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fa mort une groffe fomme d'argent comptant qu'il avoit cachée. C'étoient deux années de fon revenu. Ce tréfor lui avoit caufé pendant fa vie de grandes inquiétudes qu'il avoit confiées à un ami; mais il fut encore plus funefte à la femme de fon feul héritier, fils de fa fœur, qui étoit Curé d'une Paroiffe près de Léipfic. Cette femme, en voyant tant d'argent enfeinble qui lui appartenoit, fut fi faifie de joie, qu'elle en mourut fubitement.

M. Eckard promet une vie plus complette de M. Leibnitz: c'eft aux Mémoires qu'il a eu la bonté de me fournir qu'on en doit déja cette ébauche. Il raffemblera en un Volume toutes les Pièces imprimées de ce grand Homme, éparfes en une infinité d'endroits, de quelque efpèce qu'elles foient. Ce fera-là, pour ainfi dire, une réfurrection d'un corps dont les membres étoient extrêmement difperfés ; & le tout prendra une nouvelle vie par cette réunion. De plus, M. Eckard donnera toutes ·les Euvres pofthumes qui font achevées, & des Leibnitiana, qui ne feront pas la partie du Recueil la moins curieufe. Enfin, il continuera l'Histoire de Brunswick, dont M. Leibnitz n'a fait que ce qui eft depuis le commencement du règne de Tome Ier.

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Charlemagne jufqu'à l'an 1005. C'eft prolonger la vie des grands Hommes que de pourfuivre dignement leurs entreprises.

ELOGE

DE M. OZANĀM. JACQUES OZANAM naquit en 1640

dans la Souveraineté de Dombes d'un père riche, & qui avoit plufieurs Terres. Sa famille étoit d'origine Juive; ce que marque affez le nom qui a tout-à-fait l'air · : Hébreu mais il y avoit long-temps que cette tache, peut-être moins réelle qu'on ne penfe, étoit effacée par la profeffion du Chriftianisme & de la Religion Catholique. Cette famille étoit illuftrée par plu fieurs Charges qu'elle avoit poffédées dans des Parlemens de Provinces.

M. Ozanam étoit cadet; & par la loi de fon Pays tous les biens devoient appartenir à l'aîné. Son père, qui étoit un homme vertueux, voulut réparer ce désavantage par une excellente éducation. Il le deftinoit à l'Eglife, pour lui faire tomber quelques petits Bénéfices qui dépen

doient

doient de la famille. Les mœurs du jeune homme étoient bien éloignées de s'oppofer à cette destination: elles fe portoient naturellement à tout ce qui feroit à defirer dans un Eccléfiaftique; & une mère trèspieufe les fortifioit encore, & par fon exemple & par fes foins, d'autant plus puiffans, qu'elle étoit tendrement aimée de ce fils. Cependant il ne fe tournoit pas volontiers du côté de l'Eglife: il avoit fort bien réuffi dans fes Humanités; mais il avoit pris beaucoup de dégoût pour la Philofophie fcholaftique. La Théologie reffembloit trop à cette Philofophie ; & enfin il avoit vu par malheur des Livres de Mathématiques, qui lui avoient appris à quoi il étoit destiné.

Il n'eut point de Maître, & on n'avoit garde de lui en donner: mais la Nature feule fait de bons Ecoliers. A 10 ou 12 ans il paffoit quelquefois de belles nuits dans le jardin de fon père, couché sur le dos, pour contempler la beauté d'un Ciel bien étoilé; fpectacle en effet auquel il est étonnant que la force même de l'habitude puiffe nous rendre fi peu fenfibles! L'admiration des mouvemens céleftes allumoit déja en lui le defir de les connoître, & il en démêloit par lui-même ce qui étoit à la portée de fa raifon naiffante.

comme ils

A l'âge de 15 ans il avoit compofé un Ouvrage de Mathématique qui n'a été que ma nufcrit, mais où il a trouvé dans la fuite des chofes dignes de paffer dans des Ouvrages imprimés. Il n'eut jamais de fecours de fon Profeffeur en Théologie, qui que étoit auffi Mathématicien; mais un fecours léger donné à regret, & toujours accompa gné d'exhortations à n'en guère profiter. Après quatre ans de Théologie faits peuvent l'être par obéiffance, fon père étant mort, il quitta la Cléricature, & par piété & par amour pour Mathématiques. Elles ne pouvoient pas lui rendre ce qu'il perdoit; mais enfin elles devenoient fa feule reffource, & il étoit jufte qu'elles le fuffent. Il alla à Lyon, où il fe mit à les enfeigner. L'éducation qu'il avoit eue lui donnoit beaucoup de répugnance à recevoir le prix de fes leçons ; il eût été aflez payé par le plaifir de faire des Mathématiciens, & de ne parler que de ce qu'il aimoit, & il rougiffoit de l'être d'une autre manière.

les

Il avoit encore une paffion : c'étoit le jeu. Il jouoit bien, & heureufement. L'efprit de combinaison peut y fervir beaucoup. Si la fortune du jeu pouvoit être durable, il eût été affez à propos qu'elle eût fuppléé au revenu léger des Mathématiques.

Il fit imprimer à Lyon en 1670 des Tables des Sinus tangentes & fecantes & des Logarithmes, plus correctes que celles de Ulacq, de Pitifcus, & de Henri Briggs. Comme ces Tables font d'un ufage fort fréquent, c'eft un grand repos d'en avoir de sûres.

que

Des Etrangers à qui il enfeignoit à Lyon, ayant parlé du chagrin où ils étoient de n'avoir point reçu des Lettres de change qu'il attendoient de chez eux pour aller à Paris, il leur demanda ce qu'il leur faudroit; & fur ce qu'ils répondirent so piftoles, il les leur prêta fur-le-champ, fans vouloir de billet. Ces Meffieurs, arrivés à Paris, en firent le récit à feu M. d'Agueffeau, père de M. le Chancelier. Touché d'une action fi noble en toutes fes circonftances, il les engagea à faire venir ici M. Ozanam, fur l'affurance qu'il leur donnoit de le faire connoître & de l'aider de tout fon pouvoir. Peu de gens auffi fenfibles au mérite font à portée de le favorifer, ou peu de gens à portée de le favorifer y font auffi fenfibles.

M. Ozanam fe détermina donc à quit ter Lyon. Sur la route, un inconnu lui dit que s'il pouvoit renoncer au jeu, il feroit fortune à Paris; qu'il y acquerroit beaucoup de réputation, qu'il s'y marieroit à

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