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m'en vient. La racine dont les Juifs fe fervoient pour exorcifer les demons, eft fans doute un Talisman de ce dernier genre. Jofephe qui le rapporte au livre huitiéme de fes Antiquitez, en attribuë l'invention à Salomon. On attachoit, dit-il, au nez du malade un anneau, dans lequel à la place de la pierre, il y avoit une racine enchassée; Salomon l'avoit enfeignée dans fes ouvrages. Cet Hiftorien dit même qu'il en a vu l'effet, L. 8. & qu'un Juif nommé Eleazar, guerit une fois plufieurs poffedez de cette maniere en prefence de Vefpafien, de fes fils, & d une partie de fon

armée.

On n'y employe pas toûjours indifferemment ni la figure ni la matiere: mais on choifit celles qui font propres à recevoir les influences & qui font fufceptibles de certains effets, comme tant de pierres entr'autres dont parle Pline au livre trentefeptiéme; ce que Marcil Ficin femble appuyer par l'ufage des Medecins, qui broyent & employent des médicamens avec fuccès à l'afpect de certaines constellations; quoiqu'il ne foit pas du fentiment que les figures y contribuent, mais que le mouve

ment:

C. I.

و

ment feul y peut être efficace. * S quelqu'un, dit-il, veut employer avec fuccès les metaux & les pierres il eft plus à-propos de les frapper fenlement & de les échauffer, que d'y imprimer des figures. Il ne feroit pas difficile neanmoins d'allier fon fentiment, & de faire voir qu'il n'eft point contraire à la puiffance des figures. L'experience & la meditation en ont fait faire des régles : l'exemple des miroirs ronds & des concaves, n'at-il pas fait tirer beaucoup de confequences? Ils reçoivent fi bien & réuniffent fi merveilleufement les rayons du Soleil, & l'effet qu'ils produisent eft fi fubit & fi admirable, qu'il paroîtra toûjours furnaturel à celui qui n'en connoîtra pas la caufe. Ceux d'aeier qu'on a fait depuis peu, dont l'operation eft fi prompte & fi furprenante tout-enfemble; tout cela, dis-je, fait eftimer avec affez de raifon à ceux qui les remarquent, qu'il peut y avoir d'autres matieres & d'autres figures capables de recevoir les rayons & les vertus des Aftres, & de produire des effets qui leur fe

raiert

*Si quis tra&tare metalla lapidefque voluerit, præftat percutere folùm atque calefacere, quam figurare.

toient conformes. Eft-il fi difficile de comprendre les mouvemens imperceptibles de cette communication d'efprits par des mouvemens femblables qui nous font connus ?

Les effets de l'amour & des autres paffions fur nos fens; ce que peuvent la peinture & la fculpture fur nos difpofitions; ces changemens merveilleux dont parle Philoftrate, que caufoient certains difcours d'Antiphont, que ce Sophiste appelle Tevis des Talismans ou des remedes contre le chagrin; ces foulagemens que tant de gens ont éprouvé de la lecture de certains livres; ces guerifons fi frequentes que la Mufique a operées : aufli y en avoit-il une efpece, felon Pythagore, qu'il appelloit medeci- Jambla nale. La fureur, la furdité & l'ivreffe p. 108, ont reffenti fon pouvoir; & l'on fçait que la Lydienne rendoit effeminé, & la Eolienne intrepide. J'ai lû dans Krantzius un exemple fi furprenant de fon pouvoir, que je ne puis m'empêcher de le rapporter ici, pour confirmer ce qu'on rapporte de ce Timothée qui vivoit du tems d'Alexandre. Henry quatriéme Roy de Dannemark, ayant oui parler de la fcience merveilleufe d'un Muficien, vou

lut

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lut en voir les effets, & connoître fur lui-même par experience, fi cet homme par fes inftrumens pouvoit endormir comme il le difoit, donner de la joye, du chagrin, ou mettre en fureur. Le Muficien fit ce qu'il pût pour fe difpenfer d'experimenter fon adreffe fur le Roy; mais il obéit enfin, & ce Prince éprouva toutes ces paffions, fans fe pouvoir défendre même de la fureur, jufqu'à tuer à coups de poing quelques-uns de fes amis qui l'environnoient pour tenir. L'exemple encore fi connu des inftrumens accordez à l'uniffon, & les autres experiences qu'ont ceux qui étudient la nature, leur a fait ajoûter foi avec plus de facilité aux fruits qu'ils fe promettoient de leur étude, & mépriser le sentiment des autres qui jugent cette occupation inutile & défenduë.

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le re

Voilà la Magie qu'ont pratiqué les premiers Sages & tant de Sçavans modernes qui fe font efforcez de tirer du fein de l'ignorance & de la fuperftition des connoiffances fi anciennes, fi réelles, fi utiles & fi merveilleufes. C'est de cette maniere, c'est par la connoiffance des vertus & des mouvemens des Aftres, dit Porphyre

Porphyre dans fon Traité des Oracles, que les Dieux prédifoient les chofes futures; & delà, ajoûte Eufebe, qui cite cet Auteur, on peut connoître que les Dieux des nations ne prévoyoient pas les chofes futures par une vertu divine, mais par l'obfervation des mouvemens celestes, par des jugemens par des notions mathematiques, & qu'ainfi ils n'agiffoient point en cela furnaturellement non-plus que les hommes. Ainfi la Collection nombreufe que Reichelt a faite pour montrer l'horreur qu'on doit avoir de cette fcience, ne fçauroit épouventer ceux qui la pratiquent ou qui l'étudient pour l'exercer. Ses anathêmes ne tombent que fur les Magiciens & les Impofteurs, fur ceux qui par des fourberies infames & des fuperftitions abominables, s'efforcent de tromper les peuples les peuples, ou de produire des effets & d'obtenir ce que les Loix de la nature & celles de la Religion ne permettent pas.

En voilà trop› Moufieur, ce me femble, fur une matiere qu'il n'eft pas à propos ni de mon deffein d'approfondir ici davantage : il fuffit feulement de vous ajoûter, fans vouloir expliquer la vertu & le pouvoir des

Talifmans,

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