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ment, nous voulons que le juge du lieu le faffe exécuter. Si quelqu'une des parties réclâme dans dix jours, le juge des lieux examinera la caufe ; & s'il confirme le jugement, on ne pourra plus en appeller. Mais fila fentence du juge eft contraire à celle de l'évêque, alors Papel aura lieu & fera jugé felon les loix. En matiere criminelle, fi un clerc eft accufé devant fon évêque & qu'il le trouve coupable, il doit le dégrader, aprés quoi le juge compétent s'en faifira & lui fera fon procés felon les loix. Que fi l'accufateur s'adreffe d'abord au j ge féculier & prouve le crime, il reprefentera les actes du procés à l'évêque du lieu, qui dégradera le coupable, s'il le trouve convaincu, & le juge le punira felon les loix. Mais fi l'évêque ne trouve pas la procedure réguliere, il pourra différer la dégradation, en forte néanmoins que l'accufé demeure fous bonne garde; & l'affaire nous fera renvoyée par l'évêque & par le juge, pour en ordoner avec conoiffance de caufe. En matiere civile, fi l'évêque differe le jugement, le demandeur aura la liberté de s'adreffer au juge féculier : mais fi l'affaire eft ecclefiaftique, le juge feculier n'en prendia aucune conoiffance. La fuite du difcours fera voir l'importance de cette conftitution.

Les empereurs Chrétiens donérent auffi aux évêques inspection fur la police des mœurs & l'honêteté publique. Si les peres ou les maîtres vouloient proftituer leurs filles ou leurs efclaves, elles pouvoient implorer la pro- . 12. Cod. de epi tection de l'évêque, pour conferver leur innocence. Il

aud.

pouvoit auffi empêcher, comme le magiftrat, qu'on n'en- l. 14. eod. gagât une femme libre ou efclave à monter fur le théa

tre malgré elle. Il devoit conjointement avec le magif- 1. 24. eod. l. 3. de trat conferver la liberté aux enfans expofés. L'évêque inf. expof. intervenoit encore à la création, & la preftation de fer

ment des curateurs, foit pour les infenfés, foit pour les

mineurs. Il étoit ordoné aux évêques de vifiter les pri- 1. 27. 28. 30. de epi fons une fois la femaine, favoir le mécredi ou le ven- aud. dredi. s'informer du fujet de la détention des prifoniers l. 21. Eod. efclaves ou libres, pour dettes ou pour crimes: avertir ī ij

naux.

V.

les magiftrats d'en faire leur devoir, & en cas de négligence en doner avis à l'empereur. Enfin les évêques. avoient infpection fur l'adminiftration & l'emploi des revenus & des deniers communs des villes, & la conftruction ou réparation des ouvrages publics. Tel fut le fecond état de la jurifdiction ecclefiaftique, pendant lequel les empereurs devenus Chrétiens, foutenoient de leur autorité celle des évêques & leur donoient quelque infpection fur les affaires temporeles, par l'eftime & la confiance qu'ils avoient en eux; & les évêques de leur côté infpiroient au peuple la foumiffion & l'obéïffance aux fouverains, par principe de confcience, comme faifant partie de la Religion. Ainfi les deux puiffances, la fpirituele & la temporele, s'aidoient & s'apuyoient mutuellement.

La chute de l'empire l'Occident, & la domination Conciles natio- des barbares commença, fi je ne me trompe, à alterer cette union. Les Romains n'avoient que du mépris & de l'averfion pour ces nouveaux maîtres, qui outre leur groffiereté & leur ferocité naturele étoient tous payens ou hérétiques. Au contraire le refpect & la confiance des peuples augmenta pour les évêques qui étoient tous Romains, & fouvent des plus nobles & des plus riches. Mais avec le temps les barbares devenus Chrétiens entrerent dans le clergé & y porterent leurs mœurs en forte que l'on vit des clercs & des évêques mêmes chaffeurs & guerriers. Ils devinrent auffi feigneurs ; & comme tels obligés de fe trouver aux affemblées dans lefquelles fe régloient les affaires de l'état, & qui étoient en même temps parlemens & conciles nationaux.

