Imágenes de páginas
PDF
EPUB

En apparence au moins, de tout point bien refaites,
Leur, retour cependant fit rumeur au pays.
Les fages ou les pareffeufes

Qui s'étoient fu bon gré de garder le logis,

Se trouvèrent bien malheureuses.

Que n'ont-elles d'abord adopté ce projet,
Si bien conçu, fi bon, à juger par l'effet!
Mais afin d'étouffer les haines intestines,
Que fembloient exciter mille jaloux propos,
La plus fage des Pélerines

Du fommet d'un pommier fit entendre ces mots:
O que je plains votre ignorance!

Que vous diftinguez mal le vrai de l'apparence!
Aveugles, ouvrez-donc les yeux!...

Nous étions plus de mille en partant de ces lieux....
Comptez-nous à cette heure... hélas ! de nos compagnes
Les trois quarts ont péri fur ces riches montagnes,
Dans ces champs habités par des hôtes pervers,
Où, pour la peine de nos crimes,

Nous allâmes chercher tant de périls divers.
Depuis le jour où nous partîmes,

Qui dira tous les maux que nous avons foufferts?
Du bonheur, il est vrai, nous avons vu l'image;

Mais ces raisins vermeils n'étoient que des appâts.
L'une, auprès de la grappe, a donné dans la cage;
Entre la mort & l'esclavage,

L'autre n'eut qu'à choifir & ne balança pas;
La fin de la plupart fut un honteux trépas.
Que dis-je? nous enfin, vil refte que nous fommes,
Réchappé de la main des hommes!

L'incommode embonpoint que nous en rapportons,
Vaut-il, à votre gré, ce que nous regrettons ?
Moi, qui vous parle... ah ! de mon aîle
Sachez que j'ai perdu la plume la plus belle.
Je n'ai qu'un œil, regardez-y;

Mon bec eft un peu racourei;

Il me manque une patte, & celle qui me reste,
Je la dois peut-être au hafard,

Qui dans tous nos fuccès eut la meilleure part;
Mes Compagnes, parlez; c'est vous que j'en atteste....
Et vous, qui, ne fuivant que vos goûts cafaniers,
Dans l'heureux calme de la vie,

Voyez mûrir, fans foins, les fruits de vos pommiers;
Si notre fort vous fait envie,

Si vous vous reprochez l'amour de vos foyers,
Balancez, d'une part, les craintes, la misère,

Les périls qu'en tous lieux nous avons éprouvés;
De l'autre, le butin que nous avons pu faire,
Et plaignez-vous, fi vous pouvez.

L'Orateur à ces mots defcend de la tribune ;
Et, d'après fon discours, le Sénat eft d'avis
Que les faveurs de la fortune

Méritent rarement qu'on y mette le prix.

FABLE VI.

LE LOUP ET LA CHÈVRE.

AU SOMMET d'un rocher bornant une prairie,
Une Chevrette alloit grimpant,

Sautant, folâtrant & broutant.

Un Loup, du pied du roc, l'apperçoit & lui crie:
Eh! quelle est donc cette folie,

De paître dans la nue au péril de vos jours,
Tandis qu'en ces bas lieux l'herbe eft tendre & fleurie?
Je ne vous entends point, Chevrette mes amours.
La Chèvre lui répond : Moi, je crois vous entendre:
L'herbe després, fans doute, eft fort bonne à brouter;
Mais, fi le Loup pouvoit monter,

Il n'inviteroit pas la Chevrette à defcendre.

FABLE VII

LA CIGALE ET L'ESCARGOT.

L'ESCARGOT, dans la canicule,

Chargé du poids de fa maison,

Pour parer, difoit il, du moins au ridicule,
S'en alloit s'établir à l'ombre d'un buiffon.
Il avoit quatre pas à faire;

Mais quand on eft ainfi chargé,

Le premier feulement n'eft pas petite affaire.
Souvent, pour le remettre, il étoit obligé
De s'arrêter. A chaque paufe,

Il fonge qu'un ménage eft une trifte chofe,
Et cent fois avec fon fardeau

Il voudroit être au fond de l'eau.

Tandis qu'il fe plongeoit dans la mélancolie,
La voix de la Cigale éveillant fes efprits,
Il la voit qui fautille au fein des prés fleuris;
Nouveau fujet de rêverie.....

Qu'elle est heureuse, celle-ci!

« AnteriorContinuar »