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même, pour favoir ce qu'il penfoit de sa renonciation & de fon ferment; & pour cet effet on lui envoya Athanafe patriarche d'Alexandrie, avec deux évêques de la part de l'empereur & du concile.

Il répondit par un écrit où il difoit, qu'il ne prétendoit point avoir fait un ferment en ufant d'une expreffion qui lui étoit familiere; & que fi tous les quarante évêques qui étoient affemblés jugeoient fa renonciation valable, il fe foumettoit à leurs avis : mais, ajoûtoit-il, s'il y en a seulement trois qui la jugent nulle, je fuis avec eux & je conferve le pouvoir que le faint Efprit m'a donné. Au refte, j'ai juste sujet de me plaindre de vôtre facrée majesté & des évêques, en ce que depuis huit mois que j'ai été outragé vous ne m'en avez point fait de juftice. Ce ne fera moi qui rendrai compte du préjudice qu'en reçoit l'églife. L'empereur ayant communiqué cette réponse au concile, les conteftations entre les deux parties s'échauferent plus que devant, fans que l'on pût rien conclure toutefois on continuoit de nommer Jean aux prieres publiques & fes gens gardoient toûjours le palais patriarcal.

pas

Cependant il vint en pensée à l'empereur Andronic que le parti le plus agréable à Dieu étoit celui des Arfenites, quoique les plus opposés à Jean Cofme: c'eft pourquoi il voulut faire encore une tentative pour les réunir aux autres. Il fit donc venir fecrettement & de nuit cinq des principaux d'entr'eux, & mit pour fondement de la negociation de conserver ce qui avoit été fait, foit l'ordination du patriarche Jean, foit celles des autres évêques: car pour Jofeph, il n'en étoit plus fait mention. Or l'empereur craignoit qu'en

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appaifant un parti on n'excitât l'autre, & il cherchoit. une paix entiere. Les Arfenites vouloient commencer par faire un nouveau patriarche, & difoient avoir un fujet convenable: mais pour mettre un fondement folide à la réunion, ils prétendoient qu'il ne fût ni élû ni ordonné par les évêques qui avoient eû part à la réunion avec les Latins, mais par ceux de leur parti feulement. Ils propofoient donc pour patriarche, l'évêque de Marmaritza dans les ifles Cyclades, qui étoit déja vieux & de l'ancienne ordination, & n'avoit eû aucune part à ce qui s'étoit fait avec les Latins.

L'empereur s'étant informé quel il étoit, aprit qu'il y avoit contre lui de grands reproches: qu'il avoit rendu venal le facerdoce, qu'il avoit donné le même ordre à plufieurs perfones en même temps par une feule ceremonie, fans la faire fur chacun en particulier, & commis d'autres fautes contre les v. Poffin. not. p. canons. L'empereur ayant propofé ces objections aux Arfenites, ils répondirent que la difficulté du temps devoit faire paffer par deffus; & l'empereur voulant abfolument les ramener, ne crut pas non plus devoir y regarder de fi prés. Ainfi il promit d'aprouver tout ce qu'ils feroient, & la convention fut redigée par écrit. On en étoit là & les prelats continuoient de difputer entre eux fur la renonciation & le ferment de Jean Cofme, quand il furvint un incident qui changea la face des affaires.

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XXIX. Rapel du Patriarche Athanafe.

Un moine nommé Menas qui paffoit pour vertueux & homme de merite, connu de l'église & de l'empereur, avoit coutume de visiter l'ancien patriarche Athanafe. Le quinziéme de Janvier 1303. Menas vint chez l'empereur & lui fit dire qu'il avoit quelque

chose à lui dire de neceffaire. L'empereur étoit occu- AN.1303. pé & lui envoya dire d'attendre. Après s'être fait annoncer une feconde fois il dit: L'avis que j'ai à donner fera inutile s'il n'eft reçu avant que la nuit s'avance. L'empereur le fit entrer auffitôt & lui donna audiance feul à feul. Seigneur, dit Menas, étant allé aujourd'hui voir le feigneur Athanafe à mon ordinaire, je l'ai trouvé trifte & penfif; & lui en ayant demandé la caufe, il m'a dit: Je vois que cette ville eft menacée de la colere de Dieu, & je fouhaiterois que quelqu'un dit à l'empereur que je lui confeille d'envoyer dés cette nuit par tous les monafteres ordonner des prieres continuelles pour préferver la ville & tout le païs de famine, de pefte, de tremblement de terre & d'inondation. J'ai raporté ce difcours du patriarche au metropolitain d'Heraclée, & il m'a preffé de venirtrouver votre majefté pour lui en rendre compte.

