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n. 8.

n. 16. to. 13.

I I.

doit remettre ou le retenir, lier ou délier le pecheur. Voïés encore ce que j'en ai dit au fecond difcours, où j'ay montré que l'églife n'impofoit que des peines médécinales, & à ceux qui les acceptoient volontairement : fe contentant.de prier pour les indociles & les endurcis, qu'elle fe trouvoit quelquefois obligée à retrancher de fon corps, de peur qu'ils n'infectaffent les autres. J'ai marqué dans le troifiéme difcours deux abus tres nuifibles à la penitence, la multiplication exceffive des peines canoniques & les pénitences forcées. Or je vous renvoie à ces difcours fur l'hiftoire pour éviter les redites.

Une autre partie de la jurifdiction eccléfiaftique qu'il faloit peut être placer la premiere, c'eft le droit de faire des loix & des reglemens, droit effentiel à toute focieté. Ainfi les Apôtres en fondant les églifes leur donérent des régles de difcipline qui furent long-temps confervées par la fimple tradition, & enfuite écrites fous le nom de canons des apôtres & de conftitutions apoftoliques. Les conciles qui fe tenoient frequemment faifoient auffi de temps en temps quelques reglemens; & c'eft ce que nous appellons les canons, du mot grec qui fignifie régle.

Comme un des devoirs des évêques étoit de conferver Arbitrages des l'union, & la chariré entre les fidéles, ils avoient grand évêques. foin d'apaifer les querelles, de terminer ou prévenir les differends: du moins ils exhortoient ceux qui leur étoient foumis à les regler entre eux à l'amiable, fans plaider devant les juges ordinaires, qui étoient païens. Saint Paul en . [1. Cor. VI. 4. fait un grand reproche aux Corinthiens; & dit, que les plus méprifables d'entre eux ne font que trop bons pour juger leurs affaires temporelles, tant ils doivent faire de cas de ces fortes d'affaires; & prendre garde de ne pas fcandalifer les païens en plaidant pour de petits interêts comme les autres hommes. Vous avés déja tort, continue l'apôtre d'avoir des procés: que ne fouffrés vous plutôt l'injuftice & la fraude? & là-deffus il leur fait une puiffante exhortation touchant le défintereffement & l'éloignement de l'avarice. Ainfi quand J. C. refufa d'être arbitre entre les deux freres, il en prit occafion d'inf

7.7.

peu

truire le peuple for le mépris des biens temporels.

:

Or quoique felon Saint Paul, les moindres des laïques puffent être pris pour arbitre de leurs freres, c'étoit toutefois l'évêque qu'ils choififfoient ordinairement comme leur pere commun; & l'on voit la forme de ces jugemens charitables dans le livre des conftitutions apoftoliques, lib. 11. c. 47. écrit avant la fin des perfécutions. L'évêque étoit affis au milieu des prêtres, comme un magiftrat affifté de fes confeillers les diacres étoient debout, comme fervant d'appariteurs, ou miniftres de juftice: les parties fe présentoient en perfone & s'expliquoient par leur bouche. L'af faire étoit examinée fimplement & de bonne foi, fans formalités rigoureuses, & decidée suivant la loi de Dieu, c'està-dire les faintes écritures. Le juge avoit égard à la qualité des parties, principalement à leurs mocurs, pour ne doner lieu ni à la calomnie ni à la chicane; & non content de juger l'affaire au fonds en déclarant ce qui étoit jufte, il s'efforçoit d'en perfuader les parties, les faire acquiefcer à fon jugement, les reconcilier parfaitement & les guerir de toute aigreur & de toute animofité. C'eft pourquoi l'audiance de l'évêque fe tenoit le lundy, afin que les parties euffent le refte de la femaine pour calmer leurs paffions ; & que le dimanche fuivant ils puffent dans leurs prieres lever à Dieu des mains pures, comme dit l'apôtre.

1. Tim. II. 8.'

Conciles.