3. difc.n.8.9.

Or je regarde ces affemblées comme la principale fource de l'extenfion de la jurifdiction ecclefiaftique hors de fes bornes, & des entreprises fur la temporele. Nous en voyons un terrible exemple dès la fin du feptième fiecle au douzième concile de Toléde, qui déclara le roi Hift. l. 11. n. 29. Vamba déchu de la courone & fes fujets déchargés de leur ferment. Cette opinion que les évêques pouvoient dépofer les rois, fit un tel progrés pendant les deux fié,

cles fuivans, que les rois eux-mêmes en convenoient, comme il paroît par la requête de Charles le Chauve préfentée au concile de Savonieres en 859. contre Veni- Hift. liv. XLIX. lon archevêque de Sens.

n.46.

V I.
Droit nouveau.

Les fauffes décretales d'Ifidore, qui parurent vers la fin du huitiéme fiécle, aporterent un grand change . LV. n. 22. ment à la jurifdiction fur trois articles : les conciles, les jugemens des évêques & les appellations. Les conciles devinrent beaucoup plus rares depuis que l'on crut que l'on pouvoit en tenir fans la permiffion du pape ; 4. difc. n. 2. & dans le même temps il furvint un obstacle encore plus grand à la tenue des conciles, favoir les guerres ci

viles & les hoftilités univerfeles depuis le regne de Louis Hft.liv. LIX. N. le Débonaire & le milieu du neuviéme fiécle. Ces dé- 28. fordres rompoient le commerce d'une ville à l'autre, & 3. disc.n. 14. par confequent rendoient impoffibles les affemblées des

évêques vous avés vû les plaintes qu'en faifoit Ives de liv. Lxv. n. 8. ep. Chartres. Or la ceffation ou l'interruption des conciles 84. provinciaux étoit une grande playe à la jurifdiction ecclefiaftique.

La difficulté de juger les évêques en étoit une autre, in- 4. disc.n. 3. troduite auffi par les fauffes décretales, en réfervant au pape feul leur jugement, & ajoûtant de nouvelles regles fur les qualités des accufateurs & des témoins. Or cette difficulté de corriger ou dépofer les mauvais évêques, a caufé l'impunité de leurs crimes & la chute de la difcipline. Enfin les appellations au pape fans moyen & en tout état de cause, acheverent d'anéantir la jurifdiction ordinaire. Voyés ce qu'en difoient Hincmar & enfuite Ives de Char tres, & S. Bernard.

n. s.

n. 6..

Le decret de Gratien affermit & augmenta les changemens introduits dans la jurifdiction, étant reçu pour unique régle dans les tribunaux ecclefiaftiques: ce qui a duré prés de quatre cens ans. Car les conftitutions des papes pofterieures à cette compilation, roulent fur les maximes qu'elle contient. Or Gratien a entheri fur les fauffes décretales en deux articles importans, l'autorité 25.q.1.c.16.n.7. du pape & l'immunité des clercs. Car il foutient que le

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1.4.C. 35. 37.

70.83.

Hift. liv. 3. n. st.

II. q. c. I.

C. 3.7.14.

c. 10. 23.

H. UU. ALVI. m. 8

VII.

Extenfion de la

pape.

pape n'eft point foumis aux canons; & que les clercs ne peuvent être jugés par les laïques en aucun cas. Le pape Nicolas I. avoit déja avancé cette maxime dans fa réponse aux Bulgares en difaor: Vous ne devés point juger les piêtres ou les clercs vous autres laïques, ni examiner leur vie: vous devés tout laiffer au jugement des évêques. Pour prouver l'immunité des clercs, G.atien rapporte quatre fauffes décretales; premierement la prétenduë lettre du pape Caïus à l'évêque Felix: puis la feconde du pape Marcellin, la premiere de S. Alexandre, S. Silveftre dans le concile Romain. Enfin il rapporte la fauffe loi de Conftantin adoptée par Charlemagne, qui fans parler des clercs en particulier, renvoye aux évêques toutes les caufes de ceux qui les auront choifis pour juges, même malgré leurs parties adverfes.

