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Vos plaifirs font fi purs, vos peines fi légères;
Vos plus vives douleurs ne font que paffagères;
Vous ne connoiffez point le défefpoir affreux...
Souffrez
que l'amitié fuive les malheureux.

C'eft affez que l'amour fidèle

Ait fixé parmi vous fa demeure éternelle...

Mais qu'ai-je appris? Que dans vos bois

L'amour eft inconstant comme à la Cour des Rois... Simple & naïve Tourterelle,

Dont la voix eft fi tendre & le regard fi doux, Vous, des Amans le vrai modèle,

Le vrai modèle des Époux;

Vous ne mourez donc pas, quand la flèche cruelle
A percé dans les airs, au printemps de fes jours,
L'unique objet de vos amours?

Vous êtes donc légère & fouvent infidelle?
Et dans le même jour, fur le même rameau,
Vous couronnez les feux de plus d'un Tourtereau ?
Buffon l'ofoit écrire, & j'en doutois encore;
Hélas! il est trop vrai ! Je vous ai vu flétrir
Ces titres glorieux dont l'erreur vous décore;
Et c'est chez vous que, fans rougir,

Nos Belles ont peut-être appris à nous trahir...

Sombres réflexions! lumières déplorables!
Il n'eft plus d'amours véritables!

Les fidèles Époux, les fincères Amans,
Ces êtres menfongers à qui j'aimois à croire,
Sont bannis de la Fable, ainfi que de l'Hiftoire,
Et relégués dans les Romans.

FABLE I

LE VIEILLARD ET L'IDOLE.

UN

N PAUVRE Dieu de bois, abattu par les vents,
Ou par la foudre, ou par leTems,
Froiffe, brifé de la fecouffe,

Étoit gifant fur le verger

Que durant près d'un fiècle on le vit protéger.
Son front, caché fous l'herbe, étoit couvert de mouffe.
Cependant un Vieillard, qui, dès fes jeunes ans,
Avoit vu ce verger, fon unique héritage,
Sous le Dieu protecteur refleurir au printemps,
A peine de l'automne a cueilli les préfens,
Qu'à l'Idole abattue il en va faire hommage.
Son fils qui l'apperçoit : Eh! mon père, aujourd'hui
Qu'importe qu'il vous foit ou contraire ou propice?
À lui, mon père, un facrifice!

Que pourra-t-il pour vous, s'il ne peut rien pour lui?
Mon fils, dit le Vieillard, viens imiter ton père...
Il est pour nous ce qu'il était :

Ne fonge pas au bien qu'il ne pourra nous faire,
Songe à celui qu'il nous a fait.

FABLE II.

LE RENARD ET LA PERDRIX.

UNE JEUNE Perdrix s'ébattoit fous l'ombrage;
Un Renard l'apperçut, & lui tint ce langage:
Quel charme t'accompagne, ô gentille Perdrix!
Et quel doux éclat t'environne!

Que j'aime à contempler cette patte mignonne!
Oui, la pourpre de Tyr eft fans couleur au prix...
Et ce bec de corail, qui pourroit s'en défendre?
O, fi j'en crois tes yeux, que ton fommeil est tendre!
Je ne fais comme il arriva

Que la Perdrix fut fotte & ferma la paupière;
Je fais qu'elle fe réveilla

Sous une dent perfide, hélas! & meurtrière.
Que faire

pour fortir du gouffre où la voilà?

Elle eut recours à la prière:

O le plus féduifant des hôtes de ces bois!

Je t'en conjure par toi-même,

Par cet art enchanteur, par cette douce voix

Qui me fait ta victime; à ma misère extrême
Sois fenfible, ou du moins avant que de mourir,
Fais que je goûte encore un innocent plaisir;
Et fi ton cœur n'eft point farouche,

Que j'entende mon nom prononcé par ta bouche!
A ce difcours fi gracieux

Maître Renard prêtant l'oreille,

Ouvre amoureusement une bouche vermeille,
D'où la Perdrix s'envole & fend l'air à fes

yeux.
Sot que je fuis, dit-il, & tête fans cervelle !
Qu'avois-je en ce moment befoin de difcourir?
Et moi, l'ami, répondit-elle,

Qu'avois-je en ce moment befoin de m'endormir....
J'ai perdu la première & gagné la feconde.....
Quitte à quitte, compère, & tout eft pour le mieux:
Nous nous fommes appris ce qu'on rifque en ce monde,
Et pour ouvrir la bouche &
pour fermer les yeux.

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