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fur les onze heures du foir, & je trouvai le pouls tremblottant, maigre & à peine fenfible, avec une fr grande foibleffe & fi grande mal-aife, qu'il fembloit aux affiftans que ce malade alloit paffer. Heureufement j'avois apporté, avec moi de la teinture de fafran. Fem donnai fur le champ vingt-quatre gouttes; au bout d'une heure le pouls se releva, l'anxiété diminua, & les puftules augmenterent en nombre, tandis que la douleur de tête & le mal de dos cefferent comme par enchantement. Le malade eut une petite vérole trèsabondante ; il en eut même jufque dans la gorge, ce qui genoit beaucoup la déglutition; néanmoins il s'en eft relevé fain & fauve. On blâmoit ma hardieffe à donner un remede auffi chaud & auffi actif que l'eft une forte teinture de fafran ; & même fi l'om n'eût pas regardé le malade comme désespéré, on n'auroit pas fouffert que j'euffe adminiftré ce remede. Je croyois

bien auffi que je compromettois ma réputation, tant le malade me paroiffoit mal à moi-même; mais j'étois pourtant bien convaincu que j'agiffois fuivant mes lumieres & ma confcience; & quand on fe conduit ainfi, on doit fe mettre au-dessus des propos du vulgaire.

Juftum & tenacem propofiti virum
Non civium ardor prava jubentium..

Mente quatit folidâ :

Mais pour convaincre tout le monde. & prouver de plus en plus que Boer-haave fe conduifoit diverfement, fuivant les diverfes efpeces de petites véroles, & qu'il pratiquoit dans cette: maladie, comme dans toutes les autres, la médecine par indication, cequi est toujours la voie la plus sûre,, je vais rapporter des extraits de lettres &

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confultations qu'il a données dans cette. maladie.

L'illuftre Baffan, Baron du Saint

Empire, premier médecin du Duc de Lorraine, aujourd'hui Empereur, avoit toujours entretenu un commerce de lettres avec le grand Boerhaave, & entr'autres chofes, lui avoit demandé des documens fur la maniere de fe comporter dans la petite vérole, fi elle venoit à attaquer le Prince dont il étoit le médecin. Boerhaave, dans ce commerce amiable & familier, communiquoit ingénument, fuivant fa coutume, tout ce qu'il croyoit de plus avan→ tageux dans cette maladie; & en revanche, le généreux Baffan, homme plein de candeur & de reconnoiffance, difoit hautement (quand le Duc de Lorraine fut guéri de fa petite vérole) qu'il étoit redevable de fes fuccès à la méthode que Beerhaave lui avoit indiquée. Ayant donc appris que M. de Lebzeltern, Chevalier du Saint-Empire, mon digne collegue & mon ami, avoit en fa poffeffion les lettres de Boerhaave à Baffan, je n'eus pas de peine à en

avoir communication ; & ces lettres font aujourd hui placées dans la bibliothèque de l'impératrice reine. Je vais rapporter l'extrait d'une de ces lettres datée de Leyde, le 3 Avril 1736.

TEXTE DE LA LETTRE DE BOERHAAVE.

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Obfervation premiere.

» UN jeune homme âgé de 22 ans, » Indien de naiffance, bien partagé du » côté de la fortune, & d'un fort tem

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"

pérament, mais abufant de l'un & » de l'autre, étant très-adonné à toutes » fortes d'excès, furtout à la bonne » chere, au vin, aux liqueurs & à des "exercices immodérés en tout genre, » fut pris au milieu de l'été, après de » nouveaux excès, d'une fièvre ardente » accompagnée d'une grande douleur » de tête, de vomiffemens continuels, d'angoiffes terribles, & d'une inquié» tude perpétuelle, paroiffant cepen» dant accablé d'un fommeil inquiet » & agité; c'est dans cet état qu'il fut

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tranfporté le plus promptement pof» fible, d'Amfterdam à Leyde, pour » être confié à mes foins. Dès ma pre» miere visite, & fans fonger aucune»ment à la petite vérole, j'ordonne & fais faire fur le champ une forte sai

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gnée; je fais préparer en même tems » une décoction laxative avec la pulpe » de tamarins, la crême de tartre, la » rhubarbe & le nître que je fais don » ner par verrées répétées, & il en fut » bien purgé. Il prenoit pour boiffon » ordinaire une tifane de tamarins, de

racine d'ofeilles, de chiendent & de » fcorfonere, à laquelle je faifois ajou » ter du nître & du rob de fureau. Il » buvoit fréquemment & affidument » de cette tifane, & il en buvoit beau» coup; & comme elle ne fuffifoit pas » encore pour étancher fa foif, il bu» voit en outre de la limonade où je » faifois ajouter du fuc de framboifes, du firop de violettes, & même de

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» tems en tems un peu de vin de Mo

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