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pour toûjours à fon fervice. Il guerit & au lieu de la leçon qu'il devoit faire & à laquelle étoit venu un grand concours d'auditeurs ; il leur raconta ce qui lui étoit arrivé, & leur fit un puiffant difcours fur le mépris du monde. Il exécuta fa promeffe, fortit de la ville pauvrement vêtu & fe retira en un licu nommé le mont Olivet, avec deux autres nobles Sienois, Patricio Patrici & Ambroife Picolomini. Ils y bâtirent un oratoire & des cellules, & Jean qui prit le nom de Bernard y dona fon bien.

AN. 1320,

Comme il leur venoit des difciples de jour en jour, quelques envieux les défererent comme hérétiques au pape Jean XXII, qui leur manda de venir le trouver à Avignon. Ceux que Bernard y envoïa aïant exposé au pape toute leur maniere de vie, il les jugea innocens & les renvoïa à l'évêque d'Arezzo dans le diocéfe duquel étoit le mont Olivet, pour aprouver leur congregation & leur prefcrire une regle. L'évêque d'Arezzo étoit Gui de Tarlat, qui donna commiflion à un prêtre nommé Reftaure d'aller marquer le lieu p. 473. le plus propre pour bâtir un monaftere, y planter une croix & y mettre la premiere pierre avec les prieres accoûtumées. L'évêque accorda qu'au même lieu on érigeât un monaftere avec fon clocher en l'honeur de la fainte Vierge, fous la regle de S. Benoît, qui fut nommé le monaftere de fainte Marie d'Olivet à Ancone, & fut toûjours gouverné par un abbé, & jamais

par

des laïques ou des clercs féculiers. L'évêque exempte ce monaftere de dimes & de toutes autres redevances, le réservant feulement la confirmation de l'abbé & la vifite. C'eft ce que porte fa lettre adrefféet à Bernard & à Patrice & dattée du mois de Mars 1319.

Ughell. to.

A N. 1320.

XLIX. Ladiflas

Longin. lib. 9. P. 979. D.

Patrice fut élu premier abbé au refus de Bernard, qui toutefois le fut enfuite l'an 1322.

Cependant les feigneurs & la nobleffe de Pologne Loctec couroné aiant reçu la lettre du pape & entendu les confeils de R de Pologne, l'évêque Geruard qu'ils lui avoient envoïé, réfolurent d'un commun confentement qu'il faloit couroner roi Ladislas Loctec,sans attendre du pape une décision plus expreffe, & marquerent pour cette cérémonie le jour de S. Sebastien vingtiéme de Janvier, qui cette année 1320. étoit le dimanche. Mais afin que la fête fut plus folemnelle, ils convinrent que le couronement ne fe feroit plus à Gnefne comme on l'avoit fait jufqu'alors, mais à Cracovie, comme étant une ville plus confiderable par la fituation, ses murailles, la multitude de fes habitans & l'abondance des chofes néceffaires à la vie : enfin qui avoit autrefois été métropole. Ce fut donc là que Ladiflas fut couroné par Janiflas archevêque de Gnefne affifté des évêques de Cracovie & de Pofnanie, & de quatre abbés tous en châpes & en mitres. La ducheffe Eduïge fon épouse fut en même tems couronée reine. Depuis ce jour la ville de Cracovie a toûjous été le lieu du couronement des rois de Pologne, & l'on y garde dans le château les ornemens roïaux qui étoient auparavant à Gnefne : favoir la courone, la pome, le fceptre & le refte. Le pape aprouva tacitement le couronement de Ladiflas, lui donant le titre de roi dans une lettre qu'il lui écrivit peu de tems aprés.

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a 3

L.

Nouveaux

Le retardement de la croifade malgré l'empreffePaftoureaux en ment des rois de France & d'Angleterre, fut l'occafion & le prétexte d'un trouble semblable à celui qui EXXXIII..29. étoit arrivé foixante & dix ans auparavant, pendanɛ

France.

Sup. liv.

la

Is3 180.

p.687.

la prison de S. Loüis. Le bruit fe répandit comme AN. 1320. alors, que la délivrance de la terre fainte étoit refervée Bal. vit, to. I. à des gens du petit peuple: ainfi les bergers & les autres p. 118 161.69& paftres abandonerent leurs troupeaux & s'affemble- Cont. Nang: rent au commencement de cette anné 1320. fans armes ni provisions, & prirent le nom de Paftoureaux comme les premiers. Ils marchoient à grandes troupes qui groffiffoient tous les jours par la jonction des fainéans, des mandians, des voleurs & des autres vagabons. Ils entraînoient jufqu'à des enfans de seize ans & au-deffous ; & il s'y mêloit auffi des femmes. Entre eux étoit un prêtre privé de fa cure pour fes crimes & un moine apoftat de l'ordre de S. Benoît ; qui par leurs exhortations en attiroient d'autres.

n. 23.

