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La derniere efpece de Manufcrits eft de ceux dont le caractere eft me-, nu & rond, comme celui de nos impreffions, ou bien dont les jambages des lettres commencent à être ou tetragones ou pentagones, tels que font les Gothiques. Ce n'eft que dans l'Occident où les Goths & les autres nations femblables fe font le plus arrêtées, que ce caractere s'eft introduit; & il eft refté même dans les lieux où ces peuples furent obligez de fe retirer, & où la barbarie de leur Langue eft en quelque façon demeurée, comme la Suiffe & l'Allemagne. Les Provinces du Nord ne font pas oubliées dans ce genre, nonobftant l'impertinente & folle vifion de Goropius Becanus qui veut que le Flamand foit fans exception, la plus agréable, la plus noble & la plus ancienne de toutes les Langues.

A l'égard de l'Angleterre, il y a bien de l'apparence que les Normans y ont porté avec leurs loix, ces mêmes caracteres qu'ils avoient confervez des Goths dont ils font fortis. Spelman confirme cela en quelque endroit, quoiqu'il attribue aux Saxons particulierement l'origine de fa Langue; mais les Saxons eux-mêmes Tom. 11. I ti

tiroient la leur des Goths, comme il en demeure d'accord: & ce qui établit mon fentiment fondé encore fur ce qu'en ont dit Jofias Simler, & Olaus Magnus Archevêque d'Upfal au fujet des Goths, des Cimbres & des Saxons, qui font des peuples d'une même origine.

On juge encore de ces Manufcrits par l'anère, par le papier, ou le parchemin dont on en trouve beaucoup où l'un & l'autre font mêlez enfemble; ce qui a été fait par menage ou par avarice environ au XI. fiècle, felon la remarque de Lambecius, & ce qui a duré deux ou trois cens ans. L'épaiffeur de l'ancre marque l'antiquité, le mélange du parchemin va après; & la quantité des abreviations me feroient croire la raifon que j'ai donnée plus haut, qu'ils feroient les plus anciens de certe troifiéme espece, fi l'experience ne me faifoit juger le contraire.

pour

Ce n'eft pas que dans les derniers tems il ne fe trouve des Manufcrits en affez beaux caracteres ; car les Princes avoient toujours confervé des gens qui copioient le mieux qu'ils pouvoient felon les rems; & ceuxlà font mieux écrits. Et je crois mê

me

me que c'étoient des peintres qui les copioient, vû les mignatures qui se rencontrent dans ces fortes de Manufcrits du bas âge D'où vient même que l'on dit une écriture peinte lorfqu'elle eft bien écrite. Le paffage de Loup de Ferrieres dont j'ai déja parlé, confirme merveilleufement l'une & l'autre conjecture. Auffi ce Peintre dans le dernier fiécle à qui l'on demanda un effai de sa main pour le prefenter à Leon X. ne fit autre chofe qu'un O avec un pinceau ; ce qui fait voir, felon mon fens, que dans ce tems-là encore l'art de la plume & celui du pinceau n'étoient pas feparez, & qu'il fuffifoit d'être habile en l'un pour faire connoître qu'on excelloit en l'autre. Il eft facile de diftinguer ces Manufcrits pour-peu qu'on en ait vû d'anciens & de modernes. Vous jugerez de cela, Monfieur, auffi aifément que vous feriez de deux maifons de même ordre & de même grandeur, dont l'une auroit feulement un demi fiécle devant l'autre. De

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Præterea fcriptor regius Bertaudus dicitur an tiquarum litterarum duntaxat earum quæ maximæ funt & unciales à quibufdam vocari exiftimantur habere menfuram defcriptam. Itaque fi penes vos est, mitte mihi eam per hunc quæfo pi&torem cùm redierit, . Lupus Fer. Ep. V. ad Eginhart.

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De toutes les Langues qui nous - font restées voilà les plus illuftres dépofitaires des fciences, & les plus celebres interpretes des Religions qui font le plus en vogue. Je ne crois pas qu'on trouve quelque chofe de confiderable dans les autres. S'il fe trouvoit néanmoins des. Manufcrits dont les titres que vous vous feriez expliquer vous en donnaflent bonne opinion, vous ne fçauriez manquer de les acquerir, fi cela fe peur. Si vous trouviez Monfieur Galland en chemin, faites amitié avec lui; perfonne fçauroit vous donner de meilleures leçons fur cette matiere; il fçait les Langues, il cultive les fciences, il a du zéle pour les Lettres, & fa vertu lui a acquis autant de lumieres que la nature lui a donné d'inclination pour les communiquer, fi on lui en donnoit les moyens. Après cela, Monfieur, fi vous êtes affez heureux pour faire quelque découverte, vous aurez dequoi faire votre cour ici. Et vous vous ferez outre cela un tréfor de reputation, non feulement dans votre patrie, mais même parmi les Etrangers & les Voyageurs.

Ce que vous devez faire pour

cette

cette recherchè, auffi-bien que pour le refte dont je vous ai parlé, c'eft de vifiter les Palais les Bibliothe ques publiques & particulieres, les Cabinets, les Trefors des Eglifes, des Monafteres, des Temples, des Maifons de Ville, des Republiques. Il ne faut pas ômettre de voir les ruines des Villes, des Temples, des Palais & des autres monumens publics; car dans tout cela, on ne laiffe pas de découvrir & de ramaffer une infinité de chofes que vous devez décrire & recueillir exactement. Ne vous embarraffez point d'abord de l'ordre que vous y mettrez. Ecrivez tout de fuite, & ne laiffez rien échaper Quand vous ferez de retour, vous y remettrez la main & vous retaillerez ce Jardin pour lui donner une fymmetrie pluis réguliere. Enquêtez-vous en chaque lieu qui font les Sçavans ou les gens curieux qui y demeurent; on ne leur fçauroit faire un plus grand plaifir que de leur témoigner que c'eft leur réputation qui vous y attire; & je fuis für que vous éprouverez des effets de leur ouverture de cœur, de leur bien-veillance ou de leurs liberalitez; car ils vous permettront

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