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mença à craindre, & le Malade n'attendít pas un plus grand péril pour fonger à la mort. Il s'y difpofa d'une manière trèsédifiante, & enfin il tomba dans une apoplexie, dont il mourut le lendemain 2 Février, âgé de 43 ans.

Quelques-uns ont attribué fa mort aux excès qu'il avoit faits dans les Mathématiques; & ce qui pourroit le confirmer j'ai fu de lui-même que fouvent des matinées qu'il avoit deftinées à cette étude étoient devenues des journées entières fans qu'il s'en apperçût. Il avoit voulu y renoncer par le foin de fa fanté, mais il n'avoit jamais pu foutenir cette privation plus de quatre jours. De plus, il fera affez naturel de croire qu'il avoit dû faire de grands efforts d'efprit, quand on fongera à quel point il étoit parvenu à l'âge de 43 ans & combien de temps, dans une vie fi courte, avoit été perdu pour les Mathématiques. Il avoit fervi; il étoit d'une naiffance qui l'engageoit à un grand nombre de devoirs ; il avoit une famille, des foins domeftiques, un bien très-confidérable à conduire, & par conféquent beaucoup d'affaires ; il étoit dans le commerce du monde, & il y vivoit à-peu-près comme ceux dont cette occupation oifive eft la feule occupation; il n'étoit pas même

ennemi des plaisirs : voilà bien des distractions; & quelque rare talent qu'on lui fuppofe pour les Mathématiques, il eft impoffible qu'une prodigieufe application n'ait fuppléé au peu de temps. Cependant il n'a jamais paru que l'étude ait altéré fa fanté; il avoit l'air de la meilleure & de la plus ferme conftitution qu'on puiffe défirer. Il n'étoit nullement fombre ni rêveur; au contraire affez porté à la joie & il fembloit n'avoir payé par rien ce grand génie mathématique.

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On fentoit dans fes difcours les plus ordinaires la jufteffe, la folidité, en un mot la géométrie de fon efprit ; il étoit d'un commerce facile, & d'une probité parfaite, ouvert & fincère, convenant de ce qu'il étoit, parce qu'il l'étoit, & n'en tirant nul avantage, véritable modeftie d'un grand homme; prompt à déclarer qu'il ignoroit, & à recevoir des inftructions, même en matière de Géométrie, s'il lui étoit poffible d'en recevoir; nullement jaloux, non par la connoiffance de fa fupériorité, mais par fon équité naturelle: car fans cette équité, ceux qui fe croient, & qui font même les plus fupérieurs aux autres, font encore jaloux.

It avoit époufé Marie-Charlotte de

Romilley de la Chefnelaye, Demoiselle d'une ancienne Nobleffe de Bretagne, & dont il a eu de grands biens. Leur union a été jufqu'au point qu'il lui a fait part de fon génie pour les Mathématiques. Il en a laiffé un fils & trois filles.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

BERNOULLI:

JACQUES BERNOULLI naquit à Basse le 27 Décembre 1654. Il étoit fils de Nicolas Bernoulli, encore vivant, qui a des charges confidérables dans fa République. Un des frères de celui dont nous parlons eft encore plus élevé en dignité que fon père.

M. Bernoulli reçut l'éducation: ordinaire de fon temps; on le deftinoit à être Miniftre, & on lui apprit du Latin, du Grea, de la Philofophie Scholaftique nulles Géométrie: mais dès qu'il eut vu par hafard des figures géométriques, if en fentit le charme, fi peu fenfible pour

la plupart des efprits. A peine avoit-il quelque livre de Mathématique, encore n'en pouvoit-il jouir qu'à la dérobée : à plus forte raifon il n'avoit pas de maître; mais fon goût, joint à un grand talent fut fon précepteur. Il alla même jufqu'à l'Aftronomie ; & comme il avoit toujours à vaincre l'oppofition de fon père qui avoit d'autres vues fur lui, il exprima fa fituation par une devife, où il repréfentoit Phaeton conduifant le char du Soleil, avec ces mots Latins qui fignifioient, Je fuis parmi les Aftres malgré mon père. Il n'avoit que dix-huit ans & n'étoit prefque encore Mathématicien que par fa violente inclination pour les Mathématiques, lorfqu'il réfolut ce problême Chronologique affez difficile, où les années du Cycle Solaire, du Nombre d'Or & de l'Indiction étant données, il s'agit de trouver l'année de la Période Julienne.

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A vingt-deux ans il fe mit à voyager. Etant à Genève, il apprit à écrire à une fille qui avoit perdu la vue deux moist après la naiflance, & il imagina pour cela un moyen nouveau, parce qu'il avoit reconnu, & par raifonnement, & par expérience, l'inutilité de celui que Cardan a propofé. A Bordeaux, il fit des Tables Gnomoniques univerfelles, qui font pré

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fentement prêtes à imprimer. Après avoir vu la France, il revint chez lui en 1680. Là il commença à étudier la philofophie de Defcartes. Cette excellente lecture l'éclaira plus qu'elle ne le perfuada, & il tira de ce grand Auteur affez de force pour pouvoir enfuite le combattre lui-même. Heureufement à la fin de 1680 il rut un phénomène propre à exercer un Philofophe naiffant. C'étoit cette Comète qui a fait naître des Ouvrages fameux & entr'autres le premier que M. Bernoulli ait donné au Public. Il l'intitula : Conamen Novi Syftematis Cometarum, pro motu eorum fub calculum revocando & apparitionibus prædicendis. Il fuppofe que les Comètes font des Satellites d'une même Planète, fi élevée au-deffus de Saturne, quoique placée dans le Tourbillon du Soleil, qu'elle eft toujours invisible à nos yeux, & que ces Satellites ne deviennent vifibles que quand ils font, par rapport à nous, dans la partie la plus baffe de leur cercle. De-là il conclut que les Comètes font des corps éternels, & que leurs retours peuvent être prédits; ce qui eft auffi la pensée de M. Caffini. La Comère de 1680 doit, felon le systême & le calcul de M. Bernoulli, reparoître en 1719 le 17 Mai dans le 1er degré 12 de

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