Les affaires plus importantes, comme les plaintes contre les évêques mêmes, fe jugeoient dans les conciles provinciaux: qui fe tenoient régulierement deux fois l'an, à moins que la perfecution ouverte ne l'empêchât; & audeffus de ces conciles il n'y avoit point de tribunal ordi- epift. 19. naire. Saint Cyprien parlant des Ghrétiens qui étoient tombés dans la perfecution, dit : Qu'ils attendent la paix publique de l'églife, afin que dans une affemblée de plufieurs évêques nous puiffions tout régler d'un commun avis. Le concile de Nicée renu au commencement de la liberté de l'églife, ordone deux conciles par an ce qui femble montrer que c'étoit déja la coutume de les tenir frequemment.

can. S

Tit. 111, 10.

Hift. liv. 111. n.

4. 8.

IV.

1

Telle eft donc la jiritoiction effentielle à l'églife, comme elle l'a reçuë de J. C. fe foutenant par elle-même, fans aucun fecours de la puiffance féculiere; & fe contenant dans fes bones, fans rien entreprendre fur le temporel. Elle fe conferva dans cette pureté pendant les trois premiers fiécles fous les empereurs païens; & jamais l'église ne fut plus forte ni plus heureufe, c'eft-à-dire plus floriflante en toutes fortes de vertus, qui eft l'unique bien que J. C. lui a promis en cette vie. Les fondemens de cette jurifdiction étoient l'autorité des pafteurs & la foi des peuples. Les pasteurs s'attiroient du refpect par leur doctrine & leurs vertus : les peuples ne connoifloient point de plus grand mal en cette vie, que d'être retranchés de l'église & privés de la communion des faints. S'ils n'en étoient pas touchés, rien ne les empêchoit de retourner au paganisme: mais tant qu'ils demeuroient Chrétiens, rien ne leur étoit plus précieux que la grace de Dieu & l'efperance des biens éternels.

Ce fut par cette autorité purement fpirituele, que l'églife combatit & réprima tant d'héréfies qui s'éleverent dans les premiers fiécles : les Nicolaïtes, les Gnoftiques de diverfes fortes, les Ebionites, les Valentiniens, les Encratites, les Marcionites. On n'emploïa contre eux que l'inf truction, les conferences charitables; & une fermeté invincible à n'avoir aucun commerce avec les incorrigibles, fuivant le précepte de S. Paul.

Or, encore que l'églife n'eût pas befoin de la puif fance temporelle pour l'exercice de fa jurifdiction: toutefois elle n'en refufoit pas le fecours, même de la part de païens. On le voit dans l'affaire de Paul de Samo, fate, qui aprés avoir été dépofé du fiége d'Antioche, ne laiffoit pas d'y demeurer fous la protection de la reine Zenobie: jufqu'à ce que l'empereur Aurelien, à la priere des Chrétiens, le fit chaffer de la maifon épisco pale.

Cette protection devint ordinaire fous les empereurs Chrétiens, & ils prêtoient à l'églife leur puiffance coacProtection des tive pour l'execution de fes jugemens. Ainfi aprés qu'A

princes.

rius

liv. xxv1.n. 34.

rius eut été condamné au concile de Nicée, l'empereur liv. x. n. 24.
Conftantin l'envoya en exil & condamna fes écrits au
feu: défendant à toute perfone de les cacher fous peine
de la vie; & Neftorius fut traité de même par l'empe-
reur Théodofe. C'eft le fecond état de la jurifdiction ec-
cléfiaftique où elle commença à être appuyée par la fé-
culiere.

Ce fut particulierement pour autorifer les arbitrages des évêques, dont l'utilité étoit reconuë de tout le monde. L'empereur Honorius étant à Milan en 398. déclara; que ceux qui confentiroient de plaider devant l'évêque n'en feroient point empêchés : mais qu'il les juge roit comme arbitre volontaire, en matiere civile feulement. Et par une autre loi de l'an 408. il ordone que la fentence arbitrale de l'évêque fera executée fans apel, comme celles du préfet du prétoire ; & que l'exécution s'en fera par les officiers des juges; preuve que les évêques n'en avoient point de femblables.

