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en caractere commun tel que nous l'écrivons; mais plus gros que l'ordinaire, plus droit & plus rond. Ils font moins chargez de manieres abregées, & fouvent ils n'ont point d'accens. Il s'en trouve néanmoins quelquesuns de ce fecond genre écrits en lettres majufcules, dont les jambages comme j'ai dit, ne font plus fi quarrez que les anciens, mais plus ronds & plus courbez. Dans cette éfpece de Manufcrits les noms propres d'homines ou de lieux ou de nombre s'écrivoient feulement en majufcules. D'où vient que l'ufage ayant ceffé depuis pour la commodité de l'écriture apparemment, on marqua feule-ment ces mots d'une ligne par-deffus pour les diftinguer. Sur quoi les Copiftes & les Interpretes n'ayant pas fait reflexion, ils ont gliffé une infinité d'erreurs & de fautes dans les Ouvrages qui paffoient par leurs mains. C'est ce que Caufaubon remarque dans fon Commentaire fur Theophrafte au fujet d'une correction très-ingenieufe.

Ceux de la derniere claffe ont un caractere plus menu, plus long & plus courbé; on y trouve auffi plus d'abreviations que dans les autres. Il

s'en

,

s'en voit de ceux-ci un grand nombre que les Grecs qui fe retirerent dans le païs Latin après la prife de Conftantinople, & la ruïne entiere de leur Empire y ont multipliez. Celui que Monfieur Lambecius décrit à la fin du fecond volume de fa Bibliotheque eft affûrément de ce dernier genre, quoiqu'il lui donne plus de douze cens ans & qu'il le compare au Diofcoride dont, j'ai parlé. C'est un Ouvrage de Ruffin fur la Genese qui a plufieurs titres Grecs. Je ne veux point d'autres preuves qu'il eft moderne de fept ou huit cens ans feulement, que la figure de fes caracteres tant Grecs que Latins; les uns & les autres ont les jambages eftropiez & ont contracté cette corruption que les nations barbares ont introduite dans l'écriture après leur inondation. Les caracteres Grecs comme celui-ci pour un A; cette figure pour un A; & ainfi des autres pour un E & un A marquent affez qu'ils font des derniers tems: mais les caracteres Latins n'en laiffent aucun doute, & il faudroit avoir bien peu d'experience dans le monde fçavant, pour ne pas reconnoître un air Goth ou Lombard à

ces

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LE

ces figures de ESV pour A. E.

D. M. V.

Je ne fçai non plus à quoi penfoit ce fçavant Bibliothecaire, lorf qu'il a donné plus de treize cens ans au Manufcrit qu'il décrit à la page 1008 du même volume. Les caracteres & les miniatures qu'il en a fait graver prouvent que tout eft de la derniere barbarie, & qu'il ne peut avoir tout-au- plus que cinq ou fix cens ans. A-propos néanmoins de l'E de cette figure Ɛ, je ne fçai s'il ne pourroit point venir du Copte. Les Médailles d'Egypte me font imaginer cette conjecture, parce qu'on y voit toûjours les E figurez de cette maniere. Cantherus promettoit un Ouvrage plus ample que celui qu'il a donné touchant la correction des Manufcrits Grecs. S'il avoit exécuté ce dessein, nous y aurions trouvé beau-coup de lumieres pour la connoiffan ce des Manufcrits & pour le discer-nement de leur antiquité.

Le Latin n'a moins fait de conpas LATIN. quêtes dans les fçiences que les Ro

mains en ont fait dans le monde; & les Heros de l'une ont fouvent été les conquerans de l'autre. Quelle gloire & quel avantage pour cette Langue,

Langue, que les premiers hommes de la terre lui aient confacrez, comme chacun le fçait, une partie des foins qu'ils devoient à l'Empire! La veritable religion ne l'a pas moins honorée après ce tems-là : & la Langue Grecque n'a gueres de privileges plus que la Latine dans l'Eglife; puifque celle d'Occident l'a adoptée depuis tant de fiécles pour être l'interprete des oracles facrez.

Cette Langue a eu comme les autres fon accroiffement & fes révolutions. La même chofe eft arrivée dans fes caracteres, comme on le peut remarquer par les Infcriptions les plus anciennes, & par celles qui les ont fuivies, même avant la deftruction ou l'aneantiffement de l'Empire. Les caracteres de celle de Duilius publiée par le Pere Sirmond, comme ils approchent davantage de leur origine, ils tiennent un peu de P'Hetrufque & du Grec.; ils marquent une main tremblante, une main' de gens qui ne font encore que commencer: auffi ne fe fervoient-ils dans les commencemens que de la memoire de leurs Prêtres pour conferver ce qui fe paffoit chez eux, comme j'en ai rapporté un paffage; & ne laiffoient

de

de monumens que du nombre de leurs années, qu'ils marquoient par des clous dans les Temples, avec une certaine ceremonie que la fuperftition conferva même bien avant dans les tems de politeffe. Le clou annal*, dit Feftus, eft celui qui se mettoit tous les ans dans la muraille des Temples afin que par ces marques on pût conferver & recueillir le nombre des années.

Tite-Live confirme ce que je rapporte de Feftus dans la defcription qu'il fait de cette plaifante ceremonie, & de la fonction qu'en avoit un Dictateur créé exprès pour une fi burlefque Chronologie ; & la raison que l'Hiftorien en donne, eft que l'ufage d'écrire étoit prefque inconnu § dans ces tems-là, & qu'il y avoit encore fort peu de caracteres. Ce font apparemment ces caracteres qu'il appelle prifca littera. Ils ne peuvent pas nous fervir néanmoins pour reconnoître les Manufcrits car on n'en a point de cette antiquité. Ces fept volumes La-,

tins

* Clavus annalis appellatur, qui figebatur in parietibus facrarum ædium per annos fingulos, ut per eos colligeretur annorum numerus.

Quia rare per ea tempora litteræ erant. L.7.

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