L'empereur reçut agréablement ce difcours ; & ayant fait reflexion aux menaces d'une punition divine, il crut que les deux plus preffantes étoient le tremblement de terre & l'inondation. Il envoya donc par tous les monasteres l'ordre de commencer des prieres fur le champ & en fit dire la cause. Il veilla lui-même felon fa coutume & occupé de la pensée du tremblement de terre, il crut en fentir un, mais fi doux qu'à peine pouvoit-on s'en apercevoir. Il le prit pour un prélude de l'accompliffement de la prédiction & en attendoit la fuite. Le dix-feptiéme Janvier vint un tremblement plus fort, fans toutefois être plus dangereux; & alors l'empereur fut convaincu de la prophetie, & transporté d'admiration il loüoit hautement le prophete fans toutefois le nommer.

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Le lendemain matin il affembla les évêques, le clergé & les principaux d'entre le moines, & leur demanda avec empreffement ce qui leur sembloit du moine qui avoit prédit cet accident. Tous convinrent que pour affeoir un jugement certain, il falloit conoître la perfonne, afin de difcerner fi c'étoit une revelation, une illufion du demon, ou une connoiffance naturelle: car la plupart des Grecs croyoient à l'aftrologie & aux divinations. Nous favons tous, ajoûtoient-ils, que l'empire eft menacé de grands maux, nous n'avons pas befoin de prophete pour nous l'aprendre l'important feroit de conoître par quel peché nous les avons merités afin d'y remedier. La journée se passa en ces contestations, fans que l'empereur voulût découvrir son prophete.

Le lendemain dix-neuviéme de Janvier il affembla les citoïens les plus diftinguez & presque tous les moines, & les harangua dans une galerie haute, d'où il leur raconta en détail tout ce qui s'étoit paffé depuis trois jours: témoignant une grande admiration pour le prophete & s'éforçant de le leur faire admirer, mais cachant toûjours fon nom. Auffi-tôt qu'il eût fini sa harangue, il descendit & marchant à pied, il se mit en chemin pour aller trouver cet inconnu ; & exhorta ceux qui voudroient à le fuivre; mais fans y obliger perfonne. Il permit aux vieillardes de monter à cheval, d'autant plus que les ruës étoient fales, & il l'ordonna même au patriarche d'Alexandrie. L'empereur fut fuivi d'une multitude inombrable pleine d'empreffement & de curiofité, & il les mena au monaftere de lib. x1.c. 1. Sup. Cofmidion, où Athanafe s'étoit enfermé neuf ans & trois mois auparavant, savoir le seiziéme d'Octobre

liv. LXXXIX. N. 25.

1293. la porte s'en trouva ouverte & l'empereur s'y AN. 1302. étant prefenté avec les évêques & l'élite des moines, Athanafe fortit de fa cellule vétu d'un manteau, portant un chapeau de paille & appuyé fur un bâton. Il `s'avança ainfi jufqu'au veftibule, où étoit déja une grande multitude de peuple; & alors tout le monde connut quel étoit ce prophete de l'empereur. Auffi ils se profternerent devant lui avec empreffement, principalement les évêques, en le nommant patriarche & l'exhortant à reprendre fa dignité, & fe découvrant la tête ils lui demandoient fa benediction.

Athanase s'en défendoit, s'excusant sur sa vieilleffe & fes infirmités; mais il promit de prier Dieu pour eux, & fans leur donner de benediction en forme, il présenta sa main qu'ils baiserent. Alors il congedia le peuple en témoignant prendre fort à cœur fes interêts. Je fais, dit-il, l'injuftice qui regne, le mépris des grands pour les petits, l'inclination des puiffans à opprimer les foibles, parce qu'ils n'ont point de protecteur. L'empereur entra dans cette confideration, & jugeant Athanafe plus propre qu'un autre à interceder pour les malheureux, lui ordonna d'ouvrir fa porte & de recevoir ceux qui s'adresseroient à lui. Dés lors il y eut un grand concours tous les jours depuis le matin jusqu'au foir: les uns demandoient la revifion des jugemens, les autres des recommandations pour obtenir des graces de l'empereur, qui y avoit toûjours égard. Ainfi Jean Cofme tomboit de plus en plus dans le mépris, & le credit d'Athanase se relevoit par l'efperance qu'il donnoit de rétablir les affaires en meilleur état. Alors l'empereur assembla les évêques, le clergé & les moines, non pour déli

Tome XIX.

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