On ne contraignoit perfone de procéder devant l'évêque, même contre les clercs. C'eft ce que porte une

Hift. liv.xx.n.35

1. 7. Cod. de epifc. and.

1. 8. Cod.

loi de l'empereur Marcien datée de 456. où il dir que 1.25. de epifc. &c. fi celui qui pourfuit un clerc de CP. ne veut pas fubir 1.26.9.4.de epifc. le jugement de l'archevêque, il ne pourra pourfuivre ail- aud. leurs que devant le préfet du prétoire. En géneral les clercs comme les laïques étoient foumis à la jurifdiction des juges féculiers: feulement il étoit défendu de les tirer du fervice de leur églife, en les pourfuivant dans une autre province; il faloit s'adreffer aux juges des lieux de leur réfidence, fuivant la maxime génerale, que le demandeur fuit la jurifdiction du défendeur. C'est ce que porte une loi de l'empereur Leon ; & c'eft à quoi fe ré- 1. 33. de epifc. duifoit le privilege clérical. Dés le milieu du cinquième 1. 29. §. 1. ep. fiécle on fe plaignoit que les évêques vouloient éten- aud. dre leur jurifdiction. Ceft pourquoi l'empereur Valentinien III. étant à Rome, fit une loi datée du quinziéme d'Avril 452. qui déclare, que l'évêque n'a pouvoir de juger, même les clercs, que de leur confentement, & en vertu d'un compromis. Parce qu'il eft certain que les

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Cod.

Theod. p.

566 Novel.

Valent. tit. 12.
Hift liv. XXVIII.

n. 399

Nov. 83.

Nov. 123. c. 21.

évêques & les prêtres n'ont point de tribunal établi par les loix, & ne peuvent conoîte que les caufes de religion, fuivant les conftitutions d'Arcade & d'Honorius. Les clercs font obligés de répondre devant les juges, foit pour le civil, foit pour le criminel: feulement les évêques & les prêtres auront le privilege de fe défendre par procureur en matiere criminelle.

L'empereur Juftinien receüillit & confirma dans fon code la plufpart de ces loix, & y en ajoûta de femblables: une entre autres où il dit: Mennas patriarche de CP. nous a prié de doner aux clercs ce privilege; que fi quelqu'un a contre eux une affaire pecuniaire, il s'adreffe d'abord à l'évêque dont ce clerc dépend, fans le traduire aux tribunaux féculiers, fi ce n'eft que la caufe foit trop difficile pour être decidée par l'évêque : en forte toutefois que le clerc ne foit point détourné de fon miniftere. Que file clerc eft poursuivi pour crime, il faut diftinguer le crime civil & le crime ecclefiaftique. On appelle ici crime civil celui qui eft commis contre les loix civiles, & ne regarde que le temporel, comme on nomme civils tous les juges féculiers. Ce qu'il eft neceffaire d'obferver, parce que felon notre ufage, le civil eft toûjours oppofé au criminel. Si donc, dit la loi, le crime eft civil, le clerc accufé fera pourfuivi ici à CP. devant le juge competent, & dans les provinces devant le gouverneur, à condition que le procés fera terminé dans deux mois ; & que fi l'accufé eft trouvé coupable, le juge le fera dégrader par l'évêque, avant de le punir felon les loix. Mais fi le crime eft ecclefiaftique l'évêque en jugera fans que les juges civils s'en mêlent car : nous ne voulons point qu'ils prenent aucune conoiffance de ces fortes d'affaires, qui doivent être examinées eccléfiaftiquement & les peines impofées felon les canons, que nos loix ne dédaignent pas de fuivre. Cette conftitution eft de l'an 539.

Dans un autre de l'an 541. Juftinien dit: Si quelqu'un Hift. l.xxx111. n. a quelque action contre un clerc, qu'il s'adreffe d'abord à l'évêque; & fi les deux parties acquiescent à son juge

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