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l'attirer auprès de lui, dit qu'il n'a jamais philofophé pour devenir riche, qu'il méprife ceux qui le font, qu'il ne connoît pas même l'ufage de l'argent, & que celui qu'il a pour les befoins, il le met entre les mains d'un ami pour le difpenfer ; & qu'à l'égard du gouvernement, dont il lui parle, il n'a garde de l'entreprendre no le feachant non pluss que jouer aux dez on aux offelets. Par où je crois pouvoir entendre que Socrate a voulu dire, qu'il ne fçait point gouverner un Etat, parce qu'il n'a jamais appris à difpenfer l'argent qui en eft le reffort & le foûtient. Et en effet Platon fon difciple appelle l'art de la Monnoye § Un art purement politique; & la maniere de s'en fervir, ajoûte Pollux qui rapporte cette penfée du Philofophe, appartient à ceux qui ont le gouvernement de la Republique.

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Vous

* ἐγὼ δὲ μεμαθηκέναι τε ἄρχων οὐ φημὶ, μὴ εἰδώς τε οὐκ ἂν δεξαίμην, μᾶλλον βασι λεύειν ἢ κυβεύειν μὴ ἐπισάμενος.

Ο Πλάτων μὲν γὰρ ἡ τέχνη τίς ἐςι πολι τική νομισμάτων, κι νό μισμά τε πολιτικὸν πράγμα. L. 10. ς. 6,

Vous ne vous étonnerez pas, Monsieur, de cette interpretation, quand vous vous fouviendrez que c'étoit Fufage des premiers Philofophes de parler & d'écrire ainfi figurément. Il y en avoit même qui le faifoient avec tant d'énigmes, qu'il étoit impoffible de les comprendre, comme celui de qui l'Antiquité a dit, qu'il s'étoit rendu celebre à caufe de l'obfcurité de fes difcours:

* - Et dont l'obfeur langage Fait briller fa memoire & fon nom d'âge en âge.

J'ai d'ailleurs une autorité, qui me donne fujet d'expliquer ainfi la penfée de Socrate. Dion-Chryfoftome dans un de fes Difcours intitule, XAPIAHMOC, où il décrit ce qui fe paffe dans le monde, dit que les uns & les autres y joüent aux dez

*Clarus ob obfcuram linguam. Lucrece

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5 ἑτέρους δὲ πεττεύειν, τοὺς δὲ ἀσραγά λοις παίζειν. εἶναι δὲ τοὺς πεττούς τε κ ασραγάλους εχ οἵους ἡμεῖς ὀνομάζ. ομω ἀλλὰ τοὺς μὲ χρυσοῦς. τοὺς δὲ ἀργυροῦς, ὃ δὴ νόμισμα καλόμην ἡμεῖς, ὑπὲρ δ. διαφέ ρεθαι ἡ ζητεῖν ἕκασον πλεονεκτεῖν.

& aux offelets. Les marques néanmoins de ce jeu ne font point telles ajoûte-t-il, que je les viens de nommer; mais ce font des piéces d'or & d'argent que nous appellons de la Monnoye, pour laquelle la plûpart des gens fe tourmentent les uns les autres font tant d'efforts pour en poffeder le plus qu'ils peuvent.

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Je trouve, propos de cela, une Médaille parmi les miennes, fur` laquelle on voit representée la figure d'un offelet des deux côtez. Le Pere du Moulinet en a auffi une, où il n'y en à qu'un d'un côté feulement. Je ne fçai fi ces Monnoyes font Grecques ou Romaines; mais il fe peut. faire que les Auteurs dont je viens. de parler, faifoient allufion à cette efpece de Monnoy.e, ou qui avoit eu cours dans les premiers tems, ou qui n'étoit de mife que dans de certaines circonstances, comme il y a lieu de foupçonner que ce pourroit être pendant les Saturnales. Quoiqu'il en foit, il paroît que les Anciens comparoient le commerce du monde qui fe fait avec l'argent, aut jeu des offelets; & que c'eft fans doute ce que Socrate entendoit dans

l'endroit.

l'endroit que j'ai rapporté. Il ne fçavoit point commander, parce qu'il n'avoit ni l'amour des richeffes, ni l'envie de s'en fervir. Ce mépris qu'il en faifoit paroître étoit à quoi tous les veritables Philofophes travailloient à parvenir, comme au degré de fageffe le plus difficile à caufe de la prévention generale qu'on avoit pour elles.

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Et en effet, un jeune homme d'lonie arrivant à Athenes, dit Chryfippe, répondit feulement qu'il étoit riche, lorfqu'on lui demanda d'où il étoit s'imaginant qu'il ne pouvoit fe faire connoître par un endroit plus aimable. Auffi fuffit-il de l'être pour obtenir toutes choses.

* Ami c'en eft trop dire, ayez de la Monnoye

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Comptez-là, commandez, tout de-
vient vôtre proye..

Un coffre plein d'argent renferme
Jupiter.

C'est ce qui fit avaler des pieces d'or à cet homme mourant, dont parle

*Multa loquor, quod vis nummis præfenti bus opta,

Eveniet: claufum continet arca Jovem.

parle Athenée. Un autre, dit le même Auteur, en coufit dans fon habit, & ordonna qu'on l'enterrât tout vêtu; tant ils. avoient de foi & d'efperance au pouvoir de l'or & de l'argent. Les Romains en enlevoient autant qu'ils pouvoient des Nations vaincuës, & leur en défendoient l'ufage. Ce que fit entr'autres Paul Emile & Tibere; l'un dans la Macedoine après en avoir fait la conquête, au rapport de Tite-Live, & l'autre, felon Suetone, dans beaucoup de villes de l'Empire, à qui it ôta le droit & l'ufage des métaux, & de tirer des tributs de leurs fajets.

Les Anciens ne conviennent pas qui a été le premier inventeur de la Monnoye, ou qui font les premiers peuples qui les ont figurées. DionChryfoftome femble infinuer dans fa Troyenne, que les Grecs au tems du fiége de cette fameufe ville, ne fe fervoient point de Monnoye, & que leur pauvreté domeftique & l'ignorance des Arts, les obligeoit d'aller à la guerre. Palephatus tire fort agreablement de cette invention la verité de la fable, que les Anciens ont faite fur Linceus. "On raconte que ›› Linceus,

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