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autres Villes les Dieux qu'elles adoroient, comme on peut le juftifier par leurs Monnoyes. Auffi voit-on dans beaucoup de Médailles de Syrie & d'Egypte, que les rayons qui forment une espece de Couronne fent comme naillans, de la tête des Prin ces, & que dans les Syriennes prin cipalement, ce n'eft que depuis Antiochus furnommé Dieu, & à qui par confequent on avoit bâti des Tem ples & dreffé des Autels, que quelques Rois ont porté cette marque d'honneur: qu'ils joignoient avec le Diadême. L'exemple de ce Prince fervit de prétexte à quelques-uns de fes fucceffeurs pour s'attribuer les mêmes titres & recevoir les mêmes. honneurs de leurs fujets. Et de ces rayons on en a fait dans la fuite une Couronne que les Princes ont por tée au-lieu de Diadême, & qui n'a point eu d'autre principe d'abord que l'interêt des peuples timides & flâteurs, & entr'autres, comme le dit Polybe des Grecs, des Syriens & Liv. 5. des autres Afiatiques qui élevoient des Statuës, des Autels & faifoient des facrifices en l'honneur de ceux de qui ils avoient reçû des graces. Et en effet Demeas dans Lucien vou

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lant

lant faire croire à Timon que le Peuple d'Athenes vouloit lui rendre les honneurs fuprêmes à cause des bienfaits qu'il fuppofoit en avoir reçûs, ce flâteur dit qu'on avoit ordonné de confacrer fa ftatue avec un foudre dans la main droite, & des rayons fur la tête.

Je prétens encore, Monfieur, pour ne rien laiffer échaper à ma reflexion, qu'il en a été de même des Empereurs Romains. On ne les a reprefentez la plupart du tems dans les Monnoyes couronnées de rayons qu'en leur donnant le titre de Dieu; dans le commencement après leur mort & leur Apotheofe, & depuis de leur vivant même, après qu'on leur avoit dédié des Temples & érigé des Autels, établi un culte particulier & ordonné des Sacrificateurs. Cela s'entend dans Rome; car dans les Provinces, il eft certain qu'on a bâti des Temples à Jules-Cefar d'où vient conftamment que parmi les honneurs extraordinaires qu'on lui rendit à Rome, on plaça fes ftatues dans les Temples & dans les Theatres avec des couronnes de

rayons,

* κεραυνὸν ἐν τῇ δεξιᾷ ἔχοντα, ἡ ἀκτῖνας ἐπὶ τῇ κεφαλῇ. Luc in Tim.

5

rayons, comme on le voit dans Flo-
rus *. On en fit autant à Antoine, &
aux autres avant leur mort, & même à
des Proconfuls, ce qu'on remarque
dans Suetone; auffi voit-on Antoine
couronné de rayons dans beaucoup de
fes Médailles. Celles de Tibere au
commencement de fon Empire, le re-
presentent fans couronne & Augufte
au revers rayonné : celles même de
Caligule le reprefentent auffi fans cou-
ronne, & Augufte au revers avec des
étoiles & des rayons. Mais lorsque
dans la fuite ils fe font attribuez les
honneurs divins, ou qu'on les leur a
rendus, il eft certain qu'on leur a frap-
pé des Monnoyes avec cette marque
de diftinction pour la dédicace des
ftatues ou des Temples qu'on leur
érigeoit en forte que dans les com-
;
mencemens de l'Empire toutes ces
Médailles de Duchoul de Golztius
& de Patin DEO AUGUSTO, ΘΕΟΣ
ΚΑΙΣΑΡ ΝΕΡΩΝ ΘΕΟΣ & les autres

qui attribuent la divinité aux Empe-
reurs, ou n'ont été frappées qu'après
leur mort, ou n'ont été battues que
dans les Provinces, après qu'on leur
Tom. 11.
M avoit

Circa Templa imagines, in Theatra diftin&a

radiis corona. L. 4. C..2.

avoit érigé quelque Temple. Cela étoit fi ordinaire, qu'à Augufte même qui étoit fi modefte, comme on le voit par Suetone, s'il eft vrai qu'il n'y ait point de faute en cet endroit, on facrifioit publiquement, témoin ces vers de Virgile:

Quot annis

Biffenos cui noftra dies altaria fumant:

- Et pour qui tous les ans Chaque mois nos Autels fument de no

tre encens.

C'est ainsi qu'on adoroit la grandeur de ces Princes, qu'on redoutoit leur pouvoir, & que l'étendue de leur domination les mettoit en état de faire beaucoup de graces. Les peuples d'ailleurs ne fe pouvant plus conferver par leur courage, ils ont fuivi pour fe maintenir le parti de la timidité, c'est à-dire, la flatterie & la foumiffion; & cette baffeffe leur a fuggeré de rendre aux Souverains tous ces honneurs extraordinaires. Quand ils en avoient reçus des bienfaits, ils le faifoient encore plûtôt ou pour fe les conferver, ou pour s'en procurer de nouveaux. C'étoit fou-

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ronis.

vent la frenefie des Empereurs qui les portoit à cela; & qui exigeoit d'eux ce culte facré & cette marque d'adoration. On voit par confequent que ce n'étoit point parce que là Majefté de l'Empire étoit au-deffus de tous les Royaumes, comme le veut Pafcal, que les Princes Romains ont De Co été reprefentez avec des rayons fur p. 606, leurs têtes; mais parce que l'interêt aveugle des peuples les faifoit def-cendre à leur égard dans une flaterie fi outrée, ou que leur orguëil fi démefuré leur faifoit prendre ces marques d'élevation, ou pour s'affranchir de toutes les Loix, ou pour abufer de leur pouvoir avec plus d'impunité; les exemples en font communs

Ainfi, Monfieur, après l'érection des temples , on leur frappoit des Monnoyes, qui marquoient ce degré d'honneur qu'on leur avoit rendu, foit qu'ils l'euffent acquis par les avantages que les peuples retiroient de leur élevation à l'Empire, ou qu'on voulût les exciter par-là à les meriter par la fageffe & la prudence de leur gouvernement.

Pline le jeune confirme merveil leusement la remarque que je fais fur les Couronnes Radiales. C'est dans

C

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