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Differ. t. 661.

qui commence ainfi : Suivant le droit divin & humain AN. 1 301. les prélats & les perfonnes ecclefiatiques,furlesquelles Philippe le Bel. les laïques n'ont reçu aucun pouvoir, doivent jouir Rain. n. 28. d'une grande liberté. On l'obfervoit du temps de vos prédeceffeurs ; & nous fommes d'autant plus affligez que vous ne les imitiéz pas, aprés que Dieu a tant étendu votre royaume.Car nous avons apris que vous avez fait amener fous fure garde en votre prefence, notre venerable frere l'évêque de Pamiers, & l'avez mis à la garde de l'archevêque de Narbonne, fous prétexte de la fûreté de fa perfonne. C'eft pourquoi nous vous prions & vous enjoignons de l'aiffer venir cet évêque en notre prefence librement & fûrement, & lui faire reftituer tous les biens, meubles & immeubles,& ceux de fon églife, que vous avez fait faifir ; & ne pas ufer à l'avenir de pareilles voyes. Car vous devez savoir que vous avez encouru la peine canonique, pour avoir temerairement mis la main fur cet évêque, à moins que vous ne propofiez devant nous quelque excufe raifonnable. Nous ordonnons auffi par une autre lettre à l'archevêque de Narbonne, de délivrer lévêque & le laiffer venir vers nous, nonobftant l'ordre qu'il a reçu de vous pour le garder. Cette lettre eft du cinquiéme Decembre 1301.

Rain. n. 31.

Le même jour le pape écrivit au roi une bulle qui Differ. p. 48. commence Aufculta fili, où aprés une exhortation à l'écouter avec docilité, il dit: Dieur nous a établi fur Jerem. 1. 10. les rois & les royaumes pour arracher, détruire, perdre, diffiper, édifier & planter en fon nom & par fa doctrine. Ne vous laiffez donc pas perfuader que vous n'ayez point de fuperieur,& que vous ne foyez pas foumis au chef de la hierarchie ecclefiaftique: Qui penfe

AN. 1301.

ainfi eft un infenfé, & qui le foutient opiniatrement eft un infidele, feparé du troupeau du bon pasteur. Or l'affection que nous vous portons ne nous permet de diffimuler que vous opprimez vos fujets ecclefiaftiques & feculiers, les feigneurs, la noblesse, les communautez & le peuple; de quoi nous vous avons fouvent averti fans que vous en ayez profité.

pas

Pour venir plus au détail, quoiqu'il foit certain que le pape a la fouveraine difpofition des benefices, foit qu'ils vaquent en cour de Rome ou dehors; & que vous ne pouvez avoir aucun droit de les conferer fans l'autorité du saint fiége: toutefois vous empêchez l'execution de ces collations, quand elles précedent les vôtres, & vous prétendez être juge en votre propre cause. En general vous ne reconnoiffez d'autres juges que vos officiers pour vos interêts, foit en demandant, foit en défendant. Vous traînez à votre tribunal les prélats & les autres ecclefiaftiques de votre royaume tant reguliers que feculiers, tant pour les actions perfonnelles que pour les réelles, même touchant les biens qu'ils ne tiennent pas de vous en fief. Vous exigez d'eux des décimes & d'autres levées,quoi que les laïques n'ayent aucun pouvoir fur le clergé. Vous ne permettez pas aux prélats d'employer le glaive fpirituel contre ceux qui les offenfent, ni d'exercer leur jurifdiction fur les monalteres dont vous prétendez avoir la garde. Enfin vous traitez si mal la noble église de Lion & l'avez réduite en une telle pauvreté, qu'il eft difficile qu'elle s'en releve; & toutefois elle n'eft point de votre royaume, nous fommes parfaitement inftruits de fes droits, en ayant

été chanoine.

Vous ne gardez point de moderation dans la per- AN. 1301. ception des revenus des églifes cathedrales vacantes, ce que par abus vous appelez Regale: vous confumez ces fruits & tournez en pillage ce qui a été introduit pour les conferver. Nous ne parlons point maintenant du changement de la monoye & des autres griefs dont nous recevons des plaintes de tous côtez: mais pour ne pas nous rendre coupable devant Dieu qui nous demandera compte de votre ame, voulant pourvoir à votre falut & à la réputation d'un royaume qui nous eft fi cher: aprés en avoir deliberé avec nos freres les cardinaux, nous avons par d'autres lettres appellé pardevant nous les archevêques, les évêques facrez ou élús, les abbez de Cîteaux de Clugni, de Premontré, de S. Denis en France & de Marmoutier : les chapitres des cathedrales de votre royaume, les docteurs en theologie, en droit canon & en droit civil, & quelques autres ecclesiastiques; leur ordonnant de se presenter devant nous le premier jour de Novembre prochain, pour les confulter fur tout ce que deffus, comme perfonnes qui loin de vous être fufpectes, font affectionnées au bien de votre royaume, dont nous traiterons avec eux. Vous pourrez, fi vous croyez y avoir interêt, vous y trouver en même temps par vous-même ou par des envoyez fideles & bien inftruits de vos intentions. Autrement nous ne laifferons pas de proceder en votre abfence ainfi que nous jugerons à propos. La lettre finit par une exhortation à fecourir la terre fainte.'

fe

Quant à ce qui y eft dit de l'autorité fur les rois, & du pouvoir d'arracher & de planter & le reste ce sont les paroles de Dieu adreffées à Jeremie, quineregar

AN.

1302.

que

dent fa miffion extraordinaire comme prophete, & la commiffion de prédire les révolutions des états, fans lui donner aucun pouvoir pour l'execution. Et quant à l'autre propofition, que le roi eft foumis au chef de la hierarchie ecclefiaftique; il en convenoit volontiers à l'égard des chofes fpirituelles, mais il est évident par toute la fuite de la lettre, que le pape étendoit plus loin cette foumission, puifqu'il vouloit faire rendre compte au roi du gouvernement de fon état, & être le fouverain juge entre Diff. f. 53. Ran. lui & fes fujets. La lettre aux Prélats de France

n.29.

1.54

p. 68.

1.59:

pour

les appeller en cour de Rome, eft du même jour cinq de Decembre; & par une autre lettre encore du même jour, le pape difpenfa de ce voyage les docteurs en droit qui propoferoient devant l'ordinaire des excufes legitimes: mais pour les évêques, il vouloit qu'ils lui propofaffent leurs excufes à lui-même.

La bulle Aufculta fili, fut presentée au roi Philippe par Jacques des Normans archidiacre de Narbonne, notaire & nonce du pape; & le roi en ayant oüi le contenu en fut extrêmement furpris & troublé, comme furent auffi les feigneurs qui fe trouverent auprés de lui. Par leur confeil il refolut d'assembler les autres feigneurs qui étoient abfens avec les abbez & les communautez, tant ecclesiastiques que seculieres ; & cependant le dimanche aprés l'octave de la Purification, lorfque l'on comptoit en France 1301. c'est-à-dire le onzième de Fevrier 1302. le roi fit brûler la bulle du pape au milieu de tous les nobles & les autres qui fe trouverent à Paris ce jour-là, & fit publier à son de trompe cette execution par toute la ville.

L'affemblée

VIII.
A Temblée de

p. 68.

L'affemblée ou parlement, comme on la nom- AN. 1302. moit alors, fe tint a N. Dame de Paris le mardi dixiéme jour d'Avril de la même année 1302. en pre- Paris. fence du roi, qui y fit propofer publiquement ce qui fuit par Pierre Flotte & quelques autres. L'archidiacre de Narbonne m'a rendu de la part du pape une lettre où il dit, que je lui fuis foumis pour le temporel de mon royaume, & que je dois reconnoître le tenir de lui: : quoique jufqu'ici ni mes predeceffeurs ni moi n'ayons reconu le tenir que de Dieu feul. Le pape non content de ce difcours fi nouveau & fi inoui en ce royaume, a voulu en venir à l'éxecution; & a mandé tous les prélats, les docteurs en Theologie & en droit de mon royaume, pour venir en fa presence : afin de corriger les abus & les torts que mes officiers & moi faifons,à ce qu'il prétend,aux prélats & aux seigneurs, aux ecclefiatiques & aux feculiers. Ainfi le pape veut priver la France de fon plus precieux trefor, qui eft la fageffe des prélats & des autres par le confeil defquels elle doit être gouvernée; & par le même moyen, il veut l'épuiser de ses richesses & l'exposer à sa

ruine.

Le pape fait bien d'autres vexations au royaume & l'églife Gallicane, par les referves & les collations arbitraires des évêchés & les provisions des benefices qu'il donne à des étrangers & des inconnus, qui ne resident jamais. D'où il arrive que le service divin eft diminué, l'intention des fondateurs frunrée, les pauvres privés de leurs aumônes ordinaires, & le royaume apauvri. Les prélats ne trouvent plus de fujets pour fervir les églifes, n'ayant point de benefices à donner aux nobles dont les ancêtres les ont fondés, & aux Tome XIX. C

p. 69.

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