Par tous ces différens moyens la jurisdiction ecclésiastique fe trouva fort cha gée dés le douzième fiécle, jurifdiction du tant par le mélange du temporel avec le fpirituel, que par l'extenfion de l'autorité du pape au préjudice des évêques. Car outre les appellations, fouvent le pape évoquoit à lui les caufes en premiere inftance, ou les renvoyoit à fes légats ou à d'autres juges par lui délegués; & il accordoit des citations générales ou particuliéres pour comparoître à fon tribunal. Les exemptions & les autres privileges ôtoient encore un grand nombre de caufes aux juges ordinaires. Mais quel en étoit le fondement, finon l'opinion vague que le pape pouvoit tout ce qu'il vouloit, & n'étoit point foumis aux canons? autrement comment pouvoit-il fouftraire à la jurifdic tion des évêques fans leur confentement des églifes particulieres ou des ordres entiers de religieux ? vous avez vû les reproches que faifoit S. Bernard aux abbés de fon temps, de rechercher ces exemptions; & au pape Opufc. 2. c. 35. liv. Eugene de les accorder trop facilement contre le bien LXIX. n. 59. de Conf. général de l'églife. Il eft vrai qu'il ne lui en conteste pas le pouvoir, faute d'être affés inftruit de l'anciene difcipline oubliée de fon temps.

H. liv. LIVII. n.

57.

Mais elle étoit encore conuë cent ans auparavant,

comme il parut au concile d'Anfe prés de Lion, tenu en 1025. L'évêque de Mafcon s'y plaignit que des moines de Clugny, qui étoient dans fon diocéfe avoient été ordonés fans fa permiffion par l'archevêque de Vienne. Odilon abbé de Clugny, produifit un privilege du pape pour l'exemption de fon monaftere : mais le concile y oppofa les canons du concile de Calcedoine & des autres en conféquence defquels les évêques déclarerent nul le privilege, & l'Archevêque de Vienne reconnut fa faute. Tant ces évêques étoient perfuadés que étoient perfuadés que le pape to. 9. Conc.p. 1177. n'étoit pas au-deffus des canons. Il eft vrai qu'au concile de Châlon tenu trente-huit ans aprés, où préfidoit S. Pierre Damien comme légat; on confirma les privile ges de Clugny: ce qui montre que l'opinion avoit déja changé touchant la puiffance du pape.

La jurifdiction des ordinaires fe trouvoit encore notablement reftrainte par celle des legats, fi fréquens depuis l'onzième fiècle : tant les légats à latere, que ceux qui réfidoient fur les lieux, & avoient la légation par le privilege de leur fiége ou par commiffion particuliere. Tous comme réprefentant le pape, avoient jurifdiction privativement à tous les évêques, de quelque dignité qu'ils fuffent, même les patriarches; & pouvoient déleguer d'autres juges.

H. liv. 1x1 n. 7.

v. 4. difc. n. 11.

VIII.

Entreprises fur les juges laïques.

Les évêques ainfi refferrés chercherent à étendre leur jurifdiction aux dépens des juges laïques, par trois moïens: la qualité des perfonnes, la qualité des caufes, & la multiplication des juges. Les perfones étoient les clercs, dont comme vous venés de voir on avoit déja bien élargi les privileges, en les fouftraïant entiérement à la jurifdiction féculiere. En forte que Boniface VIII. c. 3. de imm. in dans la fameufe décretale Clericis laïcos, dit nettement 25. que les laïques n'ont aucune puiffance fur les perfones

6. Rain. 1296. n.

n.

ni fur les biens eccléfiaftiques. On étendit encore ce H. liv. LXXXII; privilege en augmentant à l'infini le nombre des clercs. ". 43: Car depuis qu'on eût méprifé la fage difpofition du concile de Calcedoine contre les ordinations fans titre les évêques firent autant de clercs qu'ils voulurent, fans

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