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d'employer le mot d'effingere reprefenter ou copier figurément, pour exprimer l'action d'une perfonne qui imite parfaitement le modéle qu'il s'eft propofé; & c'eft un mot qu'il substituë à celui d'effigiandis de nos imprimez, & qui convient mieux au veritable fens.

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Cependant, Monfieur, lorfqu'on vient à faire réflexion là-deffus, & qu'on examine le paffage, on s'étonne qu'un auffi fçavant homme que Lambecius n'ait ni reconnu ni corrigé une faute de copiite fi vifible. Qui s'avisera jamais de croire qu'un grand Empereur comme. CHARLEMAGNE s'amufàt à copier des lettres Majufcules dans fes heures, de loifir? C'étoit là une belle occupation pour un Prince, qui, outre les foins qu'il donnoit au gouvernement de l'Europe tant d'inclination pour les fciences > felon for Hiftorien, & tant de facilité pour y réuffir. Rhetorica & Dialectica præcipuè tamen Aftrono mia edifcenda plurimum & temporis

avoit

laboris impertit. Il prenoit beaucoup de peine, & employoit beaucoup de tems à apprendre la Rhetorique, la Dialectique & principalement AStronomie.

H3

tronomie. Il examinoit foigneufement, dit-il enfuite, le cours des Aftrès. Jugera-t-on après cela que CHARLEMAGNE paffat le reste du tems à grifonner des lettres. Il y a bien plus d'apparence qu'il faifoit autre chofe ; & l'on n'a qu'à corriger deux mots pour trouver la penfée de l'Auteur, & reconnoître la veritable occupation d'un Prince qui aimoit tant à cultiver les beaux Arts. Il y avoit donc ainfi dans l'Original, Tentabat & pingere ; tabulafque & codicillos ad hoc in lectulo fub cervicalibus circumferre folebat, ut cum vacuum tempus effet; manum effigiandis lineamentis affuefaceret. Il s'étudioit auffi à peindre,

portoit pour cela ordinairement des tablettes & des cahiers qu'il metloit fous le chevet de fon lit, afin de fe former la main de s'habituer dans les momens de loifir à copier facilement des deffeins. Ce qui fait un fens naturel, & donne une idée plus raifonnable. Mais il eft aifé de juger que le Manufcrit étant Gothique, on n'a pas pris garde qu'au lieu de fcribere qu'on croyoit y li

* Artes liberales ftudiofiffimè coluit.

re,

re, il y avoit pingere; les premieres lettres de ce mot étant confondues ou abregées felon l'ordinaire de cette écriture, & que le G ainfi figuré 3, reffemble affez à nôtre b: ce que je puis juftifier entr'autres, par cette Medaille Gothique que j'ai, & que je donne dans la I. Planche Figure 3. On a fubftitué de même litteris au-lieu de lineamentis, qui y étoit fans doute d'une maniere abregée.

Ce terme au refte n'eft point étranger à cette matiere, puifque Pline s'en fert: Nec qui fuccederet, ditil, en parlant de la Venus d'Appelle, operi ad prefcripta lineamenta inventus eft : Et il ne fe trouva perfonne qui fut capable de travailler fur cette ébauche. Aufli apelle-t-il cette espece de peinture pictura linearis: comme qui diroit, je penfe, les efquiffes & les deffeins que font les Peintres. Tacite dans le livre qu'il a fait des mœurs des Allemans, lorfqu'il parle de certains fecrets de couleurs qu'ils avoient, fe fert du terme lineamenta, dans un fens qui confirme beaucoup ma conjecture. Quadam loca, dit-il, diligentiùs illinunt terra ita pura & fplendente, ut picH 4

turam

turam ac lineamenta imitentur. Its frottent de certains lieux fort adroitement avec une terre fi pure & fi luifante, qu'elle imite la peinture & Les les lineamens *. Je ne crois pas qu'on

defeins. puifle répondre à cette conjecture;

4.5.

1. 35. car pourquoi l'Auteur fe feroit-il fervi du mot tabulas qui convient plûtôt, & principalement de fon tems, au deffein qu'à l'écriture ; & ce qu'il ajoute enfuite témoigne affez que c'en eft le fens. L'Empereur, ditil, n'y put réaffir, car il s'y étoit appliqué trop tard: Sed parum fucGeffit labor prapofterus, ac fera in

choatus.

Il feroit ridicule de dire que ce Prince qui avoit tant profité dans la fcience de la parole, comme nous le reprefente fon Hiftorien, n'eût pû faire aucun progrès dans celle de l'écriture, dont les regles ne font ni fi difficiles, ni fi nombreuses, après y avoir employé apparemment plufieurs années. En verité, Monfieur, cela ne vaut pas la peine d'en dire davantage, & j'apprehende de m'y être trop étendu je reviens aux Manufcrits & à ce qui peut nous faire connoître les anciens d'avec ceux qui le font moins.

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Les

,

Les premiers outre les lettres Majufcules qui les diftinguent, ont encore deux autres marques. La premiere, qu'ils font écrits d'un même contexte fans aucune diftinction de mots, ou par verfets, felon S. Jerôme dans fa Preface fur la traduction d'Ifaïe. C'eft affurément la plus an cienne maniere d'écrire, & je con jecture qu'elle a duré jufqu'à l'Empire de Neron. J'en tire la preuve de Suetone dans la vie qu'il a faite de Valerius Probus de Beryte. Ce Grammairien *, dit-il, s'attacha à corriger les livres, à y mettre des points & des accens. Ce qui me fait juger que de fon tems les Manufcrits n'avoient ni points, ni diftinction de mots; car Suetone après avoir dit que Probus ne s'appliqua jamais à au tre chofe, il ajoûte que ce Grammairien fe fit moins des difciples que des fectateurs Hic non tam difcipulos quàm fectatores aliquot habuit. En quoi l'Hiftorien femble marquer que celui dont il décrit la vie, à été l'Auteur de cet usage, ou du-moins

H. S

'qu'il

* Multaque exemplaria contra&a emendare ac diftinguere & adnotare curavit. Soli huic nece ulli præterea Grammatices parti deditus.

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