connoître, & qu'on admire d'autant plus qu'ils font diftribués par des mains plus ignorantes. Mais ce Recueil eft purgé de toutes les fauffes compofitions rapportées par des Auteurs peu intelligens dans la matière même qu'ils traitoient

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& trop fidèles Copiftes d'Auteurs précédens. Sur tous les médicamens que M. Lemery conserve & dont le nombre est prodigieux, il fait des remarques qui en apprennent les vertus, qui rendent raison de la préparation, & qui le plus fouvent la facilitent, ou en retranchent les ingrédiens inutiles. Par exemple, de la fameufe Thériaque d'Andromachus, compofée de 64 drogues, il en ôte 12; & c'eft peuttrop peu mais les chofes fort établies ne peuvent être attaquées que par degrés.

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Le Traité univerfel des Drogues fimples eft la bafe de la Pharmacopće univerfelle. C'est un Recueil alphabétique de toutes les matières minérales, végétales, animales, qui entrent dans les remèdes reçus; & comme il y en a peu qui n'y entrent ce Recueil eft une bonne partie de l'Hiftoire Naturelle. On y trouve la defcription des drogues, leurs vertus, le choix qu'il en faut faire, leur Hiftoire, du moins à l'égard des drogues étrangères, ce qu'on fait de leur Hiftoire jufqu'à préfent; car il y en a plufieurs qui, pour être fort ufitées, n'en font pas mieux connues. L'opinion commune que le véritable opium foit une larme, eft faufse: on ne fait que depuis peu, que le café n'eft pas une fève.

L'amas immenfe des remèdes ou fime ples ou compofés contenus dans la Phar macopée, ou dans le Traité des Drogues, fembleroit promettre l'immortalité, ou du moins une sûre guérifon de chaque maladie. Mais il en eft comme de la Société, où l'on reçoit quantité d'offres de fervices, & peu de fervices. Dans cette foule de remèdes, nous avons peu de vétitables amis. M. Lemery, qui les connoiffoit tant, ne fe fioit qu'à un petit nombre. Il n'employoit même qu'avec grande circonfpection les remèdes chymiques,

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quoiqu'il pût affez naturellement être prévenu en leur faveur, & enhardi même prévention qui eft dans la plupart des efprits. Il ne donnoit prefque toutes les analyfes qu'à la curiofité des Phyficiens, & croyoit que par rapport à la Médecine, la Chymie, à force de réduire les mixtes à leurs principes, les réduifoit fouvent à rien; qu'un jour viendroit qu'elle prendroit une route contraire, & de décompofante qu'elle étoit deviendroit compofante, c'eft-à-dire formeroit de nouveaux remèdes, & meilleurs par le mélange de différens mixtes. Les gens les plus habiles dans un art, ne font pas ceux qui le vantent le plus; ils lui font fupérieurs.

Quand l'Académie fe renouvella en 1699, la feule réputation de M. Lemery y follicita, & y obtint pour lui une place d'Affocié Chymiste, qui, à la fin de la même année, en devint une de Penfionnaire par la mort de M. Bourdelin. Il commença alors à travailler à un grand Ouvrage qu'il a lu par morceaux à l'Académie, jufqu'à ce qu'enfin il l'ait imprimé en 1707. C'est le Traité de l'Antimoine. Là, ce minéral fi utile eft tourné de tous les fens par les diffolutions, les fublimations, les diftillations, les calcinations; il prend toutes les formes que l'art lui peut

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