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ELOGE

DE MONSIEUR

VIVIAN I. VINCENZIO VIVIANI, Gentilhomme Florentin, naquit à Florence le 5 Avril 1622. A l'âge de feize ans, fon Maître de Logique, qui étoit un Religieux, lui dit qu'il n'y avoit point de meilleure Logique que la Géométrie ; & comme les Géomètres, qui encore aujourd'hui ne font pas fort communs, l'étoient beaucoup moins en ce temps-là, il n'y avoit alors dans la Tofcane qu'un feul Maître de Mathématique, qui étoit encore un Religieux, fous lequel M. Viviani commença à étudier.

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Le grand Galilée étoit alors fort âgé & il avoit perdu, felon fa propre expreffion, ces yeux qui avoient découvert un nouveau Ciel. Il n'avoit pas cependant abandonné l'étude; ni fon goût ni fes étonnans fuccès ne lui permettoient de l'abandonner. Il lui falloit auprès de lui quelques jeunes gens qui lui tinffent lieu de fes yeux, & qu'il eût le plaifir de for

mer. M. Viviani à peine avoit un an de Géométrie, qu'il fut digne que Galilée le prît chez lui , & en quelque manière l'adoptât; ce fut en 1639.

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Près de trois ans après, il prit aufi chez lui le fameux Evangelifta Torricelli, & mourut au bout de trois mois, âgé de foixante-dix-fept ans ; génie rare & dont on verra toujours le nom à la tête de plufieurs des plus importantes découvertes fur lesquelles foit fondée la Philofophie moderne.

M. Viviani fut donc trois ans avec Galilée, depuis dix-fept ans jufqu'à vingt. Heureufement né pour les Sciences, & plein de cette vigueur d'efprit que donne la première jeuneffe, il n'est pas étonnant qu'il ait extrêmement profité des leçons d'un fi excellent Maître; mais il l'eft beaucoup plus que, malgré l'extrême difproportion d'âge, il ait pris pour Galilée une tendreffe vive & une efpèce de paffion. Par-tout il fe nomme le difciple, & le dernier difciple du grand Galilée, car il a beaucoup furvécu à Torricelli fon Collègue jamais il ne met fon nom àun titre d'Ouvrage, fans l'accompagner de cette qualité; jamais il ne manque une occafion de parler de Galilée, & quelquefois même, ce qui fait encore

il en parle

mieux l'éloge de fon cœur, fans beaucoup de néceffité: jamais il ne nomme le nom de Galilée fans lui rendre un hommage; & l'on fent bien que ce n'est point pour s'affocier en quelque forte au mérite de ce grand Homme, & en faire rejaillir une partie fur lui; le style de la tendreffe eft bien aifé à reconnoître d'avec celui de la vanité.

Après la mort de Galilée, il paffa encore deux ou trois ans dans la Géométrie fans aucune interruption, & ce fut en ce temps-là qu'il forma le deffein de fa Divination fur Ariftée. Pour entendre ce que c'eft que cette Divination il faut un peu remonter à l'Hiftoire des anciens Géomètres.

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Pappus d'Alexandrie Mathématicien du temps de Théodofe, parle en quelques endroits d'un Ariftée qu'il appelle) Arcien, pour le diftinguer d'un autre Ariftée, Géomètre auffi bien que le premier, mais qui avoit vécu après lui. Aristée l'ancien avoit fait cinq Livres des Lieux folides, c'est-à-dire, felon l'explication de Pappus même, des trois Sections Coniques. Il n'a pu vivre plus tard qu'Euclide dont nous avons les élémens & par conféquent il a été environ trois

cents ans avant Jefus-Chrift. Ces cinq Livres font entièrement perdus.

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M. Viviani, fort verfé dans la Géométrie des Anciens, & regrettant la perte d'un grand nombre de leurs Ouvrages entreprit à l'âge de vingt-quatre ans de la réparer du moins en partie, en fe remettant, autant qu'il étoit poffible, fur leur pifte, & en tâchant de deviner ce qu'ils avoient dû nous dire. S'il est jamais permis aux Hommes de deviner c'eft en cette matière, où, fr l'on n'eft pas fûr de retrouver précisément ce qu'on cherche, on l'eft du moins de ne rien trouver de contraire, & de trouver toujours l'équivalent.

Lorfque M. Viviani travailloit à tirer de fon propre fonds les cinq Livres d'Ariftée fur les Lieux folides, ou Sections Coniques, un grand nombre de chofes différentes le traversèrent, foins & affaires domeftiques, maladies, ouvrages publics, où il fut employé par tes Princes de Médicis, de qui fon mérite étoit déja connu, & même récompenfé.

Il fut quinze ans entiers fans jouir de cette tranquillité fi néceffaire pour de grandes études. Cependant la Géométrie, qui n'a pas coutume de laiffer en

paix ceux dont elle a une fois pris poffeffion, le pourfuivit au milieu de tant de diftractions différentes; il lui donnoit tous les momens qu'il avoit pour refpirer, & il conçut alors le deffein d'un Ouvrage où il s'agiffoit de deviner en

core.

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Apollonius Pergæus ainfi nommé d'une ville de Pamphilie, & qui vivoit quelque deux cents cinquante ans avant Jefus-Chrift, avoit ramaffé fur les Sections Coniques tout ce qu'avoient fait avant lui Ariftée, Eudoxe de Cnide Menæchme, Euclide, Conon, Trafidée, Nicotèle. Ce fut lui qui donna le premier aux trois Sections Coniques les noms de Parabole, d'Hiperbole & d'Ellipfe, qui non-feulemennt les diftinguent, mais les caractérisent. Il avoit fait huit Livres, qui parvinrent entiers jufqu'au temps de Pappus d'Alexandrie. Pappus compofa une efpèce d'introduction à cet Ouvrage, & donna les Lemmes néceffaires pour l'entendre. Depuis, les quatre derniers Livres d'Apollonius ont péri.

Il paroît par l'Epître d'Apollonius à Eudemus, & par Eutocius Afcalonite Auteur plus jeune que Pappus, que dans le cinquième Livre des Coniques d'Apollonius, il étoit traité des plus grandes

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