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AN. 1302. autres hommes de lettres : ce qui fait auffi qu'on ne donne plus aux églises. Elles font encore chargées de penfions de fubfides & d'exactions nouvelles de diverses fortes: on ôte aux métropolitains la liberté de donner des coadjuteurs à leurs fuffragans, & on prive tous les évêques de l'exercice de leur miniftere, afin qu'il faille recourir au faint fiége & y porter des prefens. Tous ces abus font augmentés fous ce pontificat & augmentent tous les jours : je ne puis les tolerer plus long temps.

C'est pourquoi je vous commande comme votre maître, & vous prie comme votre ami, de me donner vos conseils & votre fecours, pour la confervation de notre ancienne liberté & le rétabliffement du roïaume & de l'églife Gallicane: particulierement à l'égard des entreprifes de mes officiers contre les droits de l'églife, s'ils en ont fait. J'avois réfolu d'y remedier avant l'arrivée du nonce du pape, & je l'aurois déja fait, si je n'avois voulu éviter qu'on l'attribuât à la crainte de ses menaces, ou à la foumiffion à fes ordres. Au refte, je vous déclare, que pour cet interêt general, je fuis prêt d'expofer tous mes biens, ma perfonne même & mes enfans s'il étoit befoin; & je vous demande tout prefentement une réponse précife & décifive fur tous ces articles.

Aprés cette propofition du roi les barons avec les findics des communautés laïques fe retirerent, & ayant delibere enfemble, ils revinrent au roi, lui don◄ nerent de grandes louanges,& lui firent de grands remercimens de fa genereufe réfolution : lui déclarant qu'ils étoient prêts d'expofer leurs biens & leurs personnes, jusqu'à fouffrir là mort & toutes fortes de

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1. 70.

tourmens, plûtôt que d'endurer les entreprifes du pa- AN. 1302. pe, quand même le roi voudroit les tolerer ou les diffimuler. Le roi voulut enfuite avoir la reponse des prélats, qui demanderent plus de temps pour déliberer,& s'efforcerent d'excufer le pape & de perfuader au roi & aux principaux feigneurs, que fon intention n'étoit pas de combattre la liberté du royaume ou la dignité royale: exhortant le roi à conferver l'union qui avoit toûjours été entre l'église Romaine, ses prédeceffeurs & lui-même. Mais on les preffa de repondre fur le champ, & on déclara publiquement, que fi quelqu'un paroiffoit être d'un avis contraire, il feroit tenu pour ennemi du roi & du royaume. Alors les prélats comprirent que s'ils ne contentoient le roi & les barons, ils attireroient des perils & des fcandales fans nombre; & que l'obéiffance des laïques envers l'église Romaine & la Gallicane, feroit perdue entierement & fans retour. Dans cet extrême embarras, ils répondirent, qu'ils affifteroient le roi de leurs confeils & des fecours convenables pour la confervation de sa person

des fiens & de fa dignité, de la liberté & des droits du royaume, comme quelques uns d'entre eux qui tenoient des seigneuries & d'autres fiefs y étoient obligez par leur ferment, & les autres par la fidelité qu'ils devoient au roi. Mais en même temps ils fupplierent le roi de leur permettre d'aller trouver le pape suivant fon mandement, à caufe de l'obéiffance qu'ils lui devoient. Ce que le roi & les barons déclarerent qu'ils ne fouffriroient en aucune forte.

C'est ce qui fe paffa dans l'assemblée du dixième d'Avril, comme nous l'apprenons de la lettre des prélats au pape dattée du même jour, où ils ajoutent :

I X. Lettres des prélats & des feig

neurs.

AN. 1302. Confiderant donc cette émotion fi violente du roi, des

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barons & des autres laïques du royaume, & voyant la porte ouverte à une rupture entiere avec l'églife Romaine, & même en general entre le clergé & le peuple: car les laïques fuyent abfolument notre compagnie, & nous éloignent de leurs conferences & de leurs confeils, comme fi nous étions coupables de trahison contre eux : ils méprisent les cenfures ecclefiaftiques, de quelque autorité qu'elles viennent, ils se préparent & fe précautionnent pour les rendre inutiles. En cette extremité nous avons recours à votre prudence, & nous vous fupplions la larme à l'œil de conferver l'ancienne union entre l'églife & l'état,& pourvoir à notre fûreté, en revoquant le mandement par lequel vous nous avez appellés.

Les feigneurs de France écrivirent auffi, non pas au pape, mais aux cardinaux, & en François : apparemment pour montrer qu'on ne les faifoit pas parler autrement qu'ils ne penfoient. La lettre eft du même jour dixiéme Avril, & porte en fubftance: Vous savez mieux que perfonne l'union & l'amitié qui a été de tout temps entre l'églife Romaine & le royaume de France; & vous n'ignorez pas les travaux & les perils que plufieurs de nous ont effuyez pour le maintien & l'accroiffement de la religion. Et comme nous aurions une douleur infuportable de voir cette ancienne union fe rompre maintenant, ou feulement diminuer par la mauvaise volonté de celui qui occupele S.fiege: Nous vous avertiffons par cette lettre de fes nouvelles entreprises contre le roi notre maître & tout le royaume de France, qui nous ont été clairement expofées par ordre du roi, & que nous ne pourrions

fouffrir, quelque mal qui nous dût arriver.

Premierement, il prétend que le roi eft fon fujet quant au temporel, & le doit tenir de lui: au lieu que le roi & tous les François ont toûjours dit, que pour le temporel le royaume ne releve que de Dieu feul.De plus il a fait appeller les prélats & les docteurs du royaume pour reformer les abus qu'il lui plaît de dire que le roi & les officiers commettent au préjudice du clergé,de nous & de tout le peuple : quoique ni eux ni nous ne demandions ni réforme ni correction fur ces matieres que par l'autorité du roi. Les feigneurs continuent en faifant contre le pape les mêmes plaintes que le roi avoit fait propofer dans l'affemblée, puis ils ajoûtent: Nous disons avec une extrême douleur, que de tels excés ne peuvent plaire à aucun homme de bonne volonté, que jamais ils ne font venus en pensée à perfonne, & qu'on ne les a pû attendre que pour le temps de l'Antechrift. Et quoique celui-ci dife qu'il agit ainsi par votre confeil, nous ne pouvons croire que vous confentiez à de telles nouveautez, ni à de fi folles entreprises. C'est pourquoi nous vous prions d'y apporter tel remede, que l'union entre l'églife & le royaume foit maintenue, & que l'on puiffe utilement s'appliquer au faint voyage d'outre-mer & aux autres bonnes œuvres. Faites nous favoir votre intention par ce porteur que nous vous envoyons exprés ; & foyez perfuadez, que ni pour la vie ni pour la mort nous ne nous départirons de cette pourfuite, quand même le roi y consentiroit. La lettre portoit les sceaux de trente & un seigneurs qui y font nommez, & dont les premiers font, Loüis.comte d'Evreux,troifiéme fils du roi Philippe le Hardi, Robert comte d'Artois, Robert

AN. 1302.

1.61.

p. 62.

AN. 1302.

X.

Affaire de Hon

grie.

n. 14.

duc de Bourgogne, Jean duc de Bretagne, & Ferri duc de Lorraine.

Cependant le pape Boniface continuoit ses pourfuites pour établir roi de Hongrie le jeune Charobert, Rain. 1301.m.4 c'est-à-dire, Charles-Robert, petit fils de Charles le Boiteux roi de Naples. Dés l'année précedente le pape envoya legat en Hongrie Nicolas de Trevife cardinal évêque d'Oftie de l'ordre des freres Prêcheurs, étendant fa legation aux pays voifins, la Pologne, la Dalmatie, la Croatie, la Servie. Le fujet de la legation Sup. liv. 1xxx11. étoit de pacifier la Hongrie divifée entre le parti de Charles & celui d'André le Venitien, & pour donner plus d'autorité au legat, le pape lui permet de porter mais en Hongrie feulement, les mêmes marques qui diftinguoient les legats à lateré qui paffoient la mer, & par lefquelles ils representoient la perfonne du pape. La commiffion eft du treiziéme de Mai 1301. & par une lettre à tout le clergé du pays, il leur ordonne de donner au legat & à fa fuite tous les fecours neceffaires, non feulement pour la fureté des chemins, mais pour les voitures & la fubfiftance.

84.

Rain. n. 6.

Le roi AndréleVenitien mourut peu de tempsaprés; & alors les feigneurs Hongrois qui tenoient fon parti f. Thuroz. c. 83. envoyerent en Bohême au mois de Juillet 1301. prier le roi Venceslas de prendre poffeffion du royaume de Hongrie : de peur, difoient-ils, que nous ne perdions notre liberté en recevant un roi de la main de l'église. Orils s'adreffoient à Venceslas, parce que par fa mere Razan. p. 240. il étoit fils d'Anne fille de Bela IV. roi de Hongrie. Venceslas qui étoit fort avancé en âge,ne voulut point quitter fon royaume, & déclara qu'il cedoit tout fon droit fur la Hongrie à fon fils nommé Venceslas com

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