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plaire à la fin de chaque année. Quelquefois quand il trouvoit des Auditeurs attentifs & intelligens, il fe laiffoit emporter au plaifir de les inftruire; & leur auroit donné toute la journée fans s'en appercevoir, fi un domestique accoutumé à corriger fes diftractions ne l'eût averti qu'il avoit affaire ailleurs.

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Il entra dans l'Académie en 1699, déja rempli d'un grand deffein qu'il méditoit d'une fcience prefque toute nouvelle qu'il vouloit mettre au jou, de fon Acoustique, qui doit être, pour ainfi dire, en regard avec l'Optique. C'est un bonheur préfentement affez rare que de découvrir des Pays inconnus; mais c'est un grand travail que de les défricher. Il n'avoit ni voix ni oreille, & ne fongeoit plus qu'à la Mufique. Il étoit réduit à emprunter la voix ou l'oreille d'autrui, & il en rendoit en échange des démonstrations inconnues aux Muficiens. Il confulta fouvent & inutilement fur toutes les parties de fon Syftême, Monfeigneur le Duc d'Orléans, qui avoit appris les Mathématiques de fui, & qui fait parfaitement la Mufique, parce que c'eft un des beaux Arts. Le Dif ciple s'acquitta, du moins en partie, avec fon Maître. Une nouvelle langue de Mufique plus commode & plus étendue, un

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nouveau Systême des fons, un monocorde fingulier, un échomètre, le fon fixe, les nœuds des ondulations, ont été les fruits des recherches de M. Sauveur. Il les avoit pouffées jufqu'à la Mufique des anciens Grecs & Romains, des Arabes, des Turcs & des Perfans, tant il étoit jaloux que rien ne lui échappât de cette fcience de fons, dont il s'étoit fait un empire particulier. Nous avons trop parlé de ses découvertes dans nos Hiftoires, pour en rien répéter ici. Jamais la mort d'un Savant ne fait tant de tort aux Sciences que quand elle interrompt des entreprises de longue fuite. Un grand nombre de vues, & un certain fil d'idées précieux, & quelquefois unique, périffent avec le premier Inventeur.

M. de Vauban, qui étoit chargé du foin d'examiner les Ingénieurs fur un art qu'on n'avoit appris que de lui, ayant été fait Maréchal de France en 1703, propofa au Roi M. Sauveur pour cet examen, qui ne convenoit plus à fa dignité. On fait de quel poids étoit fon témoignage, nonfeulement par fes lumières, mais par fon zèle pour le bien du fervice. M. Sauveur fut agréé par le Roi, & honoré d'une penfion. Il retranchoit de fa fonction d'examinateur tout le formidable inutile, ou

même nuifible que d'autres y auroient pu mettre, & n'y confervoit qu'une attention douce, mais fine & pénétrante. Quelquefois les Ingénieurs fortoient d'une fimple converfation, examinés fans avoir cru Ï'être.

Quoique M. Sauveur eût toujours joui d'une bonne fanté, & parût être d'un tempérament robufte, il fut emporté en deux jours par une fluxion de poitrine; il mourut le 6 Juillet 1716 en fa 64° année.

Il a éte marié deux fois. A la première il prit une précaution affez nouvelle; il ne voulut point voir celle qu'il devoit époufer, jufqu'à ce qu'il eût été chez un Notaire faire rédiger par écrit les conditions qu'il demandoit; il craignit de n'en être pas affez le maître après avoir vu. La feconde fois il étoit plus aguerri. Il a eu du premier lit deux fils Ingénieurs ordinaires du Roi, & Officiers dans les Troupes; & du fecond un fils & une fille. Le fils a été muet jufqu'à fept ans précifément comme fon père, & ne fait que commencer à parler. M. Sauveur n'avoit point de préfomption. Je lui ai ouï-dire que ce qu'un homme peut en Mathématique, un autre le pouvoit auffi. La propofition n'eft peut-être pas vraie, mais elle eft modefte dans la bouche d'un grand

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Mathématicien, car un médiocre auroit voulu tout égaler. Il avoit beaucoup de peine à fe contenter fur fes Ouvrages, & il falloit qu'il les éloignât de fes yeux, & fe les arrachât lui-même pour ceffer d'y retoucher. Il étoit officieux, doux, & fans humeur, même dans l'intérieur de fon domeftique. Quoiqu'il eût été fort répandu dans le monde, fa fimplicité & fon ingénuité naturelles n'en avoient point été altérées, & le caractère mathématique avoit toujours prévalu.

ÉLOGE

'DE M. PARENT. ANTOINE PARENT naquit à Paris

le 16 Septembre 1666. Ses aïeux étoient de Chartres; fon père étoit né à Paris, fils d'un Avocat au Confeil.

Il n'avoit pas encore trois ans, quand Antoine Mallet, oncle de fa mère, Curé du Bourg de Leves auprès de Chartres, Je fit emporter pour l'élever chez lui. Ce Curé gouverna fa Paroiffe pendant 54 ans avec la réputation d'un faint Prêtre, d'un bon Théologien, & même d'un affez

il

habile Naturalifte. Il fut le feul Précepteur de fon petit neveu, ou plutôt fon père. Comme il ne lui put enfeigner que les premières règles de l'Arithmétique, & que l'enfant ne s'en contentoit pas, fallut lui donner quelques Livres qui allaffent plus loin; mais ce n'étoient que des règles fans démonftrations, & l'enfant ne s'en contentoit pas encore. Il tâcha de trouver des preuves par lui-même, vint à bout de quelques-unes, ne put réuffir à d'autres; & enfin à l'âge de 13 ans il avoit rempli d'une espèce de Commentaire toutes les marges d'un Livre d'Arithmétique, marque déja certaine d'un génie mathématique qui fe développoit, & dont les forces naiffantes demandoient à s'exercer.

Ce que fon oncle eut le plus de foin de lui apprendre, ce fut la Religion & la Piété, & fes leçons fructifièrent peut-être au-delà de fon efpérance. M. Parent a été toute fa vie dans une pratique du Christianisme non-feulement exacte, mais auftère.

A 14 ans il fut mis en pension chez un ami de fon oncle, qui régentoit la Rhétorique à Chartres. Il fe trouva dans fa chambre un Dodecaedre, fur chaque face duquel on avoit tracé un cadran, excepté

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