Ces Paftoureaux paffant par les villes & les villages, marchoient en proceffion deux à deux aprés une croix, fans dire mot, & vifitoient ainfi les principales églifes, demandant l'affiftance comme pauvres ; & on leur donnoit des vivres abondamment. Car le peuple Rain. 1310. les eftimoit, & le roi même par l'affection qu'il avoit pour la croisade, les favorifa d'abord: en forte que le pape en fit des plaintes au cardinal Joffeaume fon légat à la cour de France. Mais les Paftoureaux se rendirent bien-tôt odieux à tout le monde, par leurs pillages & leurs violences, qui alloient jufqu'à commet tre des meurtres. On en mettoit en prifon : mais les autres venoient en grande multitude, forçoient les prifons & mettoient leurs camarades en liberté.

Ainfi étant venus à Paris ils en délivrerent quelquesuns que l'on avoit mis dans la prifon de S. Martin des champs. Ils vinrent enfuite au Châtelet, où le prevôt de Paris aïant voulu leur réfifter, ils le jetterent d'un Tome XIX. Q ૧

AN. 1320.

f. 194.

efcalier en bas, dont il fut confiderablement froiffé.
Ils pafférent à S. Germain des Prés, où ils furent reçus
civilement, & fachant qu'il n'y avoit là aucun dés leurs
. en prifon, ils s'arrêterent au pré aux clercs préparés à
fe défendre contre le chevalier du guet; car ils avoient
oui dire qu'il devoit venir avec main forte contre eux.
Mais il n'y vint point, & ils s'éloignerent de Paris
marchant vers la Guïenne : où étant arrivés, ils com-
mencerent à fe jetter fur les Juifs, en tuer autant qu'ils
en pouvoient trouver & piller leurs biens : ce qui les
rendit agréables au peuple. Le feul moïen qu'ils laif-
foient aux Juifs pour fauver leur vie étoit de se faire
baptifer. Quand ils furent prés de Carcaffone le gou-
verneur du païs fit publier dans les lieux qui étoient fur
leur route, de défendre les Juifs de leurs violences,
comme apartenans au roi : mais plufieurs difoient,
qu'on ne devoit pas s'oppofer à des Chrétiens pour
fauver des infidéles: ce que voïant le gouverneur il
afembla des troupes, défendit fous peine de la vie
d'aider ou favorifer les Paftoureaux, & fit mettre en
prifon tous ceux qu'il put prendre : puis s'avançant
vers Toulouse, il en fit pendre dans les lieux où ils
avoient commis leurs crimes, ici vingt, là trente, plus
ou moins. A Touloufe même ils tuerent tous les Juifs
& s'emparérent de leurs biens : fans que les officiers
du roi ni les capitouls puffent les en empêcher.

Paffant au bas Languedoc, ils continuerent leurs violences contre les Juifs, & leurs pillages fur tout le monde, même fur les églifes. Ils marchérent enfuite Rain. an. 1320. Vers Avignon, où le pape tenoit fa cour, voulant s'en rendre les maîtres : mais le pape bien informé de leurs crimes, écrivit au fénéchal de Beaucaire, l'exhortant

22.22.

à réprimer dans tous les lieux de fa jurifdiction ces AN. 1320. prétendus pelerins. La lettre eft du vingt-neuvième de Juin 1320. Les officiers & les prélats prirent les mefures néceffaires pour arrêter le mal: ils mirent garnifon aux églifes & aux fortereffes avec les munitions convenables, ils empêcherent de vendre des vivres aux Paftoureaux, leur fermerent les paffages; & firent fi bien que plufieurs aïant été tués & plufieurs pendus, valing. p.112. les autres s'enfuirent & fe diffipérent entièrement. L'Angleterre fut agitée d'un pareil mouvement qui fe diffipa de même.

Rain.n.231

Sup. liv.

LXXXII. n. 55 •
c. 9. extra de

Jud. Dignum
Jud.

2. extrav. com.

Rain. n. 23.

Le pape prit en cette occafion la protection des Juifs & écrivit aux princes & aux feigneurs de les défendre de la fureur des Paftoureaux. Et comme plufieurs fe convertirent pour éviter leur perfécution, il renouvella les constitutions qui défendoient de depoüiller de leurs biens ces nouveaux convertis : ce qui de pouvoit les tenter de retourner au judaïfme. La conftitution de Jean XXII. fur ce fujet eft adreffée aux gouverneurs & aux officiers du comté Veneffin & des autres terres apartenans au S. fiége & datée du vingttroifiéme de Juillet 1320. Mais il renouvella auffi la condamnation du Talmud & les ordres d'en brûler tous les exemplaires : raportant pour cet effet une bulle de Clement IV. donnée en 1267. & adreffée à l'archevêque de Tarragone, une d'Honorius IV. adreffée à l'archevêque d'Yorc en 1285. & la fentence d'Eude de Chateauroux légat en France, donnée à Paris en 1248. que j'ai raportée en fon lieu. J'ai marqué auffi une bulle d'Honorius IV. fur le même fujet, adreffée à l'archevêque de Cantorberi en 1286. La bulle de Jean XXII. où ces pieces font inferées, eft du quatrième de Septembre 1320.

Qq ij

S. liv.

xxxIII. 2. 6.

LXXXVIII.2